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Citations sur La terrasse des Bernardini (27)

Rien n'arrive, n'arrivera, et le temps passe, uni, car tout est advenu : devant elles il n'y a plus qu'une aventure qui est leur mort. Elles sont très âgées. Arrêtées et comme ensablées, elles existent petitement. Elles tirent leur subsistance de leur inépuisable - et parfois trompeuse - mémoire.
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Mme Thérèse monte l'escalier sans empressement. Elle trouve sa maîtresse debout, en camisole, et de mauvaise grâce, elle entreprend de lui passer sa lourde robe de soie noire. Un moment, la tête de Mme Laure est perdue dans les plis de l'étoffe sombre, ses bras s'agitent, cherchant les manches ; les mains se dégagent enfin du fouillis puis la face émerge et alors Mme Thérèse tire sur la jupe pour la faire descendre. Il reste à boutonner le corsage, fermé dans le dos par une longue série de petits boutons de jais. Thérèse a des ongles aigus et chaque bride lui donne l'occasion de piquer le dos gras à travers la toile de la camisole. Mme Laure geint, laisse échapper de petits soupirs : mi-plaisir, mi-douleur.

Puis Mme Laure s'assoit et tend ses pieds ; Thérèse, accroupie, lui enfile l'un après l'autre ses bas ; une fois les pointes et les talons en place, elle allonge le tissu de mailles, le tend sur le mollet flasque à peau sèche, fripée comme un papier de soie, parcourue de veinules bleuâtres. Elle attache le haut des bas aux jarretelles contres les larges cuisses blanches en fronçant le nez.
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C'est devenu mon jeu de patience. Les gens qui m'entourent me semblent tout à coup trop jeunes, trop clairs. Ils manquent de cette épaisseur, de ce mystère que je me plais à imaginer dans le passé si long des femmes en robes noires. Elles me fascinent. C'est peut-être parce qu'elles se trouvent au seuil de la mort. C'est peut-être parce qu'elles préfigurent l'inéluctable destin de chacun de nous. Elles sont l'étang noir qui nous renvoie l'image de notre avenir. Elles sont aussi des étuis fermés sur des reliques, des pierres opaques dont les couches successives de sédiments recouvrent, emprisonnent des paillettes enfouies : or, argent ou étain ?

Elles ont été; elles ne sont plus guère, demains elles ne seront plus.

A l'extrême bord de leur existence, je voudrais les retenir, les ouvrir comme on ouvre un coffret, lire une espèce de message qui va se perdre à jamais.
Je les regarde. Je me grise de leur parfum : poudre à l'iris et jupe surie.
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La terrasse étroite et longue, éclairée par la lune, a des teintes douces ; elle ressemble une grande tombe jonchée de fleurs.
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Une éducation différente aurait pu transformer Laure ; mais au temps de sa jeunesse - et longtemps après encore - les filles pures et froides, à la froideur et à la pureté soigneusement entretenues, étaient jetées dans le mariage comme les vierges chrétiennes au taureau : à elles alors de s'adapter , de s'éveiller ou de se résigner.
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À l'extrême bord de leur existence, je voudrais les retenir, les ouvrir comme on ouvre un coffret, lire une espèce de message qui va se perdre pour jamais.
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N'avait-elle pas son mari, sa maison, ne savait-elle pas que mettre des enfants au monde, c'est se condamner à être abandonnée un jour ?
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On dit que la brème est un long poisson plat dont la capture offre plus d'intérêt que la chair, qui se révèle à la consommation molle et décevante.
Ainsi en fut-il de Paul pour Laure.
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L'idée de chien plaisait à Laure sans doute,
mais non sa réalité : elle ne pouvait aimer que des images bien propres, inodores et dépourvues de saveur. On l'avait habituée à détester le vulgaire, à admirer les moutons enrubannés des Bergeries plutôt que les troupeaux, les bons pauvres reconnaissants, les accordées de village toutes pures, les portraits exhaustifs de familles riches et unies. Aveuglée par des représentations toutes faites, elle demeurait séparée de la vie par une espèce de vitre glacée.
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Le vie ressemble à une longue promenade qu'on fait sur une route bordée de cercueils vides. La cohorte qui avance, nombreuse d'abord, diminue à mesure que ses membres, sans ordre d'âge d'ailleurs, se couchent l'un après l'autre dans les sépulcres préparés. Chacun sait que le sien est là, quelque part au bord du chemin. Il vaut mieux n'y pas trop penser.
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