AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

R. Baccou (Traducteur)Georges Leroux (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080706539
801 pages
Flammarion (15/02/2002)
3.86/5   674 notes
Résumé :
Référence obligée en philosophie politique, La République constitue à la fois une forme d'utopie, décrivant une cité idéale gouvernée par les sages, et une critique sans appel de la démocratie grecque. Le lecteur contemporain ne peut s'empêcher d'établir un rapprochement entre la représentation platonicienne du gouvernement des hommes, réservé aux plus savants, et la conception républicaine du recrutement des élites, exerçant des fonctions publiques dans le cadre de... >Voir plus
Que lire après La RépubliqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
3,86

sur 674 notes
5
24 avis
4
7 avis
3
9 avis
2
0 avis
1
1 avis
Aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours aimé la philosophie : qui n'a jamais rêvé d'un monde idéal ?
"La république" fait partie des livres qu'il faut avoir lus, je pense, si l'on aime la philosophie, je vais oser une analogie qui vous fera peut-être sourire, mais c'est un peu comme lire "le Seigneur des anneaux" si l'on doit affirmer que l'on aime la littérature fantasy, c'est un passage obligé, dans les deux cas je les ai lus trois fois chacun, il y a longtemps il est vrai.
C'est une lecture ardue et exigeante, très exigeante en fait, le style et les tournures de phrases d'il y a 2500 ans ne rendent pas la lecture aisée, il sera souvent nécessaire de relire certaines phrases pour s'assurer d'avoir saisi le sens de l'argumentation.
Si j'ai gardé un bon souvenir de "La république" ce n'est pas tellement pour les brillantes argumentations qui nous sont offertes, pour être honnête j'en ai oublié l'essentiel même si je me rappelle quand même qu'il y est question de la supériorité du bien sur le mal, l'un des acteurs défendant le bien et l'autre essayant de démonter ses arguments.
Ce qui m'a marqué durablement et me sert encore aujourd'hui, c'est la préparation de la "dispute", une bonne partie du récit va voir les protagonistes se mettre d'accord sur l'utilisation et la signification de chaque mot ou presque qui sera employé de façon à éviter les quiproquos et les mauvaises interprétations, c'est la première et la seule fois que j'ai vu cette façon de préparer une joute verbale avec une telle rigueur.
Grâce à cette lecture, il m'arrive de m'assurer lors d'une discussion que le sens des mots est le même pour tous, en ce sens ce livre m'a laissé quelque chose de durable dans mon quotidien.
L'une de mes rares lectures classiques, sans passer par la case lecture imposée à l'école ;)
Commenter  J’apprécie          907
400 ans avant JC, en philosophie, et même peut-être en politique, c'est un des ouvrages fondamentaux.
C'est une démonstration magistrale, sur 300 pages, en passant par la construction « virtuelle » d'une cité, qu'un homme injuste ne peut pas être heureux.
.
Le thème principal de la lutte théorique de Socrate est de s'opposer à l'injustice et aux apparences, et il développe en exemple le mythe de la caverne, le semblant de justice des gouvernements, et même la « fausseté » de la poésie d'Homère ou de la peinture. La vérité peut parfois se voir avec les yeux, pour ce qui est des « objets réels », mais en ce qui concerne les « idées », seule l'âme dans le bien, ce qui est rare chez l'humain, peut approcher de la vérité, seul credo de Socrate.
.
Le gros avantage de cet ouvrage, malgré la richesse des propos de Socrate, est la lisibilité, la clarté de la plume de Platon, son disciple, qui retrace l'intégralité de la dialectique, de la maïeutique de Socrate. 😊.
Socrate invente « la cité de justice ».
Socrate engage une maïeutique avec Thrasymaque sur la justice, l'injustice, le bon et le méchant. Socrate a du mal à convaincre son interlocuteur qui, de guerre lasse, finit par accepter ce que dit Socrate. Mais Glaucon reprend l'argumentaire de Thrasymaque, et se pose la question :
.
»Ne vaut-il pas mieux être fort et injuste, quitte à faire semblant d'être juste, que d'être vraiment juste et recevoir les coups ? »
.
La réponse de Socrate viendra 300 pages après, car il a du mal à s'opposer à cette théorie.
Lui vient alors la possibilité de contourner le problème en envisageant l'idée de créer dans leurs têtes une cité idéale, de sa naissance à son développement, avec tous les travailleurs nécessaires qui la composent.
.
La cité de Socrate devra avoir des agriculteurs pour nourrir les citoyens, et des artisans.
Mais surtout, elle devra avoir des « gardiens » qui défendent la cité. Comment seront ces gardiens ? Ils devront être moralement éduqués pour donner l'exemple, et créer une cité heureuse, avec 4 qualités : Sagesse, Tempérance, Courage et Justice.
Pour cela leur éducation devra être sage, tempérante, pousser au courage et aller vers la justice.
Socrate compte sur la gymnastique pour entraîner au courage, et l'éducation à la musique pour marquer l'harmonie et la tempérance.
Alors ses interlocuteurs lui demandent ce que sera la place des femmes.
Socrate, sans se démonter, propose que les femmes aient les mêmes fonctions que les hommes.
Ses compagnons de dialogue approuvent.
Puis il aborde les relations interindividuelles. Tous les citoyens étant pauvres à la base, et n'ayant aucune propriété, pour garder leur sens moral et ne pas rentrer dans la cupidité, l'entraide devrait être importante, puisqu'ils sont correctement éduqués.
.
Bref, après avoir décrit sa cité idéale, qu'il appelle « royale », il la fait comparer aux autres systèmes politiques. Il amène Glaucon et ses comparses à classer comme lui, par ordre de justice et de bonheur :
1 ) La cité royale et juste, recherchant la vérité par la philosophie et non la « philodoxie » ;
2 ) La cité Lacédémonienne ( Sparte ) ou timocratique
3 ) La cité oligarchique, où les riches sont au pouvoir ;
4 ) La cité démocratique, où, d'après lui, règnent liberté-égalité-« bigarité » ( c'est-à-dire, en gros, le « bazar » ), je me rappelle de la Révolution Française, qui eut lieu plusieurs siècles plus tard ;
5 ) Enfin la tyrannie, dirigée par un malade, esclave de ses vices, dit-il, qui met la cité en esclavage, qui vient après la démocratie ( pour moi, Robespierre et Bonaparte, Hitler, Staline, et Castro à la fin de la révolution ou de la démocratie socialiste ).
.
La réponse de Socrate au bonheur supposé des injustes, l prôné par Glaucon, vient après ce large détour politique : une cité juste est préférable à une cité injuste, et des hommes justes sont plus heureux que des hommes injustes. 😊
.
Ce livre me fait réfléchir, ce qui est aussi le but d'une lecture, non ?
1 ) D'abord le titre. Pourquoi intituler cet ouvrage « La république » ? En effet, « res publica », désigne la chose publique, mais en latin, quatre siècles après Socrate et Platon … Même si c'est un concept qui se réfère à un état gouverné selon le bien du peuple. Ce terme n'existait donc pas au temps de Platon.
.
2 ) La vision de Socrate est étonnante, c'est à très long terme, ce qui en fait d'ailleurs un classique !
Je trouve Socrate très moderne, les femmes n'étant les égales des hommes que quelques… 24 siècles après sa proposition ( et encore, l'égalité n'est pas encore là ), la « religion » étant passée par là.
Je trouve Socrate très moderne sur un deuxième point : son système « communautariste » ou « communiste » me fait penser aux phalanstères de Charles Fourier :
Un phalanstère est un regroupement organique des éléments considérés nécessaires à la vie harmonieuse d'une communauté appelée la Phalange. le concept, très en faveur dans les milieux intellectuels au XIXᵉ siècle, fut élaboré par Charles Fourier.
Sur le point des changements de régimes politiques, j'ai noté que sa vision pouvait me convenir pour interpréter la Révolution Française ou autre.
.
3 ) Socrate, avant le pauvre Thomas Moore exécuté par Henry VIII, se rend compte que sa cité théorique ne peut s'appliquer sur le plan pratique, sauf, il est possible, avec Marc Aurèle qui s'est peut-être inspiré de cet ouvrage.
.
4 ) Je comprends maintenant à quoi Socrate faisait allusion en buvant la cigüe quand il était pressé de discourir avec Homère, décédé quelques siècles avant lui. En effet, Socrate critique vivement Homère, les poètes et les peintres, alléguant qu'ils déforment la réalité, la vérité, dada de Socrate et des philosophes ! Ensuite, sa façon de voir l'âme et « l'après-mort », proche de celle des spirites actuels, vient peut-être du récit d'Er, fils d'Arménios, qui ressuscita douze jours après sa mort, et raconta ce qu'il vit là-haut.
.
Bref, il y a encore des choses à dire sur ce livre….. 😊…comme par exemple, que « la vision de l'âme », aidée par l'intelligence, l'entendement, la vertu et le soucis de la vérité, est beaucoup plus performante que celle des yeux, souvent trompés par l'apparence…idée qui est expliquée par le mythe de la caverne, et qui nous rapproche de ce que dira le Renard dans « le Petit Prince » plusieurs siècles plus tard 😊.
Commenter  J’apprécie          468
Le legs de la Grèce Antique est sans conteste la démocratie. La démocratie Athénienne atteint son apogée aux V et IV siècles avant notre ère. C'est durant cette période que vont également s'élever les plus vives critiques envers elle.
Platon est un philosophe Athénien, issu d'une puissante lignée athénienne apparentée à Solon, qui dirigea Athènes avant la démocratie, il est également un fervent admirateur de Sparte, mais surtout, il se trouve être disciple de Socrate grand polémiste et philosophe de l'époque et virulent détracteur de la démocratie et ses sophistes. Platon retrace dans La République la pensée de Socrate dont l'oeuvre n'était qu'orale. Il est certain que l'auteur prend quelques libertés.
La République de Platon n'existe pas, il s'agit d'un ouvrage normatif et étiologique qui bâtit une cité idéale et en dévoile les rouages nécessaires.
Platon se fait l'épigone de son maitre, Socrate, esquissant les prérequis nécessaire à la formation d'une cité juste sous l'égide du Bien.

