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Citations sur La Confession d'une jeune fille - Violante ou la mond.. (8)

L’été suivant, elle repensa à Honoré avec tendresse, avec chagrin aussi, parce qu’elle le savait parti sur un navire comme matelot. Quand le soleil s’était couché dans la mer, assise sur le banc où il l’avait, il y a un an, conduite, elle s’efforçait à se rappeler les lèvres tendues d’Honoré, ses yeux verts à demi fermés, ses regards voyageurs comme des rayons et qui venaient poser sur elle un peu de chaude lumière vivante. Et par les nuits douces, par les nuits vastes et secrètes, quand la certitude que personne ne pouvait la voir exaltait son désir, elle entendait la voix d’Honoré lui dire à l’oreille les choses défendues. Elle l’évoquait tout entier, obsédant et offert comme une tentation. Un soir à dîner, elle regarda en soupirant l’intendant qui était assis en face d’elle.
– Je suis bien triste, mon Augustin, dit Violante. Personne ne m’aime, dit-elle encore.
– Pourtant, repartit Augustin, quand, il y a huit jours,
j’étais allé à Julianges ranger la bibliothèque, j’ai entendu dire de vous : « Qu’elle est belle ! »
– Par qui ? dit tristement Violante.
Un faible sourire relevait à peine et bien mollement un coin de sa bouche comme on essaye de relever un rideau pour laisser entrer la gaieté du jour.
– Par ce jeune homme de l’an dernier, M. Honoré.
– Je le croyais sur mer, dit Violante.
– Il est revenu, dit Augustin.
Violante se leva aussitôt, alla presque chancelante jusqu’à sa chambre écrire à Honoré qu’il vînt la voir. En prenant la plume, elle eut un sentiment de bonheur, de puissance encore inconnu, le sentiment qu’elle arrangeait un peu de sa vie selon son caprice et pour sa volupté, qu’aux rouages de leurs deux destinées qui semblaient les emprisonner mécaniquement loin l’un de l’autre, elle pouvait tout de même donner un petit coup de pouce, qu’il apparaîtrait la nuit, sur la terrasse, autrement que dans la cruelle extase de son désir inassouvi, que ses tendresses inentendues – son perpétuel roman intérieur – et les choses avaient vraiment des avenues qui communiquaient et où elle allait s’élancer vers l’impossible qu’elle allait rendre viable en le créant. Le lendemain elle reçut la réponse d’Honoré, qu’elle alla lire en tremblant sur le banc où il l’avait embrassée.

Violante ou La mondanité
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Ma mère m’amenait aux Oublis à la fin d’avril, repartait au bout de deux jours, passait deux jours encore au milieu de mai, puis revenait me chercher dans la dernière semaine de juin. Ses venues si courtes étaient la chose la plus douce et la plus cruelle. Pendant ces deux jours elle me prodiguait des tendresses dont habituellement, pour m’endurcir et calmer ma sensibilité maladive, elle était très avare. Les deux soirs qu’elle passait aux Oublis, elle venait me dire bonsoir dans mon lit, ancienne habitude qu’elle avait perdue, parce que j’y trouvais trop de plaisir et trop de peine, que je ne m’endormais plus à force de la rappeler pour me dire bonsoir encore, n’osant plus à la fin, n’en ressentant que davantage le besoin passionné, inventant toujours de nouveaux prétextes, mon oreiller brûlant à retourner, mes pieds gelés qu’elle seule pourrait réchauffer dans ses mains… Tant de doux moments recevaient une douceur de plus de ce que je sentais que c’étaient ceux-là où ma mère était véritablement elle-même et que son habituelle froideur devait lui coûter beaucoup. Le jour où elle repartait, jour de désespoir où je m’accrochais à sa robe jusqu’au wagon, la suppliant de m’emmener à Paris avec elle, je démêlais très bien le sincère au milieu du feint, sa tristesse qui perçait sous ses reproches gais et fâchés par ma tristesse « bête, ridicule » qu’elle voulait m’apprendre à dominer, mais qu’elle partageait.

