Troublantes Racines -
Francine Romero - Récit autobiographique - Lu en août 2023.
Lu entièrement le 15 août, sans pouvoir m'arrêter.
Je vais commencer par quelques citations du prologue que j'aime énormément :
"J'écris pour avoir la force de vivre le pays des solitudes, le pays métis...
J'écris parce que la vie me déroute, j'écris parce que j'ai peur de la mort.
J'écris pour mieux comprendre autrui, j'écris pour me comprendre.
J'écris pour me racheter"
Birago Diop
Francine (Afriqueah sur Babelio) a écrit le récit et les ressentis de ses années passées entre le Gabon et la Guinée Équatoriale pour assurer la gestion comptable de deux Centres Culturels, nommée par le Ministère de la Coopération .
Francine a hésité longtemps avant de se lancer, elle rencontre
Pierre Duchesne auteur d' Une année au Cameroun et là, c'est le déclencheur, Francine s'y met et c'est génial, elle "ressent une urgence d'écrire deux de ses expériences africaines".
Ses souvenirs personnels sur sa découverte de l'Afrique, l'histoire de cette Afrique, le passé et le présent moins glorieux.
Divisé en deux parties, son récit débute avec sa rencontre avec Yenoth, étudiant gabonnais, à Lille lors de ses études. Un mariage, un petit garçon.
Et les voilà partis dans le pays de son mari où Francine va découvrir le Gabon , terre d'Afrique dont elle se sent immédiatement en symbiose, "plus que tout je ressens une connivence secrète... je retrouve mes origines, celles de l'humanité"
Atterrissage à Libreville.
Port-Gentil, une autre étape, rencontre avec la famille de son mari, oncles, tantes, cousins-ines... une grande famille, autour de repas bien de là-bas où elle est bien accueillie. Francine se délaisse du superflu, découvre que le temps en Afrique n'a pas la même durée qu'en Europe, il passe, c'est tout. Elle se débarrasse de sa montre, elle n'en portera jamais plus.
Et puis, le périple pour arriver dans le petit village de Yombé II au bord du fleuve Ogooué en pirogue, traversée de l'immense et dangereuse forêt équatoriale. Moyen de communication, le tam-tam. Découvertes des coutumes, de la culture, de la nature foisonnante, des couleurs, des odeurs, tous les sens sont en éveil quand on découvre l'Afrique et ça ne s'effacera jamais. Découvertes aussi des différentes ethnies, pas toujours amies !
Découverte d'une appartenance à la famille, d'une chaleur humaine d'une entraide.
Dans les petites plantations de manioc, ce sont les femmes qui travaillent "ce sont les femmes africaines qui portent le Continent sur leur tête" écrit
Henning Mankel cité par Francine. Elles portent sur leur tête des kilos de racines de manioc avec une dignité et un port de reine inégalable. La polygamie est normale là-bas à cette époque. Pour se nourrir, c'est la chasse, la pêche, la culture du manioc, le petit élevage. Pas de réserve puisque pas de frigo.
J'ai adoré le passage sur les éléphants, Francine en parle comme personne. Les insectes grouillent en Afrique, on s'habitue.
Une infirmerie rudimentaire, sans médicament exceptés des antiseptiques. La lèpre, la bilharziose, le paludisme, la fièvre jaune ... sont des fléaux.
Les rituels de la mort, les esprits, les guérisseurs, les sorciers ou sorcières, les désenvoûtements, les confréries secrètes, les initiations rites de passage occultes.
Un peu d'histoire dans le récit de Francine, les invasions, les colonisations, la traite des esclaves, les Pygmées, le pétrole, l'entrée du Gabon dans l'OPEP, la crise de 1973, l'entrée de l'Islam.
Retour à Lille où Francine découvre un autre homme en son mari, c'est la fin de leur union.
Et puis, La Guinée Équatoriale 1989-1994, Francine fait ses adieux à son père, elle n'est pas sûre de le revoir, c'est dur. Elle s'en va avec sa fille Inès, son fils qui doit passer son bac sera pensionnaire.
L'installation à Malabo n'est pas de tout repos, alimentation en eau déplorable...
La dictature est au pouvoir, la méfiance règne, on ne dit pas ce qu'on pense, c'est dangereux. le meurtre barbare d'un coopérant, ami de Francine.
Le pétrole toujours, objet de convoitise provoque bien des malversations, le scandale des déchets nucléaires.
La corruption règne en maîtresse "la vénalité des politiciens, la cupidité des fonctionnaires et des flics et les expatriés qui ne sont pas tous des parangons de vertu."
Francine fait la rencontre de "l' homme de sa vie" un Andalou avec lequel elle se marie. Elle est heureuse.
D'aventures en aventures, Francine nous fait découvrir une vie mouvementée, avec ses grandes joies, ses petites et grandes peines, ses désillusions aussi, mais toujours cet énorme amour de la vie.
L'Afrique, Francine l'a dans le sang, dans les tripes, elle repartira travailler à Niamey capitale du Niger et à Zinder.
C'est une belle histoire que celle de Francine, un témoignage passionnant d'un vécu bourré d'anecdotes, avec en toile de fond l'histoire de cette Afrique si convoitée pour ses richesses, un peuple maltraité par ses dirigeants corrompus et avides de pouvoir.
Une Afrique qui reste tellement présente dans le coeur de ceux et celles qui y ont vécu et qui ont dû la quitter malgré eux pour des raisons de sécurité. C'est ce que mes parents, mes frères et soeurs ont été obligés de faire en 1960 lors de l'indépendance du Congo. Mais comme Francine, l'Afrique est quelque part dans mon coeur, inoubliable.
Francine a mis tout son coeur dans ce récit, toutes ses émotions, et la lire a été un formidable plaisir, je vous recommande de lire son aventure, vous ne pourrez pas rester indifférents , en toute honnêteté, parce que vous pourriez croire qu' étant une amie babéliote je ne peux que dire du bien de son récit, mais non, il en vaut la peine, d'ailleurs lisez-le, vous vous ferez votre propre opinion et je serai heureuse et curieuse de la découvrir.
Un tout grand merci Francine, et pourquoi pas ton passage au Niger dans un prochain livre ?