Je découvre l'autrice,
Blandine Rinkel, grâce à la présentation de son dernier roman à « La grande librairie » «
Vers la violence » parle, comme son titre l'indique sans ambiguïté, de la violence exercée par un père abusif sur sa fille.
Même si ce roman prend racine dans la vie de l'auteure, elle tient à préciser qu'il n'est pas autobiographique.
Lou, petite fille unique, voue une admiration pour ce père énigmatique et drôle que son métier de flic oblige à s'absenter souvent. Elle l'admire et le craint à la fois car il règne avec autorité sur sa femme et sa fille. Capable de violences psychologiques, ce solitaire élève la fillette à la dure. Il l'isole des autres et distille le chaud et le froid, tantôt tendre et drôle, tantôt tourmenteur jaloux.
« de manière générale, Gérard n'aimait pas que je m'amuse avec d'autres enfants. »
Cet ancien militaire fasciné par les armes se rêvait en héros, il va inculquer à sa fille qu'il appelle moussaillon ce goût pour l'aventure et les situations extrêmes :
« L'éducation globale que Gérard m'inculqua tenait moins à savoir comment vivre en société qu'à apprendre comment survivre en forêt ou près des océans, sur une zone de guerre ».
Pourtant, ce carnassier au cuir épais, ce mythomane qui sait charmer, a eu une autre famille avant Annie et leur fille. Lou tourne autour de cette famille fantôme, découvrant peu à peu leur histoire violente.
En grandissant, Lou va approcher d'une vérité cachée, tout en essayant d'apprivoiser cette peur qui s'immisce dans leur famille.
« A partir de quelle année la peur s'est-elle définitivement installée dans notre maison ? »
Il y a une grande ambiguïté des sentiments entre le père et sa fille. C'est en devenant adulte que Lou arrivera à prendre conscience de cette violence rampante, sournoise de ce père qu'elle nomme Gérard dans son récit, mettant une distance comme si elle lui refusait ce rôle paternel.
La seconde partie du roman, celle où Lou, qui part à Londres pour y pratiquer la danse et s'émancipe de l'emprise de son père, m'a moins convaincue. La jeune femme qui cherche sans cesse la souffrance rencontre Raphael.
« Je vivais, je rencontrais. Je me croyais capable de tomber amoureuse. A Gérard, je ne pensais plus. »
Elle va enfin faire le chemin vers la résilience. Elle n'en a pourtant pas terminé avec ce père qu'elle reverra vieilli et malade. C'est la danse qui lui permettra aussi de dépasser cette emprise psychologique dévastatrice.
La danse, qui est aussi un exutoire pour Lou afin de se réparer dans la souffrance du corps et de surmonter l'influence de cette filiation morbide, est juste évoquée tout au long du récit. Il me semble qu'elle aurait mérité une plus grande place car son rôle, comme celui de Raphaël, est prépondérant dans l'évolution de la fillette devenue femme.
Ce roman à l'écriture précise, sans affèteries, nous livre une histoire puissante et sombre mais aussi porteuse d'espoir, celui d'une reconstruction.