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Citations sur Le Démon de l'absurde (8)

Un homme va naître. L'ange gardien, dépêché auprès de son âme, lui permet d'hésiter avant d'éclore. Il hésite... Les couches de sa mère deviennent laborieuses, et pendant ce temps l'âme de l'homme peut étudier les conditions de sa vie future.

L'ANGE. - Si tu nais, tu mourras. La vie est une maladie mortelle. Si tu vis beaucoup, tu souffriras beaucoup. Si tu meurs jeune, tu regretteras l'existence. Choisis !

"Scie"
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On dit que les femmes ont des antennes au cœur. Rachilde a des antennes au cerveau. Pour avoir deviné à vingt ans, en écrivant "La Scie", l'irrémédiable médiocrité de la vie et son inutilité, il faut une l'hyperesthésie intellectuelle que la seule sensibilité féminine n'explique pas. Avec ces délicats filaments qui prolongent son intelligence, elle flaire la mort à travers l'amour, l'obscène à travers la santé, la terreur à travers le calme et le silence. Comme une chatte aux écoutes, elle dresse l'oreille, et elle entend la petite souris de mort qui ronge, ronge les murailles, les idées, la chair. Et elle allonge voluptueusement la patte pour jouer avec la petite souris mortelle.

Marcel Schwob, Préface
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L'HOMME. - Eh ! mon Dieu ! je ne verrai personne, j'aurai un jardin clos de murs, un jardinier sourd, une cuisinière muette, et... je lirai les journaux pour me désennuyer.
L'ANGE. - Si tu ne vois personne, on pensera que tu as des raisons pour te cacher. Si ton jardin a des murailles, on y grimpera la nuit pour découvrir tes crimes... et prendre tes poires ; si ton jardinier est sourd, il n'entendra pas ; si ta cuisinière est muette, elle ne le dira pas. Si tu lis les journaux dans une pareille solitude, tu deviendras fou au bout de six semaines. Tu apprendras que les maisons fermées et les jardins clos sont suspects, qu'on y réunit généralement des boulangistes... ou des femmes. La fatalité voudra qu'un nouveau-né strangulé soit déposé dans le chemin creux longeant tes murailles : si on le trouve, on fera une descente de police chez toi. Le sourd et la muette t'accuseront, l'un par son incohérence, l'autre par des signes désespérés. Si tu te défends sérieusement, tu es très coupable. Si tu ne te défends pas, tu es abject. Ceux qui auront volé tes poires donneront des preuves certaines. […] Si tu t'es permis de suivre la Gazette des Tribunaux plus attentivement que la Revue des Deux-Mondes, on pensera que tu cherchais déjà ton système de défense. Il ne te restera plus qu'à te munir d'un bon avocat, qui te fera envoyer au bagne en plaidant les circonstances atténuantes ; et si tu vas au bagne, tu finiras par te croire criminel... tu y mourra en avouant des histoires fabuleuses.
"Scie"
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L'HOMME. - Pourquoi ne cultiverais-je point les beaux-arts, l'état de bourgeois n'ayant rien d'attrayant, à ce qu'il me semble ?
L'ANGE. - Si tu as du génie, tu seras méconnu. Mais si tu n'en as pas, tu seras inconnu. Si tu es pianiste, tu seras la désolation de tes voisins, et ils attacheront du lard à ton cordon de sonnette. Peintre, tu mettras vingt-cinq ans à te choisir une école, et, sur tes vieux jours, te décidant pour la tienne, tu feras pouffer tes camarades, qui t'appelleront : vieux bonze ! Acteur, tu seras sifflé ; si tu n'es pas sifflé, tu auras toutes les grandes dames sur les bras, et tous leurs maris ou leurs amants sur le dos. Écrivain, tu chercheras des éditeurs ; si tu n'en trouves pas, tu crèveras de faim ; si tu en trouves, ils te demanderont de corser la situation ; si tu la corses, on t'accusera de pornographie ; si tu tiens à tes idées et que tu refuses ce léger sacrifice à ton éditeur, il te traitera de monsieur embêtant. Tu ne seras jamais édité si tu écris en vers ; si tu écris en prose, les journalistes influents auront soin de critiquer tes livres pour les empêcher de plaire au public, à qui, certainement, ils auraient plu sans leurs bienveillantes critiques... J'ajoute que si tu es immoral, tu iras en prison, et que si tu es moral, tu assommeras tout le monde !...

