La première fois que je me suis tué, c’est pour embêter ma maîtresse. Cette vertueuse créature refusa brusquement de [...] On me pardonne ce suicide quand on considère mon extrême jeunesse à l’époque de cette aventure.
La deuxième fois que je me suis tué, c’est par paresse. Pauvre, ayant pour tout travail une horreur anticipée, je ne suis tué un jour, sans conviction, comme j’avais vécu. On ne me tient pas rigueur de cette mort, quand on voit quelle mine florissante j’ai aujourd’hui.
La troisième fois… je vous fais grâce du récit de mes autres suicides, pourvu que vous consentiez à écouter encore celui-ci : je venais de me coucher, après une soirée où mon ennui n’avait certainement pas été plus assiégeant que les autres soirs. Je pris la décision et, en même temps, je me le rappelle très précisément, j’articulai la seule raison : Et puis, zut !
(Je serai sérieux…
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Voici une femme qui a des Aragons au derrière.
C’est bien commode, le suicide : je ne cesse pas d’y penser; c’est trop commode : je ne me suis pas tué. Un regret subsiste : on ne voudrait pas partir avant de s’être compromis; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l'amour ou la République.
Quand je me réveille c’est malgré moi.
La deuxième fois que je me suis tué, c’est par paresse. Pauvre, ayant pour tout travail une horreur anticipée, je me suis tué un jour, sans conviction, comme j’avais vécu.
Lettre : je vous entraînerai dans une solitude telle que la mort pourrait nous oublier. ◯ Vous serez mon bouclier contre tout le reste. Personne n’a idée de ma faiblesse - tout est la mort, tout est menace - le plus et le moins, tout. Vivre aussi terrible que mourir. Je me cache derrière vous. Quatre murs, et entre la porte et moi, vous. ◯ Je n’ai à vous offrir qu’un sort épouvantable. Vous êtes la femme sans rival. Fin du règne du superlatif qui chasse l’autre.
Le bonheur est à droite, à gauche le malheur et maintenant tendez l’autre joue.
Q. : Vous venez de montrer que le suicide ne vous semblait pas défendable, mais vous n’avez toujours pas dit comment, en condamnant tout, vous vous arrangiez pour vivre.
R. : Vivre au jour le jour. Maquereautage. Parasitisme.
Drieu dans son hommage posthume confirmera ce goût pour l’atavisme : «Tu étais sans défense contre les hérédités. (...) Tu trébuchais dans ton cordon ombilical.»
[Extrait du livre Le suicidé magnifique de Jean-Luc Bitton, dont une partie du texte sert d’introduction]