Citations sur L'Homme-dé (140)
Le secret, croyais-je apprendre, consistait à ne pas se faire de soucis, à accepter les limitations, les conflits et les ambiguïtés de la vie avec joie et satisfaction, à se laisser dériver sans effort dans le courant de l'élan vital. La vie n'avait donc pas de sens ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Tes ambitions sont banales ? Poursuis les quand même. La vie te parait ennuyeuse ? Bâille.
L'effet de la méthode non directive est d'encourager le patient à parler de plus en plus franchement, à prendre confiance en cette cruche qui le soigne, sans le menacer et en acceptant tout, et finalement à diagnostiquer et résoudre lui-même ses propres conflits, en se délestant de trente-cinq dollars l'heure pendant tout ce temps.
Des ilots d'extase dans un océan d'ennui, telle est la vie, et passé l'âge de trente ans on a rarement une terre en vue. Dans le meilleur cas, on erre d'un banc de sable tout rongé au suivant, bientôt familiarisé avec le moindre grain de mica.
- As-tu jamais senti une grande ardeur, un grand élan d'amour pour quelqu'un en particulier ou pour l'ensemble de l'Humanité ?
La femme pencha la tête de côté pour réfléchir.
- Des fois, oui.
- A quoi l'attribues-tu ?
- A l'alcool.
Nous avons chacun une centaine de moi potentiels réprimés ; nous avons beau fouler à toute force le sentier étroit de notre personnalité, nous ne parvenons jamais à oublier que notre plus profond désir est d'être multiples, de jouer de nombreux rôles différents.
Accepter les limitations de mon moi et celles de la vie. En littérature, ce refus s'appelle romantisme ; en psychologie, névrose.
L'esprit sait quand il est bloqué et quand il trouve une solution. Un enfant qui essaie de parcourir un labyrinthe sait quand il échoue ou quand il est en train de réussir. [..]
Succès et échec traduisent simplement la satisfaction ou la frustration d'un désir. Ce sont des choses réelles, et importantes ; la société n'a pas besoin de récompenser ni de punir l'enfant pour lui faire préférer le succès à l'échec.
je me haïssais et je haïssais le monde parce que je n'avais pas réussi à affronter et à accepter les limitations de mon moi et celles de la vie. En littérature ce refus s'appelle romantisme, en psychologie névrose.
L'homme doit arriver à se sentir à l'aise en évoluant d'un rôle à l'autre, d'un ensemble de valeurs à un autre, d'une vie à une autre. L'homme doit se libérer des barrières, des modèles et des cohérences de façon à devenir libre de penser, de sentir et de créer des choses neuves .
Nous avons tous des moi minoritaires qui étouffés par la personnalité normale, sont rarement libérés pour entrer en action et la personnalité dans laquelle vivent ces pulsions minoritaires restera divisée, victime de tensions qui provoquent des explosions et des émeutes. Dans une société traditionnelle, on pouvait se réaliser avec un seul moi. Dans une société multivalente seule une personne multiple peut faire affaire.
Si je fumais tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, poursuivit-il, et d'autres fois pas du tout, si je changeais ma façon de m'habiller, si j'étais tour à tour nerveux, serein, ambitieux et paresseux, paillard, glouton, ascète – où résiderait mon moi ? Qu'est-ce que j'y gagnerais ? C'est la façon dont un homme choisit de se limiter qui détermine son personnage. Un homme sans habitudes, sans cohérence, qui ne se répète pas, donc ne s'ennuie pas, n'est pas humain. Il est fou.
— Monsieur Jones, commençai-je (après un quart d'heure de silence complet), qu'est-ce qui vous donne à penser que je ne peux pas ou ne veux pas vous aider ?
Assis de biais par rapport à moi sur une chaise en bois à dossier droit, il m'adressa un regard sereinement dédaigneux :
— L'expérience.
— Ce n'est pas parce que dix-neuf Blancs de suite vous ont frappé aux couilles que le vingtième le fera nécessairement.
— C'est vrai, dit-il, mais le frère qui s'approcherait du gus suivant sans protéger sa queue avec ses mains serait un drôle de con.