Pour que le Juste triomphe au sein de la cité utopique du philosophe, Socrate préconise à chaque citoyen de  persévérer dans son être, dans son art et de s'y consacrer entièrement et exclusivement. Il enjoint en outre les grecs, personnifiés par ses interlocuteurs Adimente & Trasymaque à vivre selon ce qui est juste plutôt l'inique. Et enfin, la recherche du Bien doit être constante pour les gouvernants.

Ainsi concernant le peuple, il doit prendre conscience que cette répartition des tâches au sein de la cité est « l'excellence de l'âme », se dessine déjà la notion de bien commun, et si ils s'attachent de surcroit à être juste, plutôt qu'injuste, ils seront bienheureux. du reste, chaque citoyen est lié au fonctionnement de la cité, comme l'abeille à la ruche, chacun forme un maillon indispensable à la condition qu'il se consacre à sa tâche.

Cette recommandation vaut aussi pour les gouvernants qui doivent se consacrer entièrement et exclusivement au Bien de la cité. Si le gouvernant à l'obligation de rechercher la vérité et le savoir, en revanche, le Bien est une entité qui reste insaisissable, elle s'offre à celui qui reste pur et juste dans sa quête du savoir et de la vérité.

A contrario, la cité et ses gouvernants ne pourront bien faire s'ils ne sont pas strictement concentrés sur ce qu'ils savent faire de mieux.

Au travers de ces métaphores filées du Bien et du Soleil ou encore des organes et leurs fonctions, Socrate, fils de Phainarète, use du dialogue et de la maïeutique pour faire aboutir le lecteur à ses assertions.
Mais au-delà se profile une critique acerbe de la démocratie. En effet, si Platon et Socrate ne sont pas pour une Grèce sous l'égide d'un tyran, ils attaquent sévèrement la démocratie qu'ils accusent, de par son égalitarisme endogène et farouche, de pousser de façon endémique à la médiocrité. Socrate ne comprend pas que le sort conduise des magistrats incompétents, au contraire, il considère que chacun doit faire ce qu'il sait faire de mieux et s'y atteler avec acuité. Cela vaudra à Platon d'être plus tard taxé de totalitaire en référence à la division du travail rigoureuse qu'il préconise pour le bien commun.

