Arrivé au terme de l'épreuve de longue haleine en quoi consiste la lecture du Plaidoyer pour l'altruisme, pas encore irrémédiablement cuit mais c'était moins une, j'ai senti le besoin impérieux de relire l'introduction pour me persuader que l'intention du sympathique
Matthieu Ricard était bien de nous faire gravir le Kilimandjaro (pas le plus haut sommet de la planète c'est sûr, mais le plus rébarbatif disent certains) .
D'ailleurs la très brève conclusion ouvrait la porte à un questionnement qu'on attendrait davantage dans une introduction:
"J'avais d'abord envisagé de ne traiter que deux sujets centraux….mais était-il possible d'ignorer…. Aussi cet essai en est-il venu à s'étoffer."
Vérification faite, l'introduction balaye effectivement le spectre de l'essai mais, comme un livre ne se compose pas avec un balai, elle porte en germe dans son dernier paragraphe la perplexité à venir de certains lecteurs en réglant son zoom sur l'analyse de l'altruisme, ce qui est pour le compte parfaitement congruent avec le titre mais disjoncte d'avec le contenu.
En gros les deux tiers de l'essai traitent des problèmes de l'évolution -assurément très préoccupante -de la planète du fait des activités humaines.
Matthieu Ricard soutient la thèse que les solutions sont dans une très large mesure conditionnée par l'altruisme; c'est la prise de conscience de ce lien, révélé par sa réflexion, à l'origine plus centrée sur le registre psychologique et comportemental, qui l'a conduit à étirer la surface à balayer au-delà de la limite d'élasticité.
Deux livres en un, comme gonflé aux stéroïdes, ça court le risque d'être indigeste. Mais il y a plus problématique: autant, pour le premier tiers-livre consacré à l'analyse de l'altruisme, je suis prêt à faire confiance à
Matthieu Ricard, aguerri dans la pratique de la méditation et de la compassion, autant j'ai quelques raisons de me méfier de l'esprit critique du moine bouddhiste, délaissant provisoirement son Bouthan d'adoption et parcourant, accompagné de fort bons apôtres, n'en doutons pas, les séminaires et colloques occidentaux à la découverte des méfaits du capitalisme sauvage sur la physique de la planète et des équilibres nord-sud....
La thèse pourtant est loin d'être sans intérêt et son traitement sans mérite.
La raison d'être de cette oeuvre grenouille devenue boeuf, d'inspiration bouddhiste, tient dans la conviction que seules les tierces forces de la planète, celles qui inclinent par nature à l'altruisme (associations à but non lucratif, monde mutualiste et coopératif, ONG, scientifiques non dévoyés,….), à l'exclusion donc des forces politiques, économiques et financières, réputées non altruistes et responsables du désastre qu'on constate, sont en mesure de faire aboutir les solutions aptes à redonner à l'humanité la maîtrise de son destin, et ce dans le laps de temps restant avant le grand collapsus.
C'est un acte de foi immanente. A ce titre, un puissant effet de levier ne saurait être exclus, même par des non-croyants ….
Accessoirement au regard de la cible, mais hélas principalement au regard de la lisibilité, la multiplicité des sujets abordés jointe à l'accumulation d'exemples, de références bibliographiques et de verbatim dont on est souvent dans l'incapacité d'apprécier la crédibilité voire la légitimité, finissent par lasser; de plus le texte n'évite pas de nombreuses répétitions qu'on ne saurait qualifier ici de pédagogiques, sauf à douter définitivement de la vocation pédagogique de l'auteur.
Pose le balai, Matthieu.
Qui trop embrasse bien éreinte!