Lorsque dans la nuit je reviendrai de Strasbourg, quelques heures après qu'un orage crépusculaire d'une soudaineté tropicale eut en un tournemain dispersé les hordes de commerçants et de chalands mobilisés dans le centre par la braderie, la ville, chauffée à blanc tout le jour, transforme en abondantes vapeurs l'averse qu'elle vient de recevoir. Sur les bords de l'Ill - clochers, saules et vieux pignons émergeant d'une ouate lumineuse - le spectacle est déjà de qualité. Mais, quand, passé le palais de l'Europe (ce gros tas), on atteint le canal et la zone portuaire, on regrette d'avoir traité à la légère ces solitudes maintenant noyées de brumes, palpitantes de vagues ressacs, d'indécises pulsations de moteurs, où l'éclairage au sodium, parmi les grues, les silos et les tanks à pétrole, esquisse une vision contemporaine et suburbaine du "Crépuscule des dieux".