"Scie"
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"Le revenant, monsieur Maurice, continua solennellement la bonne, c'est la dame qui est morte ici il y a une dizaine d'années. Elle vivait en compagnie d'un monsieur, sans le sacrement, et quand le monsieur l'a quittée, elle s'est pendue. Tout le pays connaît l'histoire, même que jamais encore on n'a osé relouer la maison avant votre mère."
Je restai abasourdi. La femme pendue revenant de l'autre monde pour me voler mes ficelles et dévorer des manches de pioche ! Certes, cela dépassait mon imagination ! Je savais ce que je voulais savoir, mais je n'étais guère avancé ! Dans mon lit, j'eus des cauchemars, et je me pelotonnais contre le mur, essayant de me rendormir en me bouchant les oreilles. Des grandes personnes comme ma mère et ma bonne ayant peur du revenant ! Que fallait-il conclure ? A l'aurore, mes idées prirent un autre cours, je ne voulais plus admettre qu'une ancienne pendue, très moisie, sortît de sa tombe pour taquiner une cuisinière en lui dérobant des torchons.

"Le piège à revenant"
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ELLE : Des fois je joue sur mon piano ma valse la plus facile très rapidement, comme si je tournais et que le clavier fût en cercle autour de moi ; et un passage où il y a une note aiguë, je le répète durant des heures, j'arrive à ne frapper qu'un seul accord, que cette seule note aiguë, toujours, toujours, le poignet m'en cuit. Ça devient comme un bruit de cristal qu'on brise perpétuellement, c'est fin, fin, et cela me dit des choses extraordinaires. Ça entre dans mon oreille comme une plume frisée, une aigrette de diamant, un pinceau de velours. L'autre soir, si maman n'était pas venue au salon, j'allais tomber raide et je me serais cassée en deux morceaux...

"Volupté"
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L’ÉPOUVANTÉ (lui jetant un regard de commisération) : Ah ! Vous n'avez jamais vu là-dedans que vous-même ? Je vous plains ! (S'animant.) Et moi, il me semble que l'inventeur du premier miroir dut devenir fou d'épouvante en présence de son oeuvre ! Donc pour vous, femme intelligente, il n'y a dans un miroir que des choses simples ? Dans cette atmosphère d'inconnu, vous n'avez pas vu se lever soudainement l'armée des fantômes ? Sur le seuil de ces portes du rêve, vous n'avez pas démêlé le sortilège de l'infini qui vous guettait ? Mais c'est tellement effrayant, un miroir, que je suis ahuri, chaque matin, de vous savoir vivantes, vous, les femmes et les jeunes filles qui vous mirez sans cesse !...

"L'araignée de cristal"
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"... Il y a aussi des cavernes pleines d'ossements fossiles, de silex taillé ; nous vous y mènerons ; ensuite, vous aurez tout vu."
"Comment, tout vu ? dis-je, me redressant sur un coude ; et les ruines, là-bas ?"
"Hein ? Quelles ruines ?" demanda madame Téard étonnée.
J'avais les yeux fixes. J'étendis le bras, et Albert Téard se mit à rire.
"Ça, des ruines ? Peut-être que si, et plus sûr que non ! De chez nous, par un jour de pluie, on dirait tout simplement une roche à pic, mais, par le soleil, avec des jeux de lumière tombant des nuages, on croit quelquefois qu'il s'agit d'un vieux château sans porte. Oh ! Ne vous y fiez pas !...
"Vous plaisantez ?"
Je regardais, fasciné, à m'en faire mal au cerveau.
"Nous, c'est la roche qui plaisante, reprit Albert Téard. Il n'y a aucune description de ces ruines dans les annales franc-comtoises, et nos paysans, qui n'ont pas le temps de s'amuser, prétendent ne les avoir jamais distinguées, ni au soleil, ni à la pluie. Pour moi, je ne les aperçois plus que vaguement... parce que je sais depuis longtemps à quoi m'en tenir."
"Moi, fit doucement madame Téard, une exquise vieille femme raisonnable, j'ai souvent essayé de me figurer le château, et je n'ai pas pu découvrir la moindre tourelle !..."
J'étais abasourdi. D'instant en instant le mirage s'accentuait, devenait formidable ; je voyais des croisillons, des ogives, des créneaux, et tous ces détails bleuâtres se fonçaient comme sous les coups d'un pinceau fantastique.

"Le château hermétique"
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