Faire famille autrement

 Puisque des ovules et des spermatozoïdes sont nécessaires pour concevoir un enfant, on franchit rapidement le pas entre la complémentarité des gamètes et la complémentarité des rôles dans la parentalité.

Les espaces publics préconisent un espace genré des toilettes : c’est le cas des établissements scolaires, et un.e adolescent.e poussé.e par un besoin pressant doit choisir d’entrer dans les toilettes pour femmes ou pour hommes et ce, même s’il s’agit de blocs sanitaires fermés. Mais choisir de séparer les corps à partir d’un critère de genre est tout sauf anodin . C’est en effet une décision de design urbain qui est basée sur deux suppositions. La première est que tout le monde est nécessairement hétérosexuel. En effet, c’est dans la perspective de protéger les adolescentes des regards insistants ou des agressions sexuelles de la part de leurs pairs masculines qu’on a des toilettes genrées. La seconde supposition es que les jeunes se sentiraient davantage en sécurité en fréquentant les toilettes utilisées par des gens du même genre qu’elleux. Or, c’est évidemment compter sans les dynamiques d’humiliation qui peuvent avoir lieu au sein même des groupes de filles et de garçons.

Un dernier exemple : queerer l’architecture consiste à poser un regard critique sur les objectifs poursuivis par les espaces et à remettre en question les présomptions qu’ils véhiculent. L’exemple des toilettes me semble particulièrement parlant. Les espaces publics préconisent un espace genré des toilettes : c’est le cas des établissements scolaires, et un.e adolescent.e poussé.e par un besoin pressant doit choisir d’entrer dans les toilettes pour femmes ou pour hommes et ce, même s’il s’agit de blocs sanitaires fermés. Mais choisir de séparer les corps à partir d’un critère de genre est tout sauf anodin.

Il est commun de projeter des intérêts, des habiletés, ainsi que toute vie amoureuse, sexuelle , conjugale, voire parentale, sur un enfant, sur la seule base de son sexe assigné. 

Cette conception binaire du genre est problématique pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle ne fait pas que séparer l’ensemble des individus en deux catégories : elle engendre une hiérarchisation enter ces dernières. C’est donc les hommes (cisgenres, blancs, valides, etc.) qui sont globalement privilégiés dans cette hiérarchie, que ce soit en termes d’accès aux ressources (autant en ce qui concerne l’occupation de l’espace dans la cour de récréation que l’accès aux postes décisionnels) ou de représentations disponibles. Il ne s’agit pas de dire que le système binaire ne joue qu’en faveur des hommes, loin s’en faut. Hommes comme femme pâtissent de ce système, puisque ce dernier pénalise toutes les personnes qui ne se conforment pas en tous points aux attentes de genre dominantes.

Certain·es queers remplacent des activités qui leur paraissent problématiques (par exemple deviner le sexe du bébé) par d’autres qui correspondent plus à leur idée d’activité ludique (par exemple, deviner quelle sera sa matière scolaire préférée). (p. 137)

On voit particulièrement ces démarches chez des parents qui ne sont pas cisgenres, lesquels appréhendent d’avoir à se faire appeler (par leur enfant ou de manière générale, dans la société) par des termes par définition très genrés. Le mot mère, en particulier, pose problème, en raison des pressions et injonctions à la « bonne » maternité qui lui sont accolés. Accepter d’être une maman, cela voudrait dire accepter de se fondre corps et âme dans cette expérience d’enfanter qui serait le paroxysme de la féminité, voire l’accomplissement d’une vie. Cela est source d’inquiétude pour des parents trans et/ou non binaires qui ont conscience qu’occuper un rôle social de « maman » (c’est-à-dire qui ont porté et/ou allaité leur enfant), sans pour autant se sentir interpellés ou concernés par le mot même. (p. 125)

Les parentalités trans nous montrent qu’il est possible de déprendre les rôles parentaux de leur assignation genrée et de les repenser en fonction des capacités et des désirs des adultes qui font famille ensemble. (p. 106)