LE PAPILLON
Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.
LES GRENOUILLES
Par brusques détentes, elles exercent leurs ressorts.
Elles sautent de l’herbe comme de lourdes gouttes d’huile frite.
Elles se posent, presse-papiers de bronze, sur les larges feuilles du nénuphar.
L’une se gorge d’air. On mettrait un sou, par sa bouche, dans la tirelire de son ventre.
Elles montent, comme des soupirs, de la vase.
Immobiles, elles semblent, les gros yeux à fleur d’eau, les tumeurs de la mare plate.
Assises en tailleur, stupéfiées, elles bâillent au soleil couchant.
Puis, comme les camelots assourdissants des rues, elles crient les dernières nouvelles du jour.
Il y aura réception chez elles ce soir ; les entendez-vous rincer leurs verres ?
Parfois, elles happent un insecte.
Et d’autres ne s’occupent que d’amour.
L'ironie n'est-elle pas la pudeur de l'humanité ?
Le Papillon
Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.
Il n’y a qu’un chêne au milieu du pré, et les bœufs occupent toute l’ombre de ses feuilles.
La tête basse, ils font les cornes au soleil.
La chèvre
Personne ne lit la feuille du journal officiel affichée au mur de la mairie.
Si, la chèvre.
Elle se dresse sur ses pattes de derrière, appuie celles de devant au bas de l'affiche, remue ses cornes et sa barbe, et agite la tête de droite à gauche, comme une vieille dame qui lit.
Sa lecture finie, ce papier sentant bon la colle fraîche, la chèvre le mange.
Tout ne se perd pas dans la commune.
NOUVELLE LUNE
L’ongle de la lune repousse.
Le soleil a disparu. On se retourne : la lune est là. Elle suivait,
sans rien dire, modeste et patiente imitatrice.
La lune exacte est revenue. L’homme attendait, le cœur comprimé
dans les ténèbres, si heureux de la voir qu’il ne sait plus ce qu’il
voulait lui dire.
De gros nuages blancs s’approchent de la pleine lune comme des
ours d’un gâteau de miel.
Le rêveur s’épuise à regarder la lune sans aiguilles et qui ne marque
rien, jamais rien.
On se sent tout à coup mal à l’aise. C’est la lune qui s’éloigne et
emporte nos secrets. On voit encore à l’horizon le bout de son
oreille.
L'écureuil
Du panache ! du panache ! oui,sans doute; mais,mon petit ami,ce n'est pas là que ça se met.
Ces arbres m'adopteront peu à peu, et pour le mériter j'apprends ce qu'il faut savoir :
Je sais déjà regarder les nuages qui passent.
Je sais aussi rester en place.
Et je sais presque me taire.