Quatre personnages de générations différentes.
Quatre personnages, trois temporalités, mais pourtant des expériences identiques.
Quatre personnages qui ne se connaissent pas, mais pourtant un lien fort les unis. Celui de la déception.
Première incursion dans l'univers de
JULIEN RAMPIN. Et comme cet homme a su toucher les cordes sensibles de mon être.
Subtilement, habillement, mais aussi dans certains passages, durement car il percute l'adulte écorché que je suis. Et je l'en remercie.
Car bousculer un lecteur fait aussi partie de ce qu'un écrivain doit apporter via son récit: de la réflexion, de l'empathie, mais aussi des ressentis. Quitte à ce que ceux-ci vous perturbent et vous fassent réagir.
Et cet auteur m'a bien malmené (positivement, je vous rassure).
Avec LOLA et son fils, l'auteur aborde la rupture et l'abandon.
LOLA doit se réinventer, là dans cet appartement hérité d'un père qu'elle ne connaît pas. Alors qu'elle avait tout écrit dans son livre du futur, son destin est brisé. Mais elle se relève pour son merveilleux garçon afin de lui montrer aucune défaillance. Et pourtant, elle est mentalement déréglée, tel le jouet mécanique en défaillance.
Dans le même immeuble vit MARTINE, la bonne soixantaine.
L'aigrie de service. Toujours prête à déverser son acide sur un de ses voisins.
Surtout le
PAUL-HENRY qu'elle trouve ridicule.
Elle pourrait être, elle, ridicule, à ouvrir tous les jours son vieux magasin de jouets dont elle se fiche pourtant.
Héritage de ses parents, elle les honore en prestant derrière son comptoir dans ce lieu poussiéreux emplis de jouets désuets. Inutile, comme elle peut se sentir.
Et ce
PAUL-HENRY, le vieux garçon du bâtiment.
L'original qui se trimbale avec son caddy rempli de livres tous les samedis pour ébruiter la force des livres à tout un chacun.
Il a ses habitudes et aime observer la vie.
Une simple chose pour l'émerveiller et il peut en faire un poème.
Et pourtant, sous ce costume chic et élégant, se cache des blessures sentimentales qui ne refermeront jamais.
JULIEN RAMPIN nous offre, avec ces protagonistes, un récit tendre et touchant. Avec sa plume délicate, humoristique mais parfois cynique, il dépeint quelques turpitudes de notre société: la solitude, le rejet, l'abandon, le déni.
Car en effet, les jouets cassés sont bel et bien des humains.
Ceux qui en ont pris plein la face pour leurs choix ou leurs rêves inachevés.
Son style est limpide, les dialogues sont savoureux et amènent à réfléchir.
Il y a de la poésie, beaucoup de poésie.
Un peu de mélancolie chez cet écrivain et elle est pourtant bénéfique.
Le rythme est bon car les chapitres sont courts, même avec les différentes temporalités nécessaires pour l'histoire.
On veut justement savoir ce qu'il se passe dans le passé pour mieux comprendre ce qu'il se passe dans le présent et ce qu'il se passera dans le futur.
Flash-back et flash-forward bien dosés pour ne pas décourager le lecteur.
Ses personnages sont bien décrits émotionnellement et il est aisé de se mettre à leur place grâce au talent de mise en place de
RAMPIN; on a envie d'être sur le banc de
PAUL-HENRY à discuter avec lui, à prendre LOLA dans ses bras et lui dire que tout ira bien. On voudrait même entrer dans le magasin de MARTINE juste pour connaître sa réaction. Sans compter répondre aux multiples questions de LÉON le curieux. On les imagine tellement qu'on s'y attache. Ce sont des amis.
L'auteur joue aussi sur les côté sombre de chacun d'entre nous. Ces pans de notre personnalité sous-jacents et qui pourraient surprendre nos proches.
Il joue avec l'ombre et la lumière et cela est nécessaire pour la compréhension des événements que subiront les protagonistes.
Avec une histoire de vies, étalée sur 60 ans,
RAMPIN a écrit une ode à la tolérance, à l'amour, même impossible.
Il glorifie les sentiments entre des personnes inconnues qui deviennent inséparables.
Il nous offre un livre solaire sur la force du temps et de son don de guérisseur, sur le pardon, sur l'amitié, mais aussi sur le fait d'accepter ce que l'on est, même si on ne peut aimer comme il faut. N'empêche que quoi qu'il arrive, la vie est un poème....