Le feu et la roche, tome 2 : Aliens

Ce tome contient une histoire complète. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014, écrits par Chris Roberson, dessinés et encrés par Patrick Reynolds, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. Les couvertures ont été réalisées par David Palumbo. Dans l'ordre de lecture, il est paru après le feu et la roche, tome 1 : Prometheus.

Le 03 juillet 2179, une équipe de colons et de mineurs a installé un campement sur la lune LV-426 (aussi appelé Achéron), l'une des 3 lunes de la planète Calpamos dans le système réticulaire Zeta 2. Ils sont attaqués par un groupe de xénomorphes qui tuent les êtres humains avec une efficacité terrible. Les responsables décident d'abandonner la lune et d'abandonner la mission de terraformation qui devait durer 4 ans. Genevieve Dione prend la tête des opérations de fuite et de rassemblement dans le vaisseau Onager. Elle est aidée par Derrick Russell qui lui indique par où passer pour éviter les xénomorphes. Ils embarquent dans le vaisseau et récupère en passant Nolan Cale, un des responsables des opérations minières, qui leur indique que ses équipes ont pu charger des vivres et des équipements, mais pas tout. Ramona commence la manoeuvre de décollage, et demande à Nolan Cale rester auprès des containers si la voie est libre. Ce dernier aperçoit des xénomorphes grimper dans un container mais qui donne quand même le feu vert sinon il sait qu'il sera abandonné sur place.

Après un court voyage dans l'espace d'une lune à l'autre, le pilote réalise un atterrissage brutal sur la lune LV-223. Genevieve Dione panse la blessure de Cale, pendant que les passagers débarquent du vaisseau rendu inutilisable et commencent à décharger les affaires contenues dans les containers. Nolan Cale lance un avertissement trop tardif et les xénomorphes sortent du container et attaquent les colons. Pendant que certains se font massacrer, d'autres (dont Dione, Cale et Russell) réussissent à s'enfuir et à trouver un couvert dans la forêt proche. Au coeur de la forêt, les survivants établissent un campement provisoire servant de base de vie. Durant la journée, ils explorent les environs en essayant de déterminer ce qui est comestible, et en regardant avec méfiance une sorte de boue noire présente à plusieurs endroits. Durant ces sorties, Derrick Russell détecte le passage d'un objet sphérique métallique flottant dans les airs. Il finit par réussir à l'attraper dans un filet de fortune. Il découvre qu'il s'agit d'une sonde d'un modèle dépassé depuis plusieurs années. Il réussit à activer la fonction de projection des prises de vue et découvre qu'il s'agit d'une des sondes utilisées par un équipage venu en exploration sur cette lune en 2093, à bord d'un vaisseau appelé Prometheus.

En 2014/2015, l'éditeur Dark Horse Comics organise une histoire mettant en scène les licences Aliens, Prometheus, Predator et Aliens/Predator sous un titre commun Fire and Stone. Si la présente histoire paraît après celle tirée de Prometheus, elle se déroule avant, en 2179 (2219 pour celle titrée Prometheus). le lecteur peut ainsi découvrir l'origine des restes de la seconde expédition que les explorateurs de 2219 avaient découvert sur la lune LV-223. Sans surprise du fait de la localisation de l'intrigue, le lecteur retrouve les éléments attendus de la mythologie associée à cette lune : la présence de xénomorphes, la boue noire, la tête géante d'un Ingénieur, les singes effrayants, le développement accéléré de l'évolution de la faune, de la flore et même des formations géologiques, et bien sûr une atmosphère respirable pour les êtres humains. Il comprend vite que les consignes données au scénariste sont de raconter le déroulement d'une autre expédition humaine sur cette lune qui a servi un temps de base aux Ingénieurs. Chris Roberson écrit donc un récit en respectant le cahier des charges. le lecteur connaît les règles du jeu implicites : (1) respecter la mythologie installée par les films et (2) ne rien raconter qui puisse la changer de manière significative. L'enjeu pour les créateurs devient alors de restituer les visuels des films avec fidélité, et d'imaginer une histoire assez substantielles centrées sur les personnages créés spécifiquement pour ce récit.