La confession d'une jeune fille
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J’allais dans le monde pour me calmer après une faute, et j’en commettais une autre dès que j’étais calme. C’est à ce moment terrible, après l’innocence perdue, et avant le remords d’aujourd’hui, à ce moment où de tous les moments de ma vie j’ai le moins valu, que je fus le plus appréciée de tous. On m’avait jugée une petite fille prétentieuse et folle ; maintenant, au contraire, les cendres de mon imagination étaient au goût du monde qui s’y délectait. Alors que je commettais envers ma mère le plus grand des crimes, on me trouvait à cause de mes façons tendrement respectueuses avec elle, le modèle des filles. Après le suicide de ma pensée, on admirait mon intelligence, on raffolait de mon esprit. Mon imagination desséchée, ma sensibilité tarie, suffisaient à la soif des plus altérés de vie spirituelle, tant cette soif était factice, et mensongère comme la source où ils croyaient l’étancher ! Personne d’ailleurs ne soupçonnait le crime secret de ma vie, et je semblais à tous la jeune fille idéale.

La confession d'une jeune fille
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Sauf Augustin et quelques enfants du pays, Violante ne voyait personne. Seule une sœur puînée de sa mère, qui habitait Julianges, château situé à quelques heures de distance, visitait quelquefois Violante. Un jour qu’elle allait ainsi voir sa nièce, un de ses amis l’accompagna. Il s’appelait Honoré et avait seize ans. Il ne plut pas à Violante, mais revint. En se promenant dans une allée du parc, il lui apprit des choses fort inconvenantes dont elle ne se doutait pas. Elle en éprouva un plaisir très doux, mais dont elle eut honte aussitôt. Puis, comme le soleil s’était couché et qu’ils avaient marché longtemps, ils s’assirent sur un banc, sans doute pour regarder les reflets dont le ciel rose adoucissait la mer. Honoré se rapprocha de Violante pour qu’elle n’eût froid, agrafa sa fourrure sur son cou avec une ingénieuse lenteur et lui proposa d’essayer de mettre en pratique avec son aide les théories qu’il venait de lui enseigner dans le parc. Il voulut lui parler tout bas, approcha ses lèvres de l’oreille de Violante qui ne la retira pas ; mais ils entendirent du bruit dans la feuillée. « Ce n’est rien, dit tendrement Honoré. – C’est ma tante », dit Violante. C’était le vent. Mais Violante qui s’était levée, rafraîchie fort à propos par ce vent, ne voulut point se rasseoir et prit congé d’Honoré, malgré ses prières. Elle eut des remords, une crise de nerfs, et deux jours de suite fut très longue à s’endormir. Son souvenir lui était un oreiller brûlant qu’elle retournait sans cesse. Le surlendemain, Honoré demanda à la voir. Elle fit répondre qu’elle était partie en promenade. Honoré n’en crut rien et n’osa plus revenir.

Violante ou la mondanité
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Enfin la délivrance approche. Certainement j’ai été maladroite, j’ai mal tiré, j’ai failli me manquer. Certainement il aurait mieux valu mourir du premier coup, mais enfin on n’a pas pu extraire la balle et les accidents au cœur ont commencé. Cela ne peut plus être bien long. Huit jours pourtant ! cela peut encore durer huit jours ! pendant lesquels je ne pourrai faire autre chose que m’efforcer de ressaisir l’horrible enchaînement. Si je n’étais pas si faible, si j’avais assez de volonté pour me lever, pour partir, je voudrais aller mourir aux Oublis, dans le parc où j’ai passé tous mes étés jusqu’à quinze ans. Nul lieu n’est plus plein de ma mère, tant sa présence, et son absence plus encore, l’imprégnèrent de sa personne. L’absence n’est-elle pas pour qui aime la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?

La confession d'une jeune fille
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Parfois elle voulait essayer de retrouver, en marchant seule dans une forêt, la source naturelle des vraies joies.
Mais, sous les feuillées ténébreuses, elle promenait des robes éclatantes. Et le plaisir d'être élégante corrompait pour elle la joie d'être seule et de rêver.

(Violante ou la mondanité)
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L’amour platonique est peu de choses. Nous verrons qu’elle put considérer un peu plus tard que l’amour sensuel était moins encore.

(Violante ou la mondanité)
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Violante, à défaut d'amis, se fit de ses rêves des compagnons charmants et à qui elle promettait alors de rester fidèle toute sa vie.

(Violante ou la mondanité)
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