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Critique de Arael


Gargantua, oeuvre contrasté de bout en bout. Désignée tantôt comme un chef-d'oeuvre de la littérature Française, précurseur dans son domaine, en avance sur son temps, incroyablement drôle, inventif et audacieux et tantôt comme un opaque regroupement de paragraphes égrillards, lourds, trop lourds, traitant de sujets tout bonnement dépassés et sans grand intérêt.

Et, entre ces deux pôles vacillant entre l'adoration du génie de Rabelais et rejet d'une oeuvre triviale dite pour certains surestimée, il y a ma perception de ce roman.

Tout d'abord, il ne faut absolument pas nier ni oublier le contexte. Dans royaume de France de l'époque, étouffé par le dogme religieux et les absurdes guerres, Gargantua est comme une percée d'air qui, avec légèreté sera le berceau des premières ondulations de l'ouragan de connaissances et de progrès qu'est la renaissance humaniste.

On ne peut nier l'impact énorme de Gargantua, que ce soit pour les moeurs sociétaux, pour notre culture comme pour notre langue. On ne peut nier le génie de Rabelais, qui manie prose, listes, jeux-de-mots, calambours et autres amusements de langues parfois néologiques de manière magistrale.

Certes, l'humour de Gargantua est spécial, trivial voire obscène, mais on ne peut pas s'indigner de cet humour, on savait à quoi s'attendre en ouvrant cet ouvrage.

Toutefois, la trivialité et les gauloiseries, toujours à la limite de la grossièreté, sans l'atteindre, ne sont pas une excuse pour tout. Les sujets abordés dans Gargantua ; de la religion à la guerre, sont profonds. Rabelais a ainsi essayé de les aborder avec une légèreté grâce à l'humour, aux comiques et aux péripéties qui sont sensées nous faire prendre une distance pour mieux analyser la situation. Dans ce cas, pourquoi Rabelais a-t-il autant alourdit son texte avec des nombres à foison, et des descriptions inutiles à n'en plus finir ? Cela est certes intéressant d'un point de vue linguistique, mais ces accumulations inutiles rendent ce roman célébrant la nourriture tout simplement indigeste. Ces accumulations inutiles rendent se roman court extrêmement pénible à lire.

Vous allez me dire, peu importe la lourdeur des phrases de Rabelais, tant que l'histoire est prenante, que les personnages sont intéressants et que les thèmes nous permettent de glisser d'une société médiévale et archaïque à une société humaniste et moderne.

Tout d'abord, attardons nous sur l'histoire. Je veux bien admettre qu'elle n'est pas au premier plan et que ce n'est pas ce qu'il y a d'important à retenir dans ce roman, toutefois, elle est tout bonnement inintéressante et invraisemblable. Je n'ai pas été pris par cette « histoire », qui ressemblait plus à une succession de descriptions triviales suivie de moments d'actions invraisemblables avec très peu de liens logiques et de vraisemblance si ce n'est pas du tout. Tout vas très vite, et en même temps, très lentement. La dilatation du temps dans ce livre est spéciale, et certainement pas dans le bon sens du terme. Les guerres Picrocholines notamment, n'ont ni queue ni tête et ne me m'ont pas personnellement, donné envie de continuer le roman.

Ensuite, venons-en aux personnages, qui malgré tout ce qu'on peut reprocher au livre, sont assez intéressants. Et si je ne devais en retenir qu'un, ce serait le fameux Frère Jean, bon moyen de critique des tords du monde monacal et religieux tout en étant un exemple de figure épicurienne, que Rabelais choie tout au long du roman.

Enfin, lorsqu'on pense à Gargantua, on pense à humanisme. Et la partie de l'éducation humaniste que Gargantua reçoit de Pornocrates est selon moi très réussie. On saisit bien ce qu'il faut changer dans l'éducation et quel est l'idéal d'enseignement qu'on pourrait attendre d'un pays humaniste. Mais, à part cette partie, les autres thèmes sont totalement dépassées et font de ce livre humaniste un livre humaniste du passé, qui ne transmet pas des valeurs et des idées assez universelles pour toucher les lecteurs modernes (contrairement aux écrits antiques, qu'adorent les humanistes). Enfin, j'attendais beaucoup de ce roman pour sa conclusion : l'abbaye de Thélème. Rabelais allait-il enfin nous donner les clefs de manière précise et lucide sur une société humaniste ? Absolument pas. L'abbaye de Thélème, n'est ni intéressante pour ses descriptions facultatives, ni pour ce que Rabelais aimerait nous présenter comme un progrès. Ce n'est qu'une vulgaire utopie irréalisable et invraisemblable, à l'image de l'histoire de ce roman par ailleurs. Rabelais, n'est pas le bouleversant écrivain moraliste et humaniste qui fera changer la société, mais bien un John Lennon comique et bon-vivant du XVIe siècle.

Jean de la Fontaine, a selon moi, accomplit de manière illustre ce que Rabelais n'aura jamais réussi à faire. Jean de la Fontaine réussit à corriger nos moeurs par le rire, à traiter de sujets sérieux ET universels avec une légèretés qui nous fiat nous interroger sur nous même, sans les tonnes de descriptions et d'ajouts inutiles de Rabelais.

En guise de conclusion, je peut attester que je comprends pourquoi certaines personnes peuvent adorer ce roman, et j'adore au passage son génie littéraire, mais je ne peut écrire de critique sans nuancer en pointant du doigt les nombreux défauts de ce roman, qui malgré toute sa lourdeur et sa paillardise parfois en trop, restera un classique et un chef d'oeuvre de notre littérature.
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