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Critique de Osmanthe


Ma riche bibliothèque comporte presque toute l'oeuvre de Philip Roth. Pourtant, le rabaissement est seulement le 3ème roman que je lis de lui, après Un homme et La bête qui meurt, seul critiqué à ce jour. Autant dire que pour l'instant, je m'en tiens à sa dernière période, les cinq, six romans, courts, qui marquent la vieillesse de l'écrivain.

Simon Axler est un immense acteur de la scène théâtrale classique new-yorkaise, il a joué dans les plus grandes pièces du répertoire. Mais un jour, il se sent vide, fini, incapable de jouer, sans compter que sa colonne vertébrale le fait souffrir. Il va tellement mal qu'il est quitté par sa femme et se fait interner en hôpital psychiatrique durant quelques mois, où il rencontre une femme fluette, Sybil van Buren, avec laquelle il sympathise. Elle a flanché psychologiquement en surprenant son mari à tripoter leur petite fille. Elle s'est juré de le tuer, ou le faire tuer, proposant même à Simon de le faire. Plus tard, Simon apprendra par les journaux qu'elle a finalement bien assassiné son mari.

En sortant, il entame une relation avec Pegeen, la fille d'un couple d'amis de longue date également acteurs de théâtre, de moindre renommée que lui. Il l'a connue enfant, elle a 40 ans, il en a vingt-cinq de plus. Lesbienne, elle a été plaquée par son amie qui a préféré devenir un beau moustachu. Son orientation sexuelle n'a déjà pas été facile à accepter pour ses parents, elle tait d'abord sa relation avec leur vieil ami…mais la femme de Simon vend la mèche. Pegeen va choisir l'explication avec ses parents, et en rend compte à Simon dans des termes probablement édulcorés.

Simon fait bonne figure, mais ne peut s'empêcher de penser que Pegeen, dont il se targue d'avoir changé la sexualité, est bien trop proche de ses parents, qu'ils doivent lui avoir fait part de leur réprobation à ce qu'elle sorte avec Simon. Ils doivent éprouver un mélange de jalousie envers celui qui leur était supérieur et de méchant dédain envers ce vieux croulant au mental fragile qu'il est devenu…

Simon s'attache, leur sexualité a l'air bien rôdée, lorsqu'ils prennent plaisir à ce qu'elle le chevauche, lui perclus de douleurs dorsales ayant du mal à faire autrement. Mais un jour, ils vont croiser dans un bar Tracy, et Simon incite Pegeen à s'embarquer dans un trio sexuel…

Dans cette ambiance, Simon rêve d'un nouveau départ, un enfant avec Pegeen…C'est l'euphorie dans sa tête, il est près à assumer le risque d'un enfant à cet âge…mais il va tomber de très haut quelques jours plus tard, et convoquera le souvenir de cette femme fluette et pourtant si déterminée, Sybil, pour trouver la force en lui d'accomplir ce qui doit l'être.

Le rabaissement est sans doute moins riche en réflexions sur la vie, la vieillesse et les coups du sort que La bête qui meurt, il manque parfois d'un peu de hauteur de vue. En outre, l'environnement de la relation Simon-Pegeen est trop corsé : la séduction de la fille du couple d'amis, 25 ans de moins que lui, alors qu'elle était lesbienne, elle-même qui s'est vu larguée par sa copine qui devient transgenre, fallait-il aller chercher tout cela ?!
Pourtant, on ne peut s'empêcher d'admirer Roth pour sa manière de s'immerger dans les tourments psychologiques de ses personnages masculins qui souffrent de perdre peu à peu, et irrémédiablement, ce qui mène les hommes depuis la nuit des temps, leur virilité sexuelle.

Le corps s'abîme, et le mental en souffre, surtout quand l'ego s'en mêle. Car ses personnages masculins centraux sont toujours des hommes de la bonne société, artistique, du monde des affaires, etc…Pour eux, hommes de pouvoir, pouvoir de séduction, c'est encore plus dur à vivre. C'est toute la complexité des relations entre gens de la bourgeoisie, les non-dits, les comportements parasités par le jeu social, les logiques de classe, qui sont à l'oeuvre.

Roth s'incarne dans son personnage masculin, qui a 66 ans au terme du roman…comme lui. Cela sent le vécu, en direct, et c'est pour cela que ça sonne tellement vrai…Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable, avait dit un certain Romain Gary.

Dès lors, le vieil homme se raccroche parfois comme il peut à la vie, dans un accès d'enthousiasme factice et irréfléchi, il croit qu'il pourra jouer l'éternel retour…il peut crier, amer, à l'injustice, au complot, c'est peine perdue : on ne l'attend plus, les femmes, les autres, le public…sauf la mort, toujours vainqueur à la fin.
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