Tout pouvoir sur l'être se fonde, ou sur la force, comme dans l'ancien monde, ou sur la justice.
Je crois comme lui que la terre est ronde, parce que l’horizon est limité mais recule à mesure qu'on veut l’atteindre, et que sur une sphère, même petite, on peut parcourir un chemin qui ne finit jamais.
Et comme naguère dans le bois de Carduel, elle s'endormit dans ses bras. Et Merlin se mit à pleurer comme il n'avait jamais pleuré de toute sa vie.
Les chefs de guerre bretons étaient alignés dans la pénombre des murs, combattants vainqueurs ou vaincus, ceux de Logre et de Galles, ceux des terres conquises par Uther ou forcées à l'alliance, rassemblés par l'amour ou la crainte du roi, issus de tous les peuples de l'immense contrée s'étendant au sud du mur d'Hadrien et à nouveau réunie par la force comme elle l'avait été autrefois par les légions de Rome. Ils attendaient dans la grande salle du palais de Carduel, et sur leurs faces, leurs vêtements et leurs armes, les jeux de la lumière et de l'obscurité, de l'indistinct,de l'ébauche et du net aggravaient quelque chose de féroce qui émanait d'eux, comme une violence alourdie d'immobilité et de silence.
Les bêtes sauvages en savent autant, et en cela, vous ne vous distinguez pas d'elles, car la conscience qui a été donnée à l'homme ne vous sert qu'à aggraver, par les calculs de l'intelligence, la férocité naturelle et universelle, ce qui fait que la domination, l'agressivité, l'antagonisme, la ruse, la chasse et le meurtre, qui sont les lois de la nature, deviennent le despotisme, la cruauté, la haine, la trahison, la guerre et le massacre, qui sont les lois de l'esprit au service de la matière.
Relève-toi. On s’accuse à genoux, mais on parle debout.
Devant ses larmes, Morgane se sentit bouleversée à son tour, envahie par une douceur d'amour qu'elle ignorait. Elle se leva et s'avança vers lui. Il se mit à genoux et referma sur ses hanches l'étau de ses bras, appuyant sa tête contre son ventre.
Et toute la nuit, ils eurent l'un de l'autre un plaisir qu'ils n'avaient jamais connu et qu'ils ne devaient plus jamais connaître.
Le mariage du pouvoir et de la foi engendre le crime, le pire de tous, celui qu’on commet pour le bien au nom d’une vérité absolue.
Morgane est le chaos, dit Arthur à Merlin. Un chaos où s'anéantit toute finalité, où le bâtisseur méticuleux et acharné qui a reçu en héritage ce souci impérieux du but se perd avec délices. Morgane est l'obsession des sens qui tue dans la pensée l'obsession du projet.
Elle est le présent absolu qui ronge le fragile devenir. Son esprit est un ravage que je voudrais haïr, adorant chaque parcelle de sa chair, la moindre ébauche de son mouvement qui est comme une danse de grâce et de mort. Et cependant je vois bien que sa chair n'est que la matière soyeuse et inouïe de son esprit, que les deux sont une seule et même chose et que la séduction de cette enveloppe, à quoi rien dans la nature ne peut se comparer, n'est que l'interprète harmonieux d'une séduction mille fois plus puissant, née du faste calculé d'une intelligence sublime et pervertie.
(quatrième de couverture de l'édition parue chez "Seuil" en 1999)
"Merlin, quand tout sera fini, quand la Table sera détruite, Logres perdu et Arthur nu et seul, qu'il vienne à Avalon. Je l'accueillerai et je l'aimerai. Dis-le-lui."