Le Bien et le juste ne doivent pas être relatifs aux citoyens, ils doivent être le fruit d'une recherche de la vérité et du savoir. Ils sont normatifs et non relatifs et appartiennent au ciel des idées, de l'intelligible.
Ainsi qui d'autre mieux que le philosophe, contemplateur des idées, ne peut se consacrer entièrement à cette quête et faire régner le juste et le Bien sur la cité. C'est la perspective de Platon, celle d'un philosophe roi corolaire intrinsèque du bon fonctionnement de sa République.
(#2014)
Commenter  J’apprécie          3111
Bon… Comment parler d'un tel édifice ? Je fais le choix d'une critique hybride, mêlant avis et ressenti personnels et "humble tentative de re-formulation dans la limite de mes moyens à partir de notes prises tout au long de ma lecture". Il sera préférable en effet, si le besoin se fait sentir un jour de me remémorer quelque peu la démonstration, de me contenter simplement de parcourir ces quelques paragraphes, plutôt que de me replonger corps et âme dans l'oeuvre tout entière depuis le début. Et puis, cela sera aussi peut-être utile à quelqu'un. J'espère ne pas dire trop de bêtises ou d'approximations.
La note maximale s'impose. Il s'agit moins cependant d'une note que moi je donne sur le contenu, qu'au regard de la portée philosophique, politique, historique d'un tel ouvrage fondateur. Certaines idées sont choquantes pour le lecteur "sain" d'aujourd'hui (et j'ose m'enorgueillir d'en être) : par exemple l'expulsion de la cité des "mauvais artistes", le choix de "laisser mourir" les natures les plus fragiles pour qu'elles ne nous encombrent pas inutilement, celui de "faire mourir" les "inguérissables de l'âme" (on dirait aujourd'hui peut-être les "irrécupérables"), etc. J'ignore si on peut parler de totalitarisme, si ce n'est pas complètement anachronique, tant le pouvoir politique chez Platon l'emporte sur tout, se mêle de tout, de la vie quotidienne, de l'éducation, de la moindre activité de chacun, veut imposer d'écouter telle musique, de chanter tel chant, dicte le régime alimentaire, refuse tout changement dans la loi. Jusqu'à organiser la reproduction par la pratique de l'eugénisme… J'ai lu en tout cas que la question avait été soulevée et ne cessait de diviser les universitaires.
Ce n'est pas ça que je note, mais, je l'ai dit, la portée, et l'exercice intellectuel. Il faut évidemment lire Platon avec recul et prendre son ouvrage comme une réflexion sur la cité idéale "théorique", rationalisée, optimisée. Et sur ce point, je dois dire que cette lecture m'a procuré un bonheur intellectuel indescriptible !
De très nombreux questionnements sont totalement précurseurs. Sur le rôle de chacun dans la cité, sur la nécessité d'une redistribution des richesses, sur le sens, ou le non-sens, d'être riche, sur les causes de l'injustice, sur l'euthanasie, l'importance de l'éducation, les principes de service public, de "commun", sur le rôle des artistes, l'égalité des sexes et leurs rapports entre eux, sur l'utilité du "noble mensonge" dès lors qu'il va dans l'intérêt de la cité, sur le sentiment d''appartenance à la communauté. Et encore, sur les dérives des sophistes, des beaux parleurs, des démagogues, qui ne veulent que flatter la foule pour arriver à leurs fins de pouvoirs et d'honneurs, attentifs à ses attentes et à ses désirs, pour qui la sagesse est, non pas la connaissance de ce qui est, mais "la connaissance de l'instinct et des plaisirs de la multitude hétéroclite"… Sur le danger d'une foule souveraine qui serait soumise à ces gens-là…
La grande question de la République : qu'est-ce que la justice, la justice dans la cité et la justice dans l'homme ? En quoi est-elle "en soi" si supérieure par rapport à l'injustice ? Pourquoi l'homme juste, même s'il doit passer aux yeux des hommes pour le plus injuste, est-il malgré cela plus heureux que l'homme injuste, même s'il reçoit quantité d'honneurs et de richesses ? En quoi donc la réalité de la justice l'emporte-t-elle toujours sur son apparence ?
L'ouvrage est un long dialogue entre Socrate et trois ou quatre interlocuteurs successifs, Socrate mène l'entretien. Ils tentent ensemble de répondre à ces questions, en entreprenant de fonder en pensée la cité idéale, la plus juste qui soit, d'établir la constitution politique parfaite. On ne comprend évidemment pas tout, mais ce n'est pas le but, on prend ce qu'on peut prendre. Sur la forme de l'entretien, elle a un nom : la maïeutique. Elle consiste à se mettre d'accord au fur et à mesure de la discussion, de poser de bonnes questions, de convenir ensemble de réponses sensées et logiques, et d'avancer ainsi jusqu'à dégager des conclusions satisfaisantes pour les parties, qui doivent être proches évidemment de la vérité car faisant consensus. En fait, ce n'est pas un simple échange d'idées comme on en voit aujourd'hui, où on se contente à la fin de compter les points et où chacun reste sur ses positions.
Socrate commence par donner de premiers éléments de réponse, dont un m'a assez plu : la justice est d'une nature supérieure à l'injustice en ceci, déjà, qu'elle est nécessaire même dans l'accomplissement d'actes injustes : la répartition équitable d'un butin au sein d'une bande de pillards, reposant sur une relation de confiance entre eux ; une âme individuelle qui doit être cohérente et déterminée au moment de commettre tel méfait. S'il n'y a pas justice, il y a désordre, dissension, conflit, et on ne peut rien faire du tout.
Ensuite, tout au long de l'entretien, on assiste à la fondation en pensée de la "cité idéale" et de son équivalent dans l'âme individuelle. Comme principe fondamental, Socrate fait ressortir trois éléments constitutifs de l'une et l'autre :
- Pour la cité : la classe des gouvernants qu'il appelle les gardiens ; celle des auxiliaires (armée) ; celle de la multitude, des producteurs.
- Pour l'homme, et qui correspondent aux précédents : le principe de raison ; l'ardeur morale ou le coeur ; les désirs.
Chaque élément se voit associer une vertu. Dans l'ordre : la sagesse, le courage et la modération. L'ardeur du coeur, au milieu, en penchant vers l'un ou l'autre des deux opposés, fait que nos actions sont plutôt bonnes, quand elle va du côté de la sagesse, ou mauvaises, quand elle se soumet à nos désirs. La justice apparaît comme un équilibre entre tout ça. Cette structure tripartite permet la compréhension de l'ensemble de l'oeuvre et revient très souvent.
Plus loin, Socrate expose les conditions de réalisation de la cité idéale. Cela passe par l'établissement d'un programme d'éducation rigoureux des futurs gardiens : apprentissage de la (bonne) poésie et de la musique, de la gymnastique, étude des sciences, de la dialectique, qui rend capable de "rendre raison" et de suivre un raisonnement.
Socrate préconise aussi la mise en place d'une communauté (communisme) au sein de la cité, tant pour les richesses que pour les femmes et les enfants, de manière à ne rien posséder que les autres ne possèdent aussi. Pour limiter les dissensions, les jalousies et les procès. Ainsi, tout le monde est concerné par tout le monde, se sent le proche de tout le monde. Cela suppose de retirer dès la naissance les enfants à leurs parents, et de les élever à part. Ils deviennent de la sorte les fils et les filles et les frères et les soeurs de la communauté entière. Seuls les gardiens connaissent les vrais arbres généalogiques et organisent à partir d'eux, en secret (notion de "noble mensonge"), la reproduction, en autorisant ou non les unions.
Mais la grande idée de Socrate dans La République, c'est l'avènement des philosophes-rois, condition qu'il juge la plus nécessaire à la réalisation de sa cité. Il fait noter l'impuissance actuelle, c'est-à-dire dans l'Athènes démocratique du Ve siècle, et le martyre des philosophes en face de la multitude corrompue par les orateurs usant de rhétorique, de violence et d'intimidations ; en face des sophistes également, adeptes de la flatterie, qui s'abaissent à des attaques personnelles au lieu de discuter des questions les plus fondamentales. Tous ceux-là décrédibilisent les philosophes et l'exercice de la philosophie. Platon, par l'intermédiaire de Socrate, et connaissant le sort qui sera le sien…, exprime son désespoir devant cette inutilité de fait du philosophe dans la cité démocratique. Mais, peut-être, "par chance", qui sait, ce règne des philosophes, littéralement ceux qui sont amoureux de la sagesse, pourra advenir un jour…
Une partie que j'ai trouvée particulièrement intéressante est celle où Socrate fait la distinction entre ce qui relève de la connaissance, c'est-à-dire ce qui est connaissable (par exemple le beau en soi, qu'il appelle la "forme" du beau), et ce qui relève de l'opinion, "sur quoi on opine" (la multiplicité des choses, qu'on peut trouver belles, mais qui ne sont que semblables au beau lui-même, puisqu'on pourrait tout aussi bien les trouver laides). La première, la connaissance des formes, correspond à l'éveil et est le but de la philosophie. La seconde correspond à l'état de rêve, quand on croit que ce qui est semblable à quelque chose constitue la chose même. C'est là aussi que se distingue le visible (les choses multiples, vues) et l'intelligible (les formes, pensées).
C'est aussi sur cette base que Socrate rejette et condamne la poésie, en tant qu'elle est imitative, qu'elle ne produit pas le réel mais des apparences. Elle se trouve au troisième rang par rapport à l'Être, après la forme, donc, et la multiplicité des choses, la concrétisation, l'artisanat, dont elle ne reproduit qu'un aspect, un point de vue. La poésie est donc dangereuse car elle peut abuser les gens naïfs. Les poètes se font passer pour des experts, ils imitent par exemple le langage médical mais n'en possèdent pas la science, Homère décrit la guerre mais il n'a jamais commandé à aucune armée. Leurs compositions jouent avec l'émotion, éloignent de la raison. de plus, en entretenant notre compassion pour des personnages, ils nous rendent ensuite, par une sorte de transfert, moins maîtres de nous-mêmes pour ce qui nous arrive personnellement, notre principe rationnel se relâche, et on s'autorise plaintes et gémissements.
Le but suprême de l'exercice de la philosophie est d'accéder au "bien", qui est au monde intelligible ce que le soleil est au monde visible, il permet à l'intellect de voir. Sur ce thème, sans doute le passage le plus célèbre de cette République, l'allégorie dite de la caverne : une fois en possession de cette connaissance, qu'il a acquise, grâce au programme d'éducation et à ses dispositions naturelles, en s'échappant de la caverne où est enfermé le reste de l'humanité ignorante, le devoir du philosophe est d'y "redescendre", de libérer les autres hommes qui sont prisonniers des ombres et de l'obscurité, d'en être les gardiens, de les guider vers l'extérieur et la lumière. Socrate insiste sur le fait que c'est son devoir d'agir ainsi, car lui, pour lui, n'a aucune raison d'agir de la sorte, préférant de loin s'adonner pour toujours à la recherche de la connaissance. Ainsi, selon Socrate, un bon gouvernant est celui qui ne tient pas à gouverner mais qui le fait, en tant que juste, pour le bien de tous, contre ses intérêts et la recherche des honneurs.
Ce gouvernement idéal par les philosophes, Socrate l'appelle aristocratie, "le pouvoir des meilleurs", de la raison. La même structure et les mêmes mécanismes existent dans l'âme individuelle. L'exposé qu'il dresse ensuite concerne les principales sortes de cités dont les constitutions sont défectueuses, découlant les unes des autres et formant un genre de cycle, et leurs équivalents chez l'individu :
- la timocratie (modèle de Sparte) : recherche de la victoire et des honneurs, goût pour la richesse mais "en secret". Naît de la discorde parmi les dirigeants de l'aristocratie, qui ne sont pas infaillibles dans la pratique de l'eugénisme et peuvent se tromper. Manque d'homogénéité, perte d'harmonie. Correspondant à la partie intermédiaire de l'âme, l'ardeur morale, le coeur. Tiraillé entre aristocratie (raison) et oligarchie (désir).
- l'oligarchie : pouvoir des riches, goût public, assumé pour la richesse. On dépense pour soi, contre les lois idéales qui nous disent de ne rien posséder, mais pas encore de manière frivole, plutôt parcimonieuse. Les riches deviennent des fléaux car ils ne gouvernent pas, mais s'occupent uniquement de leurs richesses. Cité désunie, double : celle des riches et celle des pauvres. Intérêts opposés, dissensions. Domination du principe de désir. L'homme individuel correspondant vit pareillement en discorde avec lui-même, conflits de désirs.
- la démocratie (modèle d'Athènes) : naît de la négligence de la modération, incompatible avec l'appétit de richesse. La liberté au centre de tout, chacun fait ce qu'il veut. Volonté des pauvres d'un régime nouveau. Extermination et bannissement des riches, partage égal du pouvoir. Manque de cohérence et d'unité. Agréable mais privée de gouvernement réel. L'homme démocratique, oubliant la parcimonie, est en conflit intérieur entre satisfaction des désirs nécessaires (oligarchie) et celle des désirs non nécessaires. Tend à la liberté de tous les assouvir, illusion d'équivalence. Aujourd'hui, on parlerait sans doute de "caprices".
- la tyrannie : naît de l'appétit insatiable de la liberté démocratique. le peuple, aspirant à une entière liberté, se sentant contraint, se choisit un protecteur pour défendre ses intérêts. Celui-ci, promettant le partage, "prenant goût au sang", devient tyran. Il déclare des guerres pour asseoir son autorité, supprime les opposants, qui ont de la valeur, et cohabite donc avec la masse des médiocres, qui le haïssent en raison des guerres qui les ruinent. Importante garde personnelle composée d'anciens esclaves qu'il a affranchis : le peuple devient soumis à des esclaves… Parricide, il use de violence contre le peuple qui l'a engendré comme un père. L'homme tyrannique est dominé par un désir bestial, impératif ; soumission, aliénation aux émotions ; folie. Il passe du "côté obscur"... ! Lui-même tyrannisé de l'intérieur. Dans la vie privée, ou bien on le flatte, ou bien il s'abaisse pour obtenir ce qu'il veut : donc toujours maître ou esclave de quelqu'un. Ignore la liberté et l'amitié. Homme le plus injuste.
Cet exposé renvoie à la question initiale du bonheur du juste et à l'intérêt de la justice en soi, et y répond. le tyran est le plus malheureux des hommes car, au-delà des apparences, de sa prestance, il est asservi tout entier, il n'a plus de bon en lui, il est toujours pauvre car jamais rassasié, et il vit dans la crainte et la souffrance perpétuelles. Par peur, vu qu'il est entouré de gens hostiles ou flattés, il est enfermé chez lui, lui qui est torturé de désirs innombrables. L'homme royal, au contraire, le philosophe, est le plus heureux, exerçant la royauté sur lui-même et sur la cité. Il est l'être le plus libre qui soit. Ses plaisirs liés à la recherche de la connaissance sont les plus agréables. Ils sont en plus les plus "réels" car ce sont ceux qui nourrissent l'âme, et non ces illusions de plaisirs que sont les simples comblements nécessaires de manques du corps, comme la faim et la soif, qui ne font parvenir qu'à un état intermédiaire de tranquillité, et non à un état supérieur comme celui où mène la philosophie.
La justice est donc le bien suprême de l'âme. L'injuste, même s'il agit impunément, même s'il possède l'Anneau de Gygès qui rend invisible et dissimule ses actes, est toujours plus malheureux que le juste. À quelqu'un qui ne sait s'il doit agir de telle manière qui lui paraît mauvaise, le sophiste dirait : "Ne t'en fais pas, tu peux mal agir, personne ne verra rien". Ce à quoi Socrate répondrait : "Oui mais toi-même, en ton for intérieur, tu le sauras …" Par conséquent, l'homme bon n'est pas bon par contrainte, à cause des lois ou d'un dieu qui le regarderait et voudrait le juger, mais parce que l'homme bon reconnaît la nature supérieure de la justice par rapport à l'injustice, laquelle rend malheureux en corrompant l'âme, en nous rendant avides et méprisables.
Pour finir, Socrate parle de l'immortalité de l'âme et de la récompense des justes après la mort, comme quoi l'homme juste ne peut qu'être aimé des dieux, qui ne se méprennent pas, qu'il peut être malade ou pauvre dans sa vie mortelle mais que son âme immortelle recevra la faveur des dieux. Il dit que dans la société humaine, le juste finit toujours par jouir d'une meilleure réputation, et l'injuste par se faire démasquer et devenir la risée de tous. J'ai du mal pour ma part à être d'accord avec ça : beaucoup d'injustes à mon avis triomphent et continuent de triompher même longtemps après leur mort… Beaucoup de rois, d'empereurs sont encore adulés qui ont été en réalité de véritables bouchers. le mythe final d'Er soutient que la vie mortelle engage également les vies futures de l'âme, en ceci qu'au moment de se choisir une nouvelle existence (métempsycose), celle-ci, sachant déjà distinguer la vie bonne et la vie mauvaise, saura mieux choisir une vie faite de vertu. Elle ne connaîtra pas alors les tortures que réserve l'Hadès aux mauvaises âmes pendant mille ans, durée entre deux réincarnations, mais plutôt les douces délices de la vie céleste… Jolie promesse.

