Citations sur Tokyo chaos (13)
Les puissants te pardonnent difficilement de leur avoir sauvé la vie.
Il constata une fois de plus qu'il ne pleurait que pour les inconnus, tandis que les tragédies qui le touchaient directement ne lui arrachaient pas une larme.
Quand on n'a rien à craindre de l'humanité, alors on peut vraiment l'aimer.
Le soleil, lui, apparut à la faveur d'une ouverture entre deux nuages noirs, et il déposa sur la ville cette lumière dorée qui va si bien avec un ciel sombre. Celui-ci tourna du noir au bleu profond, et les trottoirs, du moins ce qu'on en voyait entre les chaussures et les jupes de lycéennes, se mirent à luire.
Ses yeux se posèrent sur le corps de la victime. Il était seul, allongé par terre, auréolé d'un trait de peinture blanche. Ses vêtements mouillés collaient au bitume. Ses mains reposaient, inertes, le bracelet de montre apparent. Ainsi esseulé, il ressemblait au cadavre échoué d'un noyé. La ville l'avait englouti, la ville l'avait tué et abandonné sur le sable. Un trottoir.
Junko se perdait dans la contemplation de quelques gouttes, agrippées au verre dans la tourmente, qui brillaient des lueurs du dehors. Dans l'espace de leur millimètre, elles renfermaient celle-ci le bleu de l'enseigne de l'épicier, celle-là le vert du photographe, telle l'orange que projetait le camion des éboueurs et telle autre du jaune -- d'où venait-il?
Les grands poteaux électriques penchaient. Le réseau des fils semblait anarchique. Ils se croisaient, se suivaient, se séparaient, en travers, en long, en biais au-dessus des maisons. Des moineaux piaillaient dessus.
Il faisait presque nuit, il pleuvait. La rue était déjà obscure, tandis qu'un ciel nuageux, percé de quelques pans azur, accrochait les dernières lueurs du jour. Au bout de l'impasse, les toits étaient dorés par un soleil invisible.
Le long de la voie, fragment par fragment, une femme s'étendait : au fronton d'un bar brillait une jambe, dans un coin une bouche pulpeuse, au-dessus d'un rideau, une paire de seins engageante. Un talon aiguille lançait ses feux au bord d'une fenêtre.
La rue était un lac où se reflétaient des centaines d'enseignes et de néons. Les façades étaient invisibles tant les lumières étaient nombreuses, aveuglant presque le passant : des triangles, des carrés, des cercles, jaunes, rouges, bleus, luisaient, clignotaient, au-dessus des têtes.