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Critique de YANCOU


Maël Renouard vient d'écrire la suite de L'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique de Walter Benjamin, ce dernier dénonçant, en 1935 déjà, la déperdition de l'aura des oeuvres à cause de leur reproduction en masse. Cette déperdition d'aura est maintenant démultipliée à l'infini avec internet, et cet essai - Fragments d'une mémoire infinie - se penche avec brio sur le sujet en question, à savoir : notre quotidien connecté. À la façon d'un Paul Valery, Renouard propose une multitude de fragments, parfois drôles, parfois mélancoliques, toujours très érudits, qui nous rappellent qu'il n'y a pourtant pas si longtemps, nous vivions sans internet - ce qui paraît souvent presque impensable maintenant, tant ces changements, que l'on peut nommer progrès éventuellement, ont radicalement transformé notre quotidien. On passe par les cyber-cafés qui sont apparus presque aussi rapidement qu'ils ont disparu des centre-villes, sur les facéties de faux-intellectuels qui tentent de faire passer les textes d'autrui pour les leurs en apportant quelques menus affèteries, et, d'ailleurs, l'auteur de ce livre de signaler : "Pouvait-il ignorer qu'il est devenu aussi facile de copier que d'être surpris à copier?". Google earth et Facebook ont sonné la revanche des coeurs simples, dit-il encore, car oui : tout est là, à disposition, sans avoir le besoin de fatiguer sa bibliothèque, comme dirait Umberto Eco, de prendre du temps à chercher des ouvrages compliqués et longs à lire, non : la page lumineuse de Google attend votre recherche... à tel point que, ne sachant plus ce qu'il avait fait la veille, Maël Renouard le demande à Google ! Et puis il décèle encore à quel point internet est un cimetière mélancolique lorsqu'il répertorie, plusieurs pages durant, des citations trouvées en bas de clips musicaux proposés sur YouTube, clips de musiques datant plutôt des années 70 ou 80, avec des phrases comme "This brings back so many memories" ou "es waren Zeiten". Car oui : "Il y a dans l'internet une fontaine de jouvence où l'on plonge d'abord son visage en s'enivrant, puis où l'on voit son reflet meurtri par le temps, au petit matin." - Un ouvrage pour toutes celles et ceux qui ont fait l'expérience de la gueule de bois après un excès de recherches sur le net, en préparant des vacances, ont abusé de Facebook, à la recherche d'un maximum de "like", mais pas seulement puisque ce livre nous rappelle à point nommé que des intellectuels écrivains comme Derrida ou Michel Butor avaient, en 1967 pour le premier et 1971 pour le second, déjà prophétisé (en quelque sorte) l'arrivée de cet excès d'images qu'est internet, ce qui donne, évidemment, pour certains d'entre nous, l'envie de découvrir tout plein d'autres ouvrages, de courir chez notre libraire le plus proche ou de faire un tour à la bibliothèques - Génial.
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