Commenter  J’apprécie          53
On m'a vendu ce livre à moi, Lutopie, comme une utopie. Or, je dois dire après l'avoir lu qu'il y a tromperie sur la marchandise. Ou qu'il y a erreur sur la définition de l'utopie. En effet, la société idéale de Socrate n'est pas une utopie telle qu'on l'entend (on dit souvent que l'utopie ne peut qu'être conçue qu'en imagination, qu'elle est par définition irréalisable, qu'elle ne peut exister sans cesser d'être une utopie).

Alors là je m'arrête tout de suite car Socrate insiste sur le fait qu'il est tout à fait possible que sa société idéale advienne un jour,et il explique qu'il serait même vain de bâtir une société idéale qui ne serait pas réalisable et "on se moquerait de nous avec raison, puisque nous ne ferions que répéter des propos qui ressemblent à des prières". Alors peut-être que sa société idéale est déjà advenue et qu'on en a pas conscience. Il existe déjà des Républiques non ? Et peut-être qu'elles sont parfaites comme en République démocratique du Congo par exemple ? En France, on a une République aussi. Démocratique aussi je crois bien. Mais Socrate ne fait pas grand cas de la démocratie. Il est assez ironique lorsqu'il vante les mérites de la démocratie. C'est ce qu'on appelle l'ironie socratique, qui est quelque peu différente de l'ironie voltairienne mais passons. En tout cas, tout ce qu'il y a à retenir, c'est que Socrate considère la démocratie comme la suite logique de l'oligarchie et pire encore, comme le terreau ou le berceau de la tyrannie. Mais passons là encore, car il n'est pas de bon ton dans le monde civilisé de se défier de la démocratie, n'est-ce pas ? D'abord, c'est qui ce Socrate qui ose critiquer la démocratie ? Les valeurs de la République ? Vous verrez que ce n'est qu'un fou, qu'un vulgaire usurpateur qui essaie de renverser le pouvoir et de se l'attribuer (Oui oui, j'ose le dire !)

