L'étoile et la vieille

Un autre spasme la soulève et la fait vomir . Le metteur gerbe aussitôt - la vue du dégueulis le fait toujours vomir , une variante minable de l'empathie .

Au bout du compte, les vrais virus culturels se transmettent d'abord par des contacts émotionnels, infiniment plus qu'avec des idées justes

Quand une étoile se dégrade, elle émet dans le désordre, avec par moments des silences et à d'autres de très violentes émissions d'énergie. On y est. Après la musique sans son, après les soliloques incertains et les préludes indécis, une énorme bouffée d'harmonies et de rythmes jaillit. Victor Hugo chante ces soubresauts d'étoile comme "la clameur du mourant éperdu", un vacarme qui serait "brusque, éclatant, splendide, inattendu". En ce moment, Odette est cette étoile-là, somptueuse, incandescente, imprévisible.

"Pas de valse donc, ni d'Odette, ni d'accordéon dans son capital génétique. Le metteur étant de la génération d'après, il s'est construit autrement - pétards, manifs, rock, pop et cheveux longs."

Elle tient le téléphone d'une main et de l'autre la taille de Danielle la fée bombardée cavalière avatar :
Et je crois en toi comme au bonheur suprême .....

Ensuite , il y a l'ivresse de tous les après-spectacles , quand les artistes cherchent âprement à prolonger les vertiges du jeu , entre scène et resto, entre dieux et champagne , entre adrénaline et abandon.

Il ne discute jamais sur le plateau, c'est devenu un principe chez lui. On ne joue pas à la parlante quand on répète, les négociations esthétiques sont toujours minables. Les combats d'idées n'ont rien à voir avec du théâtre.

Pendant que le metteur erre,Odette pleure,allongée en chien de fusil sur le lit de camp que la régisseuse générale lui a dressé au fond de la loge.Danielle a entassé sur elle couvertures,pull-overs et châles,mais elle grelotte.Il ne reste plus rien en elle de l'artiste échevelée de tout à l'heure pendant le raccord.Odette n'est plus qu'une vieille affreusement vieille.Eclipse d'étoile.

Au foot, si aucun partenaire ne te fait d'appel, tu es embarrassé avec ton ballon. Au théâtre, pareil, il ne faut jamais s'agripper à une idée ni attendre qu'on t'en donne.
Et dans la vie?

Les Théatres comme les derniers endroits où l'on est présent ensemble, pas seulement avec des mots ou des images mais avec les ondes corporelles. Ces ondes ne passent pas au téléphone, pas plus qu'à la télé