La vie est simple et gaie
Le soleil clair tinte avec un bruit doux
Le son des cloches s'est calmé
Ce matin la lumière traverse tout
Ma tête et une rampe rallumée
Et la chambre où j'habite est enfin éclairée
Un seul rayon suffit
Un seul éclat de rire
Ma joie qui secoue la maison
Retient ceux qui voudraient mourir
Par les notes de sa chanson
Je chante faux
Ah que c'est drôle
Ma bouche ouverte à tous les vents
Lance partout des notes folles
Qui sortent je ne sais comment
Pour voler vers d'autres oreilles
Entendez je ne suis pas fou
Je ris au bas de l'escalier
Devant la porte grande ouverte
Dans le soleil éparpillé
Au mur parmi la vigne verte
Et mes bras sont tendus vers vous
C'est aujourd'hui que je vous aime
(Pour le moment)
Un homme est tombé
Quelqu'un est sorti et n'est pas rentré
Au cinquième la lampe est toujours allumée.
Mille langues diverses apprises en un jour
Et des connaissances sans nombre
Autant de rendez-vous d'amour
Et toujours la clarté succédant à son ombre
(Échos sans forme)
Une main fermée sur le vent. Les cinq doigts plissant la lumière – elle tient la pièce d'or ardente qui l'éclaire.
On cherche le destin au sens de la raison. Le reste est mieux caché aux coins de la maison et dans les replis de la tête, de la bouche qui souriait derrière les barreaux qui gardent la fenêtre.
Chef-d'œuvre vide qui roulait, actif dans l'infini et le temps qui s'arrête.
Un rayon de soleil déchire la nuée – mais l'ombre de l'oubli est déjà toute prête.
(L'or du temps)
Un homme fini (1928)
Le soir, il promène, à travers la pluie et le danger nocturne, son ombre informe et tout ce qui l’a fait amer.
À la première rencontre, il tremble — où se réfugier contre le désespoir ?
Une foule rôde dans le vent qui torture les branches, et le Maître du ciel le suit d’un œil terrible.
Une enseigne grince — la peur. Une porte bouge et le volet d’en haut claque contre le mur ; il court et les ailes qui emportaient l’ange noir l’abandonnent.
Et puis, dans les couloirs sans fin, dans les champs désolés de la nuit, dans les limites sombres où se heurte l’esprit, les voix imprévues traversent les cloisons, les idées mal bâties chancellent, les cloches de la mort équivoque résonnent.
***
TENDRESSE
Mon cœur ne bat que par ses ailes
Je ne suis pas plus loin que ma prison
Ô mes amis perdus derrière l’horizon
Ce n’est que votre vie cachée que j’écoute
Il y a le temps roulé sous les plis de la voûte
Et tous les souvenirs passés inaperçus
Il n’y a qu’à saluer le vent qui part vers vous
Qui caressera vos visages
Fermer la porte aux murmures du soir
Et dormir sous la nuit qui étouffe l’espace
Sans penser à partir
Ne jamais vous revoir
Amis enfermés dans la glace
Reflets de mon amour glissés entre les pas
Grimaces du soleil dans les yeux qui s’effacent
Derrière la doublure plus claire des nuages
Ma destinée pétrie de peurs et de mensonges
Mon désir retranché du nombre
Tout ce que j’ai oublié dans l’espoir du matin
Ce que j’ai confié à la prudence de mes mains
Les rêves à peine construits et détruits
Les plus belles ruines des projets sans départs
Sous les lames du temps présent qui nous déciment
Les têtes redressées contre les talus noirs
Grisées par les odeurs du large de la terre
Sous le fougue du vent qui s’ourle
A chaque ligne des tournants
Je n’ai plus assez de lumière
Assez de peau assez de sang
La mort gratte mon front
Et la même matière
S’alourdit vers le soir autour de mon courage
Mais toujours le réveil plus clair dans la flamme de ses mirages.
L'HOMME IMPASSIBLE
Il se penche au bord du parapet et tient sa tête, trop petite, par les oreilles. L'arête du toit fait une parallèle à ses épaules et la cheminée a l'air
d'être son cou.
Les nuages font marcher la maison dans le jardin. Au milieu des fils de fer et des branches, elle s'arrête; on ne regarde plus en l'air.
Les toiles d'araignées se déchirent avec un bruit de soie, quand on ouvre enfin la fenêtre, et lui, dont la tête n'a pas changé, a perdu son beau royaume
L'HOMME ET LE TEMPS
PAR PIERRE REVERDY
Le soir
Le monde est creux
A peine une lumière
L'éclat d'une main sur la terre
Et d'un front blanc sous les cheveux
Une porte du ciel s'ouvre
Entre deux troncs d'arbre
Le cavalier perdu regarde l'horizon
Tout ce que le vent pousse
Tout ce qui se détache
Se cache
Et disparaît
Derrière la maison
Alors les gouttes d'eau tombent
Et ce sont des nombres
Qui glissent
Au revers du talus de la mer
Le cadran dévoilé
L'espace sans barrières
L'homme trop près du sol
L'oiseau perdu dans l'air
FILET D'ASTRES
La seule clef du ciel entre ces rochers blancs
C'est l'aigle
Quand la lame de fer coupe la vague en deux
Ma main écrit ton nom sur la glace déserte
Un navire indécis navigue vers mes yeux
Les rayons du soleil tombent en lourdes tresses
Au bord du matin blanc
Et sur le sable fin les pistes en détresse
Tournent à tous les vents
L'ombre silencieuse est humide
Autour de l'horizon et sous les rochers noirs
Où le poisson mourant joue sa dernière carte
Le côté blanc de notre espoir
Dans l'émouvant et doux sillage de la barque
Suit le trait d'union entre les continents
Dans le grelot d'azur immense perle vide
Midi sonne au vibrant métal
Toutes les bouches plus avides se taisent au même
signal
Quand le chemin s'ouvre et s'anime
Aux reflets dansants du falot
Le chemin qui rampe et qui brille
Le chemin secret plein d'échos
d'éclairs de lanterne et d'étoiles
de formes dans la vapeur d'eau
Sur les têtes noyées sans rêve et sans mystère
Les têtes détachées des astres sans halo
ÉCHO
PAR PIERRE REVERDY
Le mélange des voix des êtres sous l'épais manteau
les frissons des arbres
l'étreinte des revirements de fumée
le recul des mains le cœur assassiné
Tout l'or et le sang les poitrines au même rang
Sur tous ces gestes le vent déroule la nuit
C'est un rideau mobile qui descend
Le reste suit
Les miracles
Au fond des chars sans roues portés plus loin
A travers les toisons rousses des buissons le soleil du
Midi riant dans la carrière la route en tourbillon tous les mirages la poussière
L'écho dans la forêt quitte la foule les spectacles confondus au jeu les voix mêlées les cheveux embrouillés les mêmes mots sur un autre papier
L'écho se détache du bois touffu où tout se confond et sue