Socrate, dans la République, se fait bâtisseur, et législateur. Il se fait surtout le philosophe roi de la République. Car il émet l'hypothèse, et il démontre qu'il a raison sur ce point, qu'un roi doit nécessairement être philosophe ou mieux encore, qu'un philosophe (lui, Socrate, par exemple) doit être élu Roi. Et Platon, son héraut, est chargé de promulguer la République partout ailleurs. Et le pouvoir de Socrate est absolu, car il fait mine de donner un droit de réponse à tous ceux qui se présentent à lui, or, ils ne feront que s'incliner face à lui, car la génuflexion est de mise lorsqu'on se présente face au roi philosophe Socrate ! Socrate, comme n'importe quel roi, a sa cour personnelle, Glaucon et Adimante étant ses favoris. Ceux-ci lui feraient la conversation si Socrate ne parlait pas tout seul. Car oui, Socrate parle tout seul et n'admet chez son interlocuteur qu'un oui. S'il ose dire non, son interlocuteur se retrouve au pilori et c'est l'humiliation publique ! Ainsi va le règne de Socrate dans la République. À la fin du Livre V, Socrate s'amuse même de son interlocuteur, de Glaucon, lorsqu'il se moque en toute amitié de tous ceux qui n'ont pas accès à la connaissance, et qui ne font qu'avoir une opinion, celle de leur interlocuteur, lui-même Socrate ! Et ils opinent, et Glaucon, opine " Oui Socrate", "Mais oui, Socrate, tu as raison Socrate", "Je ne te contredirai pas sur ce point Socrate" - et c'est ainsi qu'ils se forgent une opinion, calquée sur celle de Socrate. Car Socrate a toujours raison, il n'a jamais tort, car Socrate est juste, grand, beau, fort, musclé, sexy (Veuillez compléter la liste de ses qualités). Bref, il semble que je suis tombée sous le charme de Socrate. Sa propagande marche à merveille sur moi, il a même réussi à me vendre son "utopie", bien qu'elle soit plus que limite par moments (voir les citations qui m'auront échappé). Mais non, en vérité, même si sa société est totalitaire, eugéniste, elle est parfaite ! Si, nécessairement parfaite. Même si ... Non, jugez par vous-même et vous verrez que vous aussi, vous vous agenouillerez face au grand Roi Philosophe Socrate !

Dans l'apologie de Socrate (car il faut bien faire l'éloge encore et encore de Socrate quand on s'appelle Platon), Platon présente Socrate comme un taon. Il ose car Socrate est à ce moment-là sur le point de mourir alors peut-être que Platon s'est dit qu'il ne risquait plus rien à présenter Socrate comme un taon ... Dans la République, les taons sont plutôt les ennemis jurés de Socrate, les autres philosophes ? ou plutôt les sophistes, les faux bourdons, qui influencent les hommes, les faibles et les puissants ...

Il oublie de dire dans la République que Socrate lui-même est un influenceur ( la preuve, il a ses followers). Et là vous vous dites que je vais trop loin, que j'actualise un peu trop Socrate en parlant de followers et pourtant, si on s'intéresse de près à l'allégorie de la caverne ...

Socrate présente sa caverne : Chaque habitant de la caverne vit confiné, ne sort jamais, passe son temps face à un mur où s'animent des ombres, comme dans un théâtre d'ombres chinoises, ou comme dans un théâtre de marionnettes, et la seule lumière présente dans la caverne est une lumière artificielle, fournie par le feu (la technologie) ou l'électricité si vous préférez vous éclairer comme ça, lumière qui permet d'animer le théâtre, d'alimenter l'écran. Ainsi, chaque habitant se retrouve rivé face à un écran, à LED, un écran plasma, etc, un écran 3D, peu importe, comme vous voulez, je ne suis pas vendeuse d'écran moi, choisissez vous-même votre télé ou faites comme moi et n'en achetez pas, c'est plus simple. Socrate précise que des personnes sont chargées d'animer ce théâtre d'ombres ( mais qui sont ces gens ? Il ne le précise pas.) Il précise bien que les habitants sont restés toute leur vie face à leur écran (alors faites attention quand vous achetez une tablette à un gosse ou quand vous laissez la TV ou un PC ou une tablette être la nounou de votre bout d'chou). Les habitants sont tellement fascinés par la téléréalité qu'ils sont persuadés que la télé est la réalité, du coup. Et ils sortent jamais, du coup ils sont un peu faibles physiquement et sortir dehors ne les tente pas, ils n'en ont pas envie et s'ils voulaient le faire, ils souffriraient à cause de leur faiblesse musculaire, de leurs douleurs articulaires, à cause aussi de la lumière du soleil à laquelle ils ne sont plus habitués ... Mais ils s'en fichent les habitants de la caverne car ils ont entendu à la TV que c'est tendance d'être hikikomori. Et puis ils sortent des casques de réalité virtuelle, pour visiter Paris par exemple, alors autant rester chez soi ? Sauf que Socrate raconte qu'un jour, un homme remarque une ouverture dans la caverne, qu'il voit de la lumière ( imaginez vous un geek qui se rappelle un jour qu'il a une fenêtre ou une porte donnant sur l'extérieur), et il décide tout simplement de se lever de sa chaise ou de son canapé, et il sort dehors, dans d'atroces souffrances certes, mais il tient bon, et puis il découvre qu'en fait Paris, c'est plus beau quand c'est pas dans le Metaverse (bien que dans le Metaverse, on ne rencontre pas de poubelles renversées, d'incivilités, que les pigeons ne mangent pas de plastique etc, bref il est vrai qu'il y a de l'artificiel partout dans le monde réel), mais voilà, l'homme se dit quand même qu'on lui ment depuis des années en lui présentant le monde différement que ce qu'il est tel qu'il est décrit par les media audiovisuels. Mais pourquoi je vous raconte tout ça moi ? Sans doute parce que je l'ai vécu un peu, pas tout à fait comme ça mais presque. En tout cas Socrate a raison quand il dit qu'il faut sortir de la caverne, car le soleil on l'aime beaucoup même si on arrête pas de l'accuser d'avoir des rayons UV nocifs pour la peau etc etc. En tout cas moi je l'aime beaucoup même si on m'a plus souvent vendu la Lune d'où le fait que je sois devenue lunatique. Désormais, j'essaierai d'être un peu plus solaire car Socrate nous dit que le soleil est l'enfant du bien, et Socrate, le Roi Philosophe m'aura bien vendu son histoire, son allégorie de la caverne, mais aussi son au-delà ( voir le dernier chapitre où il s'intéresse au destin des âmes après la mort), et il m'aura surtout vendu plus de soleil, ce qui fait que je considérerai désormais Socrate comme le véritable Roi-Soleil (et voilà Louis XIV détrôné).
Commenter  J’apprécie          174

Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,
Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,
Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne,
Alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie.
Commenter  J’apprécie          6660
C’est maintenant, je crois, le tour de la démocratie ; il faut en examiner l’origine et les mœurs, et observer ensuite la même chose dans l’homme démocratique, afin de les comparer ensemble et de les juger.
[...]
Eh bien, voici à peu près comment l’insatiable désir de ce bien suprême, que tous ont devant les yeux, c’est-à-dire la plus grande richesse possible, fait passer un gouvernement de l’oligarchie à la démocratie.
[...]
Les chefs ne devant leur autorité qu’aux grands biens qu’ils possèdent, se gardent de faire des lois pour réprimer le libertinage des jeunes gens et les empêcher de se ruiner en dépenses excessives ; car ils ont dessein d’acheter leurs biens, de se les approprier par voie usuraire, et d’accroître par ce moyen leurs propres richesses et leur crédit.
[...]
Or, il est bien évident déjà que dans un État les citoyens ne peuvent estimer les richesses et acquérir en même temps la tempérance convenable, mais que c’est une nécessité qu’ils sacrifient une de ces deux choses à l’autre.
[...]
Ainsi dans les oligarchies, les chefs, par leur négligence et les facilités qu’ils accordent au libertinage, réduisent quelquefois à l’indigence des hommes bien nés.
[...]
Et voilà, ce me semble, établis dans l’État des gens pourvus d’aiguillons et bien armés, les uns accablés de dettes, les autres notés d’infamie, d’autres tout cela ensemble, en état d’hostilité et de conspiration contre ceux qui se sont enrichis des débris de leur fortune, et contre le reste des citoyens, imbus enfin de l’esprit de révolution.
[...]
Cependant ces usuriers avides, tout attachés à leur affaire, et sans paraître voir ceux qu’ils ont ruinés, à mesure que d’autres se présentent, leur font de larges blessures au moyen de leur or, et tout en multipliant les revenus de leur patrimoine, travaillent à multiplier dans l’État l’engeance du frelon et du mendiant.
[...]
Et le fléau a beau s’étendre, ils ne veulent recourir pour l’arrêter ni à l’expédient dont il a été question, en empêchant les particuliers de disposer de leurs biens à leur fantaisie, ni à cet autre expédient de faire une loi qui détruise tous ces abus.
[...]
Une loi qui vienne après celle contre les dissipateurs, et qui obligerait bien les citoyens à être honnêtes ; car, si les transactions privées de ce genre avaient lieu aux risques et périls des préteurs, le scandale de ces grandes fortunes usurairement amassées, diminuerait dans l’État, et il s’y formerait bien moins de tous ces maux dont nous avons parlé.
[...]
C’est par une conduite pareille que ceux qui gouvernent réduisent les gouvernés à cette triste situation : ils se corrompent eux et leurs enfans ; ceux-ci gâtés par le luxe et l’inexpérience des fatigues du corps et de l’ame, deviennent indolens et trop faibles pour résister, soit au plaisir, soit à la douleur.
[...]
Eux-mêmes, uniquement occupés à s’enrichir, ils négligent tout le reste, et ne se mettent pas plus en peine de la vertu que les pauvres.
[...]
Or, en de telles dispositions, lorsque les gouvernans et les gouvernés se trouvent ensemble en voyage, ou dans quelque autre rencontre, dans une théorie, à l’armée, sur mer ou sur terre, et qu’ils s’observent mutuellement dans les occasions périlleuses, les riches n’ont certes nul sujet de mépriser les pauvres ; au contraire, souvent un pauvre maigre et hâlé, posté dans la mêlée à côté d’un riche élevé à l’ombre et surchargé d’embonpoint, en le voyant tout hors d’haleine et embarrassé de sa personne, ne penses-tu pas qu’il se dit à lui-même que ces gens-là ne doivent leurs richesses qu’à la lâcheté des pauvres ; et quand ils seront entre eux, ne se diront-ils pas les uns les autres ? En vérité, nos hommes d’importance c’est bien peu de chose !
[...]
Et comme un corps infirme n’a besoin, pour tomber à bas, que du plus léger accident, et que souvent même il se dérange, sans aucune cause extérieure ; ainsi un État, dans une situation analogue, tombe dans une crise dangereuse et se déchire lui-même, à la moindre occasion, soit que les riches et les pauvres appellent à leur secours, ceux-ci les citoyens d’un État démocratique, ceux-là les chefs d’un État oligarchique ; quelquefois même, sans que les étrangers s’en mêlent, la discorde n’éclate pas moins.
[...]
Eh bien, à mon avis, la démocratie arrive, lorsque les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, chassent les autres, et partagent également avec ceux qui restent, l’administration des affaires et les charges publiques, lesquelles, dans ce gouvernement, sont données par le sort pour la plupart.
[...]
Voyons donc quelles seront les mœurs, quel sera le caractère de ce gouvernement. Tout à l’heure nous rencontrerons un homme d’un caractère analogue à celui-là, que nous pourrons appeler l’homme démocratique.
[...]
D’abord, tout le monde est libre dans cet État ; on y respire la liberté et l’affranchissement de toute gêne ; chacun y est maître de faire ce qu’il lui plaît.
[...]
Mais partout où l’on a ce pouvoir, il est clair que chaque citoyen choisit le genre de vie qui lui agrée davantage.
[...]
Par conséquent, un pareil gouvernement doit offrir plus qu’aucun autre un mélange d’hommes de toute sorte.
[...]
Vraiment, cette forme de gouvernement a bien l’air d’être la plus belle de toutes ; et comme un habit où l’on aurait brodé toutes sortes de fleurs, ce gouvernement bigarré de mille et mille caractères pourrait bien paraître admirable.
[...]
bien des gens du moins le jugeront merveilleux, comme les enfans et les femmes quand ils voient des objets bigarrés.
[...]
C’est là, mon cher, qu’on a beau jeu pour trouver un gouvernement.
[...]
Parce que, grâce à cette grande liberté, celui-là renferme tous les gouvernemens possibles. Il semble en effet que si quelqu’un voulait former le plan d’un État, comme nous faisions tout à l’heure, il n’aurait qu’à se transporter dans un État démocratique comme dans un marché de gouvernemens de toute espèce ; et il pourrait y choisir celui qu’il voudrait et exécuter ensuite son projet d’après le modèle qu’il aurait choisi.
[...]
A juger sur le premier coup d’œil, n’est-ce pas une condition merveilleuse et bien commode, de ne pouvoir être contraint d’accepter aucune charge administrative, quelque mérite que vous ayez pour la remplir ; de n’être pas tenu non plus de vous laisser administrer, si vous ne le voulez point ; de ne pas aller à la guerre quand les autres y vont ; et tandis que les autres vivent en paix, de n’y point vivre vous-même, si cela ne vous plaît pas ; et en dépit de la loi qui vous interdirait toute fonction dans l’administration ou dans la judicature, d’être juge ou magistrat, s’il vous en prend la fantaisie ?
[...]
N’est-ce pas encore quelque chose d’admirable que la douceur avec laquelle on y traite certains condamnés ? N’as-tu pas vu dans quelque État de ce genre, des hommes, condamnés à la mort ou à l’exil, rester et se promener en public, et, comme s’il n’y avait là personne pour s’en inquiéter ou même pour s’en apercevoir, un pareil personnage marcher comme un héros ?
[...]
Et cette indulgence de l’État, ce dégagement de tout scrupule mesquin qui lui fait dédaigner ces maximes que nous avions la simplicité de traiter avec tant de respect, en traçant le plan de notre État, quand nous disions qu’à moins d’être doué d’une nature extraordinaire nul ne saurait devenir vertueux, si dès l’enfance le beau et l’honnête n’ont occupé ses jeux, et si ensuite il n’en a pas fait une étude sérieuse… Oh ! avec quelle grandeur d’ame on y foule aux pieds toutes ces maximes ! Sans se mettre en peine d’examiner quelle éducation a formé celui qui se mêle des affaires publiques, on l’accueille avec honneur, pourvu seulement qu’il se dise plein de zèle pour les intérêts du peuple.
[...]
Tels sont, avec d’autres semblables, les avantages de la démocratie. C’est, comme tu vois, un gouvernement charmant, où personne ne commande, d’une bigarrure piquante, et qui a trouvé le moyen d’établir l’égalité entre les choses inégales comme entre les choses égales.
[...] 1/2
Commenter  J’apprécie          70
Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants,
Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,

Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux, l'autorité de rien et de personne, alors, c'est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie.
Commenter  J’apprécie          1265
Considère à présent ce caractère dans un individu, ou plutôt, pour garder toujours le même ordre, ne verrons-nous pas auparavant comment il se forme ?
[...]
L’homme avare et oligarchique a un fils qu’il élève dans ses sentimens. Ce fils maîtrise par la force, ainsi que son père, les désirs qui le portent à la dépense, mais qui sont ennemis du gain, désirs qu’on appelle superflus. Lorsqu’un jeune homme, mal élevé, ainsi que nous l’avons dit, et nourri dans des principes sordides, a goûté une fois du miel des frelons, qu’il s’est trouvé dans la compagnie de ces insectes ardens, et habiles à irriter en lui des désirs et des caprices sans nombre et de toute espèce, n’est-ce pas alors que son gouvernement intérieur, d’oligarchique qu’il était, devient démocratique ? Et comme l’État a changé de forme, quand l’une des deux factions a été assistée du dehors par des forces du même ordre qu’elle, ainsi ce jeune homme ne changera-t-il pas de mœurs, quand certaines de ses passions recevront le secours de passions analogues et de même nature. Et si son père ou ses proches envoyaient de leur côté du secours à la faction des désirs oligarchiques, et employaient pour la soutenir les avis salutaires et les réprimandes, son cœur ne serait-il pas en proie à tous les troubles d’une guerre intestine ? Quelquefois la faction oligarchique l’emportera sur la faction démocratique : alors, une honte généreuse se réveillant en lui, les mauvais désirs sont en partie détruits, en partie mis en fuite, et tous ses sentimens se remettent en bon ordre.Mais bientôt à la place des désirs mis en fuite surviennent de nouveaux désirs de la même famille, qu’a laissé croître inaperçus, grandir et se multiplier la mauvaise éducation que le jeune homme a reçue de son père. Ils l’entraînent de nouveau dans les mêmes compagnies, et par suite de ce commerce clandestin, ils vont se multipliant sans cesse. Enfin, ils s’emparent de la citadelle de l’ame de ce jeune homme, après s’être aperçus quelle est vide de science, de nobles exercices et de maximes vraies, garde la plus sûre de la raison des mortels, amis des dieux.Au lieu de ces nobles milices, ce sont les maximes et les opinions fausses et présomptueuses qui accourent en foule et se jettent dans la place. N’est-ce point alors qu’il retourne dans la première compagnie où on s’enivre de lotos, et ne rougit plus de son commerce intime avec elle ? S’il vient de la part de ses amis et de ses proches quelque renfort au parti de l’économie et des épargnes, les maximes présomptueuses fermant promptement les portes du château royal, refusent l’entrée au secours qu’on envoie, et n’admettent pas même la députation bienveillante des sages conseils des vieillards. Secondées d’une multitude de désirs pernicieux, elles s’assurent l’empire par la force ouverte ; et traitant la honte d’imbécillité, la proscrivent ignominieusement, chassent la tempérance avec outrage en lui donnant le nom de lâcheté, et exterminent la modération et la frugalité, qu’elles appellent rusticité et bassesse. Après avoir fait place nette, et purifié à leur manière l’ame du jeune homme qu’elles obsèdent, comme si elles l’initiaient aux grands mystères, elles ne tardent pas à y introduire avec un nombreux cortège, richement parés et la couronne sur la tète, l’insolence, l’anarchie, le libertinage et l’effronterie, chantant leurs louanges et les décorant de beaux noms : appelant l’insolence belles manières, l’anarchie liberté, le libertinage magnificence, l’effronterie courage. N’est-ce pas ainsi qu’un jeune homme accoutumé dès l’enfance à n’écouter que les désirs nécessaires, en vient à émanciper ou plutôt à laisser dominer en lui les désirs superflus et pernicieux ?Comment vit-il après cela ? Sans distinguer les désirs superflus des désirs nécessaires, il prodigue aux uns et aux autres son argent, ses soins et son temps. S’il est assez heureux pour ne pas porter trop loin ses désordres, et si, l’âge ayant un peu apaisé le tumulte de ses passions, il rappelle le parti qui a succombé et ne s’abandonne pas tout entier au parti vainqueur, il établit alors entre ses désirs une espèce d’égalité, et livre tour à tour son ame au premier à qui le sort est favorable, jusqu’à ce que ce désir soit satisfait ; puis il passe sous l’empire d’un autre, et ainsi de suite, n’en repoussant aucun, et les traitant tous également bien. Que quelqu’un vienne lui dire qu’il y a des plaisirs de deux sortes : les uns, qui vont à la suite des désirs innocens et légitimes, les autres qui sont le fruit de désirs coupables ; qu’il faut s’attacher aux uns et les honorer, châtier et dompter les autres ; il ferme toutes les avenues de la citadelle à ce sage discours, et n’y répond qu’en branlant la tête, soutenant que tous les plaisirs sont de même nature, et méritent d’être également recherchés. Il vit donc au jour la journée dans cette complaisance pour le premier caprice qui se présente. Aujourd’hui il s’enivre et il lui faut des joueuses de flûte : demain il jeûne et ne boit que de l’eau ; tantôt il s’exerce au gymnase, tantôt il est oisif et n’a souci de rien ; quelquefois il est philosophe ; le plus souvent il est homme d’État, il se lance dans la politique, parle et agit à tort et à travers. Un jour, des gens de guerre lui font envie, et le voilà devenu guerrier : un autre jour ce sont des hommes de finances : le voilà qui se jette dans les affaires. En un mot, aucun ordre, aucune loi ne préside à sa conduite, et il ne cesse de mener cette vie qu’il appelle libre, agréable et fortunée. Cet homme offrant en lui toutes sortes de contrastes et la réunion de presque tous les caractères, a, selon moi, tout l’agrément et toute la variété de l’État populaire ; et il n’est pas étonnant que tant de personnes de l’un et de l’autre sexe trouvent si beau un genre de vie où sont rassemblées toutes les espèces de gouvernemens et de caractères.
[...]
Mettons cet homme en regard de la démocratie, comme pouvant à bon droit être nommé démocratique.
[...]
Il nous reste désormais à considérer la plus belle forme de gouvernement et le plus beau caractère ; je veux dire la tyrannie et le tyran.Voyons donc, mon cher ami, comment se forme le gouvernement tyrannique ; et d’abord il est à peu près évident qu’il provient de la démocratie. La manière dont la démocratie se forme de l’oligarchie, n’est-elle pas à peu près la même que celle dont la démocratie engendre la tyrannie ?
[...]
Ce qu’on regarde dans l’oligarchie comme le plus grand bien, ce qui même donne naissance à cette forme de gouvernement, ce sont les richesses excessives des particuliers : n’est-ce pas ? Et ce qui cause sa ruine, c’est le désir insatiable de ces richesses, et l’indifférence que la passion de s’enrichir inspire pour tout le reste ? Maintenant ce qui fait la ruine de l’État démocratique, n’est-ce pas aussi le désir insatiable de ce qu’il regarde comme son bien suprême ?

Quel bien ?

