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Critique de dancingbrave


un guide de vie

Comment critiquer un tel ouvrage ? Comment le résumer ? Comment le lire ?
C'est l'ouvrage d'une vie pour Marc-Aurèle, ce peut être l'ouvrage d'une vie pour le lecteur s'il entre en harmonie avec son système de pensée ; L'ouvrage que l'on garde toujours près de soi et dans lequel il fait bon se plonger, au hasard, de temps en temps.

Au risque de paraître iconoclaste ou bien d'être l'inventeur du fil à couper le beurre et d'une façon qui surprendra et fâchera sûrement les lecteurs férus de philosophie, ce que je ne suis pas, je vais donc tenter d'exprimer en quoi cette pensée de Marc Aurèle me touche si profondément.

J'ai abordé Marc Aurèle ne connaissant que l'empereur romain auteur de pensées qui parcoururent 2000 ans pour nous atteindre.
Je me disais alors que ces pensées devaient vraiment être formidables pour avoir parcouru une telle distance.
Alors j'ai attaqué ma lecture :

Première surprise : ces pensées sont des « pensées à moi-même » c'est-à-dire rédigées sans prosélytisme. Bien….

Seconde surprise : le texte est d'une contemporanéité étonnante

Troisième surprise : Marc Aurèle au règne embolisé par des guerres incessantes pour maintenir la paix romaine aux confins de l'empire, contraint à persécuter certains chrétiens, était un philosophe. Bien….

Quatrième surprise : Sa philosophie est dans la lignée de Cicéron, Sénèque, Epictète ; qui succédaient eux-mêmes à Zénon de Cition qui, en 300 avant JC, élabora le Stoïcisme. Bien….

Mais qu'est-ce que le stoïcisme ?
Cinquième surprise pour moi qui suis plus familier de philosophie bouddhique (à ma sauce peut-être) :

Pour tenter de préciser le cheminement de ma pensée en d'autres termes, voici une définition du bouddhisme selon Michel Onfray :

Libération des désirs, des passions, des pulsions.

Purification de soi pour se défaire de ce qui est soumis à l'entropie pour viser une réunion du principe lumineux en nous avec la planète entière qui permet le Nirvana.

Cette espèce de jouissance de la déprise de soi-même.

N'est-ce pas ce que Marc-Aurèle se répète continuellement à lui-même ?
C'est, en tous cas, ce que j'en comprends.

Lorsque l'on sait que le bouddhisme a émergé environ 500 ans avant JC sur le terrain spirituel façonné par l'hindouisme et le yoga on trouve cela intéressant, lorsque l'on sait que des contacts existaient durant l'antiquité entre occident et Inde, que les grecs appelaient les yogis des gymnosophistes, les choses s'allument d'une certaine flamme.

Armé de ces préétablis, je me suis dis que cette lecture allait certainement me parler, et bien sûr je ne me trompais pas.

Si ma plus grande surprise allait venir de ces nombreuses analogies entre bouddhisme et stoïcisme - Similitude de la simplicité des idées et des principes, eux-mêmes - de multiples surprises allaient parcourir ma lecture.


Je vais donc un peu plus loin

Renoncement et détachement :

Le monde est fait de « choses » qui dépendent ou ne dépendent pas de moi.
Lorsqu'elles dépendent de moi, je supporte et je m'abstiens.
Lorsqu'elles ne dépendent pas de moi, je dois les accepter.
(sustine et abstine).

Ces deux conditions font que je vivrai heureux et libre.
Cela a-t-il à voir avec le renoncement bouddhique ?

« Les hommes souhaitent des lieux de retraite à la campagne, sur le rivage de la mer, sur les montagnes or cela n'est pardonnable qu'aux ignorants. N'est-il pas en ton pouvoir de te retirer en dedans de toi ? »

« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre. »

Tempérance :

Le stoïcien s'abstiendra de vices et de passion, il pratiquera tempérance et détachement.

Tient donc….

Pratiques physiques :

Il se livrera à des exercices de préparation aux difficultés et méditera pour entrer en accord avec la Nature et obtenir l'ataraxie.

Je rêve….

