Je considère que la mise à distance de l’Occident colonisateur s'est faite en trois temps : fin de l’occupation des territoires avec les indépendances ; déplacement sur le terrain économique de cette mise à distance, avec les nationalisations ; puis, troisième moment, troisième facette, réponse à la déculturation. Car c'est au niveau de la culture que les ravages de la période coloniale ont été, à mes yeux, les moins immédiatement perceptibles mais aussi les plus profonds. L'hégémonie culturelle du colonisateur a en quelque sorte discrédité les marqueurs symboliques de la culture du vaincu, lui faisant perdre sa cohésion interne, le ravalant au rang du « folklore ». Ils ont perdu leur vocation à jouer dans la cour de l'expression universel.
Alors, qu'est-ce que l'islamisme ? Et bien, c'est le reflux de ce moment de l'histoire. C'est pour cela que cet islamisme aura pour ses observateurs pressés, une apparence de « retour en arrière ».
2976 – [p. 20] François Burgat, « L'islamisme est une réponse à l'overdose de présence occidentale ».
On le voit très clairement quand on analyse les scores électoraux à l'intérieur même des Etats. Même au sein de ceux que Trump a remportés haut la main, la plupart des villes ont voté Clinton. Le clivage fondamental est donc entre, d'une part, une Amérique urbaine, qui est partout démocrate, et, d'autre part, une Amérique rurale et des Etats désindustrialisés quasi intégralement acquis à Trump. On a dit, et c'est en grande partie exact, que c'est l'Amérique profonde, blanche, inculte, qui a voté pour le démagogue et a exprimé son malaise social, mais aussi sa peur de se retrouver dans un pays où elle est en train de devenir une minorité.
2977 – [p. 9] Enzo Traverso, « Trump est un fasciste sans fascisme ».