La liberté. En effet, dans un État démocratique, vous entendrez dire de toutes parts que la liberté est le plus précieux des biens ; et que pour cette raison, quiconque est né de condition libre ne saurait vivre convenablement dans un autre État.
[...]
Or, et c’est où j’en voulais venir, l’amour de la liberté porté à l’excès, et accompagné d’une indifférence extrême pour tout le reste, ne change-t-il pas enfin ce gouvernement et ne rend-il pas la tyrannie nécessaire ?
[...]
Lorsqu’un État démocratique, dévoré de la soif de la liberté, trouve à sa tête de mauvais échansons qui lui versent la liberté toute pure, outre mesure et jusqu’à l’enivrer ; alors si ceux qui gouvernent ne sont pas tout-à-fait complaisans et ne donnent pas au peuple de la liberté tant qu’il en veut, celui-ci les accuse et les châtie comme des traîtres et des partisans de l’oligarchie.
[...]
Ceux qui sont encore dociles à la voix des magistrats, il les outrage et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Il loue et honore en particulier et en public les gouvernans qui ont L’air de gouvernés, et les gouvernés qui prennent l’air de gouvernans. N’est-il pas inévitable que dans un pareil État l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre, mon cher ami, dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin la contagion de l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ?
[...]
Je veux dire que le père s’accoutume à traiter son enfant comme son égal, à le craindre même ; que celui-ci s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour les auteurs de ses jours, parce qu’autrement sa liberté en souffrirait ; que les citoyens et les simples habitans et les étrangers même aspirent aux mêmes droits. Oui, et il arrive aussi d’autres misères telles que celles-ci. Sous un pareil gouvernement, le maître craint et ménage ses disciples ; ceux-ci se moquent de leurs maîtres et de leurs surveillans. En général les jeunes gens veulent aller de pair avec les vieillards, et lutter avec eux en propos et en actions. Les vieillards, de leur côté, descendent aux manières des jeunes gens, en affectent le ton léger et l’esprit badin, et imitent la jeunesse de peur d’avoir l’air fâcheux et despotique. Il n’est pas jusqu’aux animaux à l’usage des hommes qui en vérité ne soient là plus libres que partout ailleurs ; c’est à ne pas le croire, si on ne l’a pas vu. Des petites chiennes y sont tout comme leurs maîtresses, suivant le proverbe ; les chevaux et les ânes, accoutumés à une allure fière et libre, s’en vont heurter ceux qu’ils rencontrent, si on ne leur cède le passage. Et ainsi du reste ; tout y respire la liberté.
[...]
Or, vois-tu le résultat de tout ceci, combien les citoyens en deviennent ombrageux, au point de s’indigner et de se soulever à la moindre apparence de contrainte ? Ils en viennent à la fin, comme tu sais, jusqu’à ne tenir aucun compte des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître.
[...]
Eh bien, mon cher ami, c’est de ce jeune et beau gouvernement que naît la tyrannie, du moins à ce que je pense. 2/2
Commenter  J’apprécie          20
Mais, mon cher Glaucon, dans un État où les citoyens doivent être heureux, il ne peut pas être permis de former des unions au hasard ou de commettre des fautes du même genre, et les magistrats ne devront pas le souffrir.

En effet, cela ne doit pas être.

Il est donc évident après cela que nous ferons des mariages aussi saints qu’il nous sera possible, et les plus avantageux à l’État seront les plus saints.

Soit.

Mais comment seront-ils les plus avantageux ? C’est à toi, Glaucon, de me le dire. Je vois que tu élèves dans ta maison des chiens de chasse et des oiseaux de proie en grand nombre. As-tu pris garde à ce qu’on fait pour les accoupler et en avoir des petits ?

Que fait-on ?

Parmi ces animaux, quoique tous de bonne race, n’en est-il pas quelques-uns qui l’emportent sur les autres ?

Oui.

Veux-tu avoir des petits de tous également, ou aimes-tu mieux en avoir de ceux qui l’emportent sur les autres ?

J’aime mieux en avoir de ceux-ci.

Des plus jeunes, des plus vieux, ou de ceux qui sont dans la force de l’âge ?

De ces derniers.

Sans toutes ces précautions dans l’accouplement, n’es-tu pas persuadé que la race de tes chiens et de tes oiseaux dégénérerait beaucoup ?

Oui.

Crois-tu qu’il n’en soit pas de même des chevaux et des autres animaux ?

Il serait absurde de ne pas le croire.

Grands dieux ! mon cher ami, quels hommes supérieurs nous faudra-t-il pour magistrats, s’il en est de même à l’égard de l’espèce humaine !

Sans doute il en est de même ; mais pourquoi parles-tu ainsi ?

C’est qu’ils seront dans la nécessité d’employer un grand nombre de remèdes. Or, un médecin ordinaire, même le plus mauvais, paraît suffire, pour guérir les malades, lorsqu’au lieu de remèdes ils demandent un régime à suivre ; mais on sait que l’emploi des remèdes exige un plus habile médecin.

J’en conviens : mais à quel propos dis-tu cela ?

Le voici. Il me semble que les magistrats seront obligés de recourir souvent au mensonge et à la tromperie pour le bien des citoyens ; et nous avons dit quelque part que de semblables moyens sont utiles, lorsqu’on s’en sert en guise de remède.

Nous l’avons dit avec raison.

Ce remède ne s’appliquerait pas mal, ce semble, aux mariages et à la propagation de l’espèce.

Comment cela ?

Il faut, selon nos principes, rendre les rapports très fréquens entre les hommes et les femmes d’élite, et très rares entre les sujets les moins estimables de l’un et de l’autre sexe ; de plus, il faut élever les enfans des premiers et non ceux des seconds, si l’on veut avoir un troupeau toujours choisi ; enfin, il faut que les magistrats seuls connaissent toutes ces mesures, pour qu’il y ait le moins de discorde possible dans le troupeau.

À merveille.

Ainsi il sera à propos d’instituer des fêtes où nous rassemblerons les époux futurs, avec des sacrifices et des hymnes appropriés à ces solemnités. Nous remettons aux magistrats le soin de régler le nombre des mariages, afin qu’ils maintiennent le même nombre d’hommes, en réparant les vuides de la guerre, des maladies et des autres accidens, et que l’État, autant qu’il se pourra, ne s’agrandisse ni ne diminue.

Oui.

Je suis d’avis que le sort soit si habilement ménagé que les sujets inférieurs accusent la fortune et jamais les magistrats de ce qui leur est échu.

À la bonne heure.

Quant aux jeunes gens qui se seront signalés à la guerre ou ailleurs, entre autres récompenses, il leur sera accordé d’avoir un commerce plus fréquent avec les femmes, afin que, sous ce prétexte, le plus grand nombre des enfans proviennent de cette lignée.

Très bien.

Les enfans, à mesure qu’ils naîtront, seront remis entre les mains d’hommes ou de femmes, ou d’hommes et de femmes réunis et qui auront été préposés au soin de leur éducation ; car les charges publiques doivent être communes à l’un et à l’autre sexe.

Oui.

Ils porteront au bercail commun les enfans des citoyens d’élite, et les confieront à des gouvernantes, qui auront leur demeure à part dans un quartier de la ville. Pour les enfans des citoyens moins estimables, et même pour ceux des autres qui auraient quelque difformité[8], ils les cacheront, comme il convient, dans quelque endroit secret et qu’il sera interdit de révéler.

Oui, si l’on veut conserver dans toute sa pureté la race des guerriers.

Ils veilleront à la nourriture des enfans, en conduisant les mères au bercail, à l’époque de l’éruption du lait, après avoir pris toutes les précautions pour qu’aucune d’elles ne reconnaisse son enfant ; et si les mères ne suffisent point à les allaiter, ils se procureront d’autres femmes pour cet office ; et même pour celles qui ont suffisamment de lait, ils auront soin qu’elles ne donnent pas le sein trop long-temps ; quant aux veilles et aux autres soins minutieux, ils en chargeront les nourrices mercenaires et les gouvernantes.

En vérité, tu rendras aux femmes des guerriers l’état de mères bien facile.
Commenter  J’apprécie          54

Videos de Platon (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Platon
PLATON / LE BANQUET / LA P'TITE LIBRAIRIE
Dans la catégorie : PlatonismeVoir plus
>Philosophie et disciplines connexes>Philosophie antique, médiévale, orientale>Platonisme (59)
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (3785) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..