Les maisons où une mort subite est sur le point de se produire ne se distinguent en rien des autres, plus innocentes. C'est un mensonge d'affirmer que le bois des escaliers grince avec des bruits semblables au croassement d'un corbeau et que les murs ressemblent à des sentinelles lugubres dans l'attente d'un évènement maléfique.
Les chambres de ceux qui sont morts jeunes sont le sanctuaire de leur absence, mais aussi le refuge de la lâcheté des vivants. Peu nombreux sont ceux qui se risquent à vivre avec les souvenirs et à les intégrer dans le présent. Seuls les plus forts sont capables de laisser la photo d'un enfant mort dans leur salon en s'exposant aux questions des inconnus et au poids de ce sourire juvénile immuable qui ignore le passage du temps. Nous vieillissons tous pendant qu'eux, parallèlement, rajeunissent, en nous faisant sentir coupables de ne pas avoir joui jusqu'à la dernière seconde de leur brève présence, de ne pas avoir deviné qu'ils pourraient partir, laissant tout à moitié chemin. Laissant non seulement inachevées leur vie et leur illusions, mais, ce qui est plus douloureux encore, laissant en suspens ce qui s'est passé le jour de leur mort, peut-etre une discussion idiote dont nous nous rappelons tout juste quelques mots désagréables que nous regretterons toujours: «si je ne lui avais pas dit... si je ne lui avais pas fait...». Mais personne ne peut ressusciter les morts ni compléter leur destin.
Voila pourquoi beaucoup de gens préfèrent oublier ceux qui sont partis, sans pour autant les trahir, et les effacent ainsi de leur vie quotidienne, tout en les gardant présents dans un endroit de la maison : un petit sanctuaire coupable et à la fois rassurant, comme l'est la chambre d'Eddie Trías chez ses parents.
C'est vrai que les hommes qui ont l'air distingué et les cheveux gris fascinent les femmes, mais en revanche ils ne sont guère sympathiques aux maris, surtout quand ceux-ci sont chauves.
05.31, clic... 05.32, clic... Tandis que Serafín souffre ainsi, son réveil - un modèle assez ancien - marque l'heure avec des chiffres carrés et phosphorescents qui tombent comme les feuilles d'un calendrier. Minute après minute. Telle la goutte d'eau d'un supplice chinois raffiné.
Leurs vies étaient comme deux lignes voyageant de conserve dans le Temps et qui ne se rejoindraient qu'à l'infini... ou peut-être un peu plus tôt : les conventions sociales les réuniraient certainement dans la même tombes, car telle est la fin inévitable de tout ménage bourgeois. Et aussi de ces couples où règne la plus complète indifférence.
La haine ouplutôt le mépris sont de puissants neutralisants de toute autre passion.
[...] parfois, dans la vie, il vaut mieux ne pas poser de questions, surtout quand on soupçonne que la réponse ne vous conviendra pas.
Il est incontestable que les fourneaux sont de bons alliés pour les confidences.Que devant un chaudron de sirop bouillant dans lequel flottent par exemple, des fleurs d'oranger ou peut-être aussi, des morceaux de potiron et autres délices,on finit par révéler à un ami ou à un maître ses secrets les plus intimes,comme le ferait un jeune barde en présence d'un druide.
Ce que tu dois comprendre, c'est que les gonzesses, les petites jeunes, elles sont devenus cinglées. Question sexe, tu obtiendras tout ce que tu veux, mais pour qu'elles acceptent de te rouler un patin, il faut quasiment que tu passes devant le curé. Je te dis qu'elles ont perdu la boule. Pour moi, c'est parce qu'elles sont toutes allées voir cette connerie de Pretty Woman; alors, depuis, un baiser sur la bouche, ça veut dire "je t'aime à la vie à la mort, amen", et il y a de quoi se flinguer.
- Tu es ravissante ce soir, Adela, tu sembles presque une adolescente, dit-il, et elle, heureuse, sourit car elle sait qu'il dit la vérité : les fabricants de cosmétiques peuvent raconter tous les mensonges qu'ils veulent, l'amour (ou l'illusion de l'amour) est l'unique miracle d’éternelle jeunesse qui existe.