Le 12 septembre 1945, 6 corps sont retrouvés dans l'Eure. Si cinq d'entre eux sont les cadavres d'une famille, la sixième personne est
Violette Morris. Que faisait-elle ici ? Pourquoi a-t-elle été abattu ? Son amie Lucie Blumenthal décide de mener l'enquête.
Le trio Rey-Galic-Kris se reforme après
Un Maillot Pour L'Algérie. Chercher les failles de l'histoire, les faire remonter à la surface pour que rien ne soit oublié. Voilà à quoi travaillent ces auteurs. On se souvient des scénarios de Kris comme Notre Mère la Guerre ou Un Homme est Mort. D'autre part, dans une interview,
Bertrand Galic disait vouloir raconter les vaincus. Dans ce premier tome de
Violette Morris, que s'est-il passé pour qu'une célébrité des années folles soit passée sous silence ?
Cette première partie (sur quatre) raconte les premières années de
Violette Morris. Les auteurs ont choisi de le faire via Lucie Blumenthal. Ex-avocate radiée du barreau pendant la guerre à cause de son ascendante juive, elle est devenue détective privée, après l'armistice. Elle fut aussi l'amie d'enfance de Violette. On suit le parcours de cette dernière via des flash-back. le pensionnat, le sport, la vie maritale, la première guerre mondiale. Tout en elle montre à quel point elle était hors-normes. de son physique à son caractère, elle ne correspondait pas à son époque et les dernières cases montrent qu'elle veut désormais être libre !
L'art de la bande dessinée, c'est de raconter en images. On dessine, on met des dialogues, mais il suffit d'une image pour que tout soit dit. C'est le cas ici et ce, dès la couverture. On y voit cette femme qui ne semble pas à son aise dans son accoutrement féminin. Cette couverture m'a immédiatement fait penser au manga Family Compo de Tsukaja
Hojo. On y voit une famille de travesti qui, le temps d'une scène, doit revêtir les habits de leur sexe de naissance. Est-ce-une coïncidence ? Quant à la quatrième de couverture, c'est une image qui n'existe pas dans l'album. L'intérieur d'une 15CV, le pare-brise cassé et ensanglanté. Les agresseurs, ce sont des résistants, qui n'ont pas de visages, des anonymes, que les auteurs ne connaissent pas encore. On peut applaudir pour cet assemblage couverture/quatrième de couverture. Mis côte à côte, l'ensemble montre comment s'est déroulé la vie de cette femme.
Si nous sommes dans une fiction historique, c'est bien une enquête qui se déroule et les personnages n'hésitent pas à régler l'addition avec leurs congénères, collègues, « amis ». le découpage permet de montrer les différents points de vue des personnages, mais souvent en plan rapproché. Ce parti-pris donne un tempo vif à la lecture tout en assurant une ambiance sourde, presque froide. Pour alléger cet ensemble, la partie portant sur le passé de
Violette Morris se veut plus léger, dynamique. Pour passer d'une époque à une autre, les auteurs utilisent aussi bien le son que le dessin. Des astuces simples et efficaces, mais qui démontrent combien ils ont travaillé pour que cet ensemble fonctionne !
Javi Rey avait montré sa patte sur
Un Maillot pour l'Algérie. Si on reconnaît son trait dans
Violette Morris, le traitement graphique a changé. L'ensemble est rendu plus rude, âpre, permettant au lecteur de se fondre dans l'ambiance de l'album. Quant aux scénaristes, ils ne sont pas en reste. Les dialogues, le découpage sont parfaitement mis en place.
Le premier tome se clôt avec le dossier historique de Mari-Jo Bonnet. S'il ne contient « qu'une » dizaine de pages, il permet de montrer les origines de la famille de Violette, le contexte social et l'évolution de notre personnage.
On se plaint souvent du premier tome. Il sert de mise en bouche, de présentation. Ici, il n'en est rien. A mi-chemin entre enquête policière et biographie, il retrace avec brio les premières années de
Violette Morris et les efforts de Lucie Blumenthal pour découvrir la vérité. Un album dense, mais qui sera, on n'en doute pas un futur classique du 9e art !
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