Essayer, échanger, douter ne fait pas de nous des pestiférés. Les opinions ne sont pas des maladies contagieuses. Les désaccords ne signent pas l'arrêt de mort des relations. On peut discuter, essayer des idées, puis les abandonner, sans pour autant s'être sali les mains. Débattre sans s'attaquer.
« J'avais peur du conflit comme d'une hyène sauvage et, souvent, je faisais semblant d'être d'accord avec des idées que je ne partageais pas [...] juste pour éviter d'avoir à les disputer. Par peur de perdre des amis.
Je me sentais, en fait, obligée soit d'acquiescer, soit de contrer. Je ne voyais pas d'autre alternative. En cela, j'avais un rapport de soumission au langage : j'avais peur de lui. Roland Barthes parle de cet aspect autoritaire de la langue courante avec beaucoup de grâce [...]. Dans ce discours, il explique que le fascisme, ce n'est pas empêcher de dire, mais c'est obliger à dire. Et qu'en cela, la langue est souvent fasciste. Parce qu'elle nous contraint. Nous force. Mais, [...] nous pouvons heureusement tricher avec la langue, nous pouvons jouer avec ce qu'on nous oblige à dire, et inventer une langue horspouvoir, une langue plus libre, qui nous permette de développer nos idées en propre. Nous pouvons créer des phrases qui nous ressemblent. Et faire de l'écrit, comme de la parole, un libre jeu des formes. Une création plutôt qu'un QCM où l'on craint, à chaque mot, de se tromper de réponse. »
Chère incertitude, savoir que tu existes — sans bruits, sans flash — me rassure. Je t'entends dans la musique, je te retrouve dans les films, les séries, je discute avec toi quand je lis un livre. Ta présence m'aide à vivre mieux. Et je crois que nous sommes bien plus nombreux qu'il n'y paraît à réclamer ta présence dans nos vies. C'est l'incertitude qui nous charme, tout devient merveilleux dans la brume.
Oser prendre le risque de comprendre l'ennemi.
Dans ce discours [Leçon inaugurale au Collège de France], il [Roland Barthes] explique que le fascisme, ce n'est pas empêcher de dire, mais c'est obliger à dire.
Le devoir de s'engager ne va pas sans le droit de se désengager.
Sans doute peut-on s'engager, en amitié, en politique ou professionnellement, sans pour autant s'amputer. Goûter à la joie des autres, simplement. Et puis choisir et affirmer son appartenance, sans pour autant devoir rogner une partie de soi.
Tout ça pour dire qu’un jour j’ai compris que défendre ses propres idées, ce n’était pas forcément entrer en guerre contre les autres.
J'ai saisi qu'un conflit n'était pas la même chose qu'une agression.
Qu'un conflit était un moment électrique, un moment de crise du langage, visant moins à écraser l'autre qu'à échanger avec lui — et avec soi-même au passage.
Qu'un conflit laissait à l'autre la possibilité d'exister. Et aux deux protagonistes, celle de changer.
On écoute quelqu'un, puis quelqu'un d'autre. On croit savoir. On change. On se fixe. On espère que ça tiendra.