Pourtant, je vous jure, monsieur, chaque soir, Max Klein, le fils du Président de la cour d'assises, et Luz, la gamine de chiffonniers, se faisaient face à deux pas d'ici, au milieu des décombres du monastère, grimpés sur les gravats de l'ancien réfectoire pontifical d'Innocent VI, effondré à ciel ouvert ...
elle avait ce charme trouble des comédiennes une fois les projecteurs éteints
Oui, j'écris ton histoire. Et celle des tiens. Des miens désormais. Parce que tu m'as dit sans rancoeurs ni haines le terrible des petites vies de rien, et de leurs théâtres intimes, que les mots sont de la chair, qu'il suffit de les écouter battre, bien au ras des émotions simples, et qu'ainsi tu m'as fait comprendre le métier d'écrire. Parce que avec du vif, sincère, sans fard, sans frime, ta vie dans tes paumes ouvertes, tu m'as dit aussi l'humanité nue. Pas l'idéale, celle des religions et des philosophies, ni la créature politique, mais celle qui a mal aux dents, qui essaie d'aimer à grande douleur et immenses espoir, malgré son gros nez, malgré la maladie, les préjugés, malgré les gloires savoureues et les bravos, la ballotée d'histoire, l'oubliée des guerres et des destinées jolies, la minuscule, celle qui trahit et tue, et celle qui a peur, l'innocente et l'héroïque ordinaire, celle qui veut enfermer l'univers dans son poing fermé et ne peut y tenir un papillon. Tu n'es plus, Max, tu as rejoint Luz et Amparo, et Gérard Philipe, quelque part dans le grand néant. mais je sais désormais le mal délicieux de Chimène des bas fonds, de Rodrigue des beaux quartiers, et que l'histoire de nous autres, hommes de peu, n'est que le malentendu d'un baiser attendu et jamais réclamé.
Et Luz se métamorphosait, mille ans d'Espagne corsetée dans sa voix, plein d'honneur offensé à fleur de peau, et du frisson, et des envies du nudité et les reins déjà cambrés ... Ensemble, ils ont raconté la vieille Espagne. [...] ... Et de ce jour, jamais plus Luz n'a repris avec moi ses représentations bricolées ... Relâche, monsieur, relâche, en l'absence du jeune premier ... ! J'étais devenu indigne de seulement donner la réplique !
Attention, monsieur, aujourd'hui vous ne pouvez pas vous figurer, ais, à ces époques de juste avant-guerre, la Chartreuse était le fantôme du monument que vous visite cette après-midi, tout restauré, avec des odeurs de culture pour intellectuels et théâtre chic ...
Je viens de sauter le pas : abandonner une carrière bancale de prof de lettres, le blabla décharné sur Le Cid, entre autres, à des mômes arrogants réclamant du cul plutôt que la chair des mots, et une demoiselle possessive, prof pareil, soucieuse de son avancement
Bien sûr j'ai triché, je savais que vous étiez écrivain, je vous ai vu sortir de votre cellule... EN cueillant le jasmin, vous m'avez offert mon entrée, inespérée... Sinon j'aurais improvisé... Est-ce que j'ai été bon comédien pour une fois...? Est-ce que Luz aurait été contente de moi...? Ca n'a plus aucune importance. Maintenant que je vous ai conné ma petite représentation en entier, que vous m'avez accompagné dnas mon pauvre paradis dévasté, oui j'ai vécu, et eux aussi... Maintenant... Et nous vous en remercions...