Quand pour la première fois on sort de l'avion sur un aéroport africain, c'est tout de suite dépaysant.
Mais là où beaucoup d'entre nous ressentent la chaleur, la moiteur, l'air étouffant peser sur leurs nuques…
Francine Romero, elle, voit ça poétiquement comme un ventre maternel, comme des bras qui l'enlacent.
Elle est chez elle, dans cette Afrique de l'Ouest où elle a vécu.
Elle relate deux séjours : l'un dans un village gabonais, comme membre de la famille chaleureusement accueillie ; l'autre en ville, en Guinée équatoriale comme travailleuse expatriée.
Les deux sont passionnants.
Ses souvenirs joignent la fraîcheur de l'expérience à la profondeur de la réflexion (elle a étudié la philo m'sieurs-dames !)
Sur la traite négrière, la colonisation européenne, puis l'indépendance et la Françafrique, les mises au point historiques sont à la fois érudites et teintées de pensées personnelles ; avec lucidité et sincérité, Francine nous fait part de ses scrupules en Guinée : "Politique exige, notre volonté d'étendre la francophonie prime sur le respect des droits humains. Nous savons tous que le pays est aux mains d'un dictateur sanglant, nous-mêmes sommes complices d'une certaine façon en ne le dénonçant pas."
Mais des passages plus légers amènent l'humour ou le rêve : j'ai retrouvé le poulet-bicyclette aperçu chez
Florent Couao-Zotti (qui en donne une autre étymologie), j'ai bien ri en découvrant le Djembé, "une sorte de syndicat contre l'élément mâle" (À bas le patriarcat…!). J'ai vu d'un autre oeil les sirènes d'Ulysse après avoir rencontré leurs cousines dans l'Ogooué (ce qui est tout de même très révélateur d'une histoire universelle des mythes). Et que dire de la si romantique rencontre avec son mari, "sorti du brouillard marin" dans son vaisseau fantôme ?
Un très beau récit de vie, de vies multiples plutôt, avec leur lot de tragédies mais aussi de joies simples et de rencontres émouvantes.