Souffle vital :

Il pratiquera l'harmonie du pneuma, ce souffle chaud qui traverse notre être pour le mener vers le mouvement de la vie et de son équilibre avec le destin.

Quoi ?....


Non dualité :

Toutes les choses participent d'un Tout (qu'il nomme parfois L'Un, Dieu, Nature, Substance, Loi, Raison).Nous, les hommes, sommes des parties de ce Tout.

« Pense très souvent à la liaison et à la sympathie que toutes les choses du monde ont entre elles : car elles sont toutes liées et entrelacées, et par cette raison elles ont une mutuelle affection les unes pour les autres ; et celle-ci n'est qu'une suite de celle-là, à cause du mouvement local, de l'accord et de l'union de la matière. »

« Tout ce qui arrive à chacun est utile à l'univers, et cela suffit. »


Nature :

« Nous devons vivre selon la Nature, c'est-à-dire en suivant la Loi de la Nature et celle-ci procède de la Providence, donc tout ce qui arrive est nécessaire et utile au monde universel, dont nous faisons partie ».

« Cela veut dire aussi vivre en conformité avec la Nature de l'homme qui est raisonnable et sociable. Il faut tendre vers ce qui est utile et bien approprié à la communauté ».

« Il faut vivre conformément à la nature le peu de temps qui nous reste ; et, quand l'heure de la retraite sonne, se retirer paisiblement et avec douceur, comme une olive mûre qui en tombant bénit la terre qui l'a portée, et rend grâces à l'arbre qui l'a produite. »

Impermanence :

« La mort fait partie de la Nature, car tout change, tout se transforme, tout, depuis l'éternité, semblablement se produit et se reproduira sous d'autres formes semblables à l'infini ».

« Car la nature est comme un fleuve qui coule toujours.[…] Il n'y presque rien de permanent de tout ce qui est près de toi ; et le passé d'un côté, et l'avenir de l'autre, tout cela est un abyme infini et impénétrable où tout se perd. N'est ce donc pas être fou, que de s'enorgueillir ou de s'affliger pour des choses périssables ? Se plaint-on d'une légère incommodité qui ne doit durer qu'un moment ? »

« Dans un petit moment tu ne seras qu'une poignée de cendres, qu'un squelette et qu'un nom, et non pas même un nom. Cependant qu'est-ce qu'un nom ? Un bruit, un son. Et toutes ces choses dont on fait le plus cas en ce monde, que sont-elle que pourriture et que vanité ? »

« Une chose se hâte d'être, une autre de n'être plus ; et une grande partie de celle qui est, est déjà passée. Ces changements continuels renouvellent incessamment le monde, comme la rapidité du temps, qui ne s'arrête jamais, renouvelle à tout moment les siècles. Dans ce courant continuel, qui voudrait s'attacher à des choses si passagères, et sur lesquelles on ne peut jamais s'arrêter ? C'est comme si quelqu'un mettait son affection à un de ces petits oiseaux qui volent dans l'air, et que nous avons perdu de vue presqu'aussitôt que nous les avons aperçus. »

« Alexandre le Grand et son muletier ont été réduits au même état après leur mort : car ils sont rentrés dans les premiers principes de cet univers, où ils ont été également dissipés en atomes. »


Extinction du moi :

« Ce qui importe c'est le présent, ce n'est ni le futur, ni le passé qui te sont à charge, mais toujours le présent. »

Compassion :

« Accommode-toi aux affaires qui te sont destinées, et accoutume-toi à aimer, mais véritablement, tous les hommes avec lesquels tu vis. »

Voie du juste milieu :

« La vie est courte et il faut profiter du présent en suivant les règles de la raison et de la justice. Sois sobre dans le relâchement que tu donnes à ton corps et à ton esprit. »


Voilà

Je n'ai pas souhaité – sujet trop vaste et complexe - chercher si ce rapprochement que j'ai mené à des fondements ou si je fais preuve d'iconoclastie.
Détrompez-moi ou confortez-moi…

Pour moi, la rencontre d'un homme paradoxal (un homme, quoi...) et d'une pensée inspirée, mais dans une version claire, imagée, abordable et encore tellement contemporaine.
Un livre de chevet.
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