Patric Reynolds a déjà illustré d'autres comics en particulier des récits pour la série Abe Sapien (dérivée de celle d'Hellboy) et est le dessinateur attitré de la série Joe Golem Occult Detective de Mike Mignola & Christopher Golden. Il dessine de manière réaliste et descriptive, à la fois les personnages et les environnements. Il détoure les formes avec des traits secs d'épaisseur irrégulière, aux contours parfois tranchants. de la même manière, ses aplats de noir présentent des formes irrégulières, évoquant des ombres très noires, mais contenant une part de mystère, sans arrondis qui les rendraient plus polies, plus agréables à l'oeil. Il en découle une sensation de formes non ébarbées, encore un peu brut, ou déjà abîmées par l'usure du temps. Dans la première page, le lecteur retrouve cette ambiance industrielle et précaire des installations humaines sur une autre planète, ainsi que les silhouettes effilées des xénomorphes et l'impossibilité de distinguer complètement le détail de leur corps, du fait de parties restant dans les ténèbres. Par la suite, le lecteur peut courir avec les colons dans les coursives métalliques très fonctionnelles du vaisseau Onager, avec les nuances vert de gris, assez cafardeuses appliquées par Dave Stewart. Puis, il marche aux côtés de Derrick Russell dans la forêt clairsemée ou dans des zones rocheuses désertiques. Patric Reynolds ne représente pas le détail de la végétation ou des différentes roches, se contentant d'une impression globale, et d'en montrer l'étendue. L'ambiance est bien installée, par contre la dimension touristique laisse à désirer faute de détails. D'un autre côté, ces descriptions un peu vagues permettent de conserver tout le mystère nécessaire à l'exploration des cavernes abritant les restes des Ingénieurs et de leurs outils.

Patric Reynolds a réalisé un casting en retenant des acteurs avec des apparences banales, des individus normaux. Sa direction d'acteur privilégie des gestes naturalistes, sauf pendant les séquences de panique pour fuir les xénomorphes. Les vêtements sont également très ordinaires, plutôt ceux de civils et pourraient tout à fait être contemporains. du fait du scénario, le dessinateur met en scène les xénomorphes comme des gros monstres courant après les pauvres humains. Il reproduit avec fidélité leur apparence et leur manière de se déplacer, ainsi que la violence pénétrante de leurs griffes et de leur queue, mais il ne peut pas en faire autre chose que des grosses bébêtes méchantes. La dimension descriptive des pages finit par provoquer l'interrogation du lecteur sur la réelle probabilité pour des humains puissent échapper à ses machines tueuses, ou pour qu'elles abandonnent parfois la poursuite. Reynolds n'hésite pas à représenter les coups portés, mais il ne s'appesantit pas sur les blessures ne tombant pas dans le gore. Elles sont soulignées par l'application de zones rouges pour figurer le sang.

Chris Roberson raconte donc dans quelles circonstances une expédition d'humains est arrivée sur la lune LV-223 et ce qui lui est arrivé. Il se focalise essentiellement sur 3 personnages (Derrick Russell, Genevieve Dione et Nolan Cale). Les autres colons sont réduits au rôle de victimes, tués par poignée à chaque attaque des xénomorphes. le lecteur ressent un début d'empathie pour Nolan Cale du fait de sa culpabilité générée par sa responsabilité de la présence des xénomorphes sur LV-223, mais rapidement il ne ressent plus les émotions de ce personnage. de la même manière, au cours de la première scène, il ressent le poids de la responsabilité de Genevieve Dione qui se charge de mener les colons à l'abri dans le vaisseau Onager, mais bien vite elle aussi est réduite à l'état de dispositif narratif sans épaisseur émotionnelle ou psychologique. Il lui reste la possibilité de s'investir dans Derrick Russell, mais là encore il est déconcerté par son calme apparent malgré le danger de mort imminente. le scénariste réduit également les xénomorphes à l'emploi de monstres tuant tous les humains à leur portée, mais sans logique d'attaque ou de comportement, sans aucune métaphore sur leur efficience à la survie de la race. Il ne reste donc plus que l'intrigue comme centre d'intérêt. le lecteur se demande comment cette communauté va interagir avec les restes de la base des Ingénieurs, comment elle va s'organiser pour survivre. Roberson sait installer et développer le suspense autour de ces éléments et montrer que l'évolution de leur situation reste très hasardeuse. Mais finalement lorsqu'elles surviennent ces interactions s'avèrent assez limitées ou dans un registre trop grotesque sans réel impact horrifique.

Cette deuxième histoire publiée sous le titre Fire and Stone promet la mise en scène des xénomorphes d'Alien. le lecteur constate qu'ils jouent un rôle similaire à celui de la première partie Prometheus, juste des monstres qui tuent tout ce qui tombe entre leurs pattes, sans réelle personnalité autre que visuelle. Patric Reynolds réalise une narration visuelle claire et rugueuse pour montrer des humains dans un environnement plus ou moins agressif. Chris Roberson respecte toutes les spécifications du cahier des charges qui lui est imposé, pour une histoire linéaire qui se lit facilement et qui s'oublie encore plus vite.