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Citations sur Préhistoires (19)

Page 80 :
Imaginez au débouché d'une sente obscurcie par le couvert des arbres tomber sur cette plage de galets géants, non pas enracinés comme l'est une montagne surgie du sol, mais déposés, comme s'ils étaient le résultat d'un bombardement céleste de grêlons monstrueux, lesquels dans leur chute prodigieuse auraient provoqué une trouée dans la prolifération des arbres et repoussé à la périphérie l'invasion de cette armée de fûts dressés, rétablissant face au bouillonnement éphémère de la vie végétale l'éternité immobile du minéral. Vengeance des "forces" du ciel contre les "forces" de la Terre ? Le monde du haut contre le monde du bas ? La guerre des mondes ? Mais comment ne pas voir dans ce déluge de rochers la manifestation et la présence des puissances supérieures ?
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Soleil, lune, éclipse, étoiles, nuit, nuages, pluies, tempêtes, neige, orage, arc-en-ciel, il s'en passe de drôles là-haut. Même si depuis quelques milliers d'années on constate une nette amélioration. Souvenez-vous du temps de Lascaux, il ne faisait pas bon mettre un chien dehors, un temps peu clément, à courir tous aux abris sous roche, à s'enfouir sous terre. Température presque sibérienne, et une végétation rase, toundra, lichen, au bonheur des rennes. C'est sans doute en suivant ces grands troupeaux que ceux-là de la péninsule armoricaine ont dû rater un embranchement, bifurquer et être arrêtés par l'océan. Ils installèrent là leur résidence balnéaire, la terre prit un coup de chaud et peu à peu se couvrit de ces forêts denses que l'on regardait grandir. Là où autrefois, du temps de la steppe, le regard portait jusqu'à l'horizon, le voilà maintenant forcé de suivre ce mouvement ascensionnel. Changement de perspective. C'est désormais la verticale qui s'impose. On ne s'enfouit plus, on s'élève.

Sur ce haut blason armorié qu'est le menhir brisé aux restes dispersés à Gavrinis et Locmariaquer, les bâtisseurs sédentaires persistent et signent, où sont gravées une araire, des têtes de bovidés et une hache. Agriculture, élevage et déboisement. C'est exactement le programme de tout candidat du Néolithique. Respecté à la lettre à Carnac. Mais maintenant que les techniciens ont fait leurs preuves, on s'autorise à passer aux choses de l'esprit, la même chose, en fait, mais dans son émanation poétique.
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Page 76 :
Mais quel "foyer" gigantesque que cet amas rocheux. Quel feu prodigieux devait s'élever ici vers le ciel. Et quelle force, les puissances terrestres, pour être en mesure de déplacer et d'agencer de tels blocs. Si je ne suis pas vu de vous qui circulez entre les immenses galets de grès en vous émerveillant d'une facétie de la nature, que vous attribuez à des restes de sables compactés de la plage d'une mer ancienne qui s'étalait là au temps que vous nommez l'Eocène, en m'introduisant dans ces failles, ces alcôves aménagées au coeur du chaos, je rentre en contact avec les puissances telluriques du lieu.
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Page 76 :
On cherche. Et d'abord à savoir. Pourquoi croyez-vous que vos ancêtres s'enfonçaient dans le profond des grottes, qu'ils se faufilaient par les brèches de la roche pour tapisser ces niches de pierre de leurs "adresses", et de leurs "envois" ? Ces failles telluriques sont nos boîtes aux lettres. Il s'agit dès lors pour nous de repérer ces caches où se blottissent les esprits de la Terre, par où nous pourrons entrer en communication avec eux. Car ce sont bien ces esprits qui manifestent toute leur puissance dans cet agencement de blocs formidables au coeur de la forêt où vous vous exercez aujourd'hui à grimper comme des enfants.
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Mais bien sûr qu'ils ne vivaient pas au fond des grottes. Est-ce que les enfants sont condamnés à demeurer dans le ventre de leur mère ?
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Alors, on n'était pas regardant avec le temps : un ou deux millions d'années pour affûter à peu près correctement le tranchant d'un silex, mais cette fois, on y était. A la décharge de ceux-là, de leur lenteur d'esprit, ce labeur de fourmi s'était accompagné d'une intense activité cérébrale, puisque, partant d'un amas neuronal mal dégrossi à la pensée embryonnaire - sans médire, la petite Lucy, la star de la famille afarensis, avait un pois chiche de trois cents grammes dans la tête -, ils étaient parvenus au fil du temps, après des repentirs, des impasses, de bien légitimes droits à l'erreur (bien que plus volumineux, le cerveau des Néandertaliens ne leur avait pas permis d'inventer la poudre), à une refonte totale de la boîte crânienne et à la mise au point de cette formidable machine à penser que nous connaissons, la Rolls de la création, savant assemblage de cellules nerveuses, minutieusement agencées, compartimentées, avec ses cases, ses domaines réservés, au point que même la musique y trouve son siège, et la mathématique, et le coup droit du gaucher, ce qui sous-entend que ceux-là, les sapiens sapiens, voyaient loin, anticipaient le futur, pariaient sur l'avenir, de sorte qu'on peut les imaginer chantonnant et sifflotant tandis qu'ils dessinaient les petits chevaux trapus sur les parois des grottes, et comptaient les bisons sur leurs doigts au retour d'une battue, et s'en remettant au bras magique d'un surdoué pour une chasse miraculeuse, de sorte aussi, si tout était déjà en place, que dès l'apparition de ce cerveau new-look on était sans doute en mesure d'expérimenter aussi bien la bonté que la malveillance : la bonté pour partager sa nourriture et la malveillance pour la dérober à son voisin. Tout était déjà joué en somme.
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Il s'agit d'un projet conçu et mené à son terme. Une affaire de quelques années tout au plus. De quoi occuper le temps d'un règne. Ce qui veut dire qu'il y a un avant à Carnac, et que cet avant on le connaît : c'est une pensée. Une pensée parfaitement conçue, calculée, anticipatrice, prévisionnelle, attendant des retombées bénéfiques de son savant arrangement. Certaines pensées se disent avec des fleurs. Ici, c'est un bouquet de pierres levées, alignées, sur sept, onze ou treize rangs, en ordre croissant de la plus basse à la plus élevée, du levant au couchant.
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Soleil,lune,éclipses,étoiles,nuit,nuages,pluies,tempêtes,neige,orage,arc-en-ciel,il s'en passe de drôles là haut.
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Il leur est arrivé de dessiner dans des cavités qui n'avaient pas plus de quatre-vingts centimètres de hauteur, oeuvrant couchés, n'ayant aucun recule pour juger de leur travail. Et pourtant le trait est parfaitement maîtrisé. Ce qui veut dire qu'ils l'avaient répété des milliers de fois pour être en mesure de tracer d'un seul jet, quasiment les yeux fermés, un cheval en son entier. Ce qui veut dire aussi qu'ils avaient en leur talent une absolue confiance. Cette assurance, c'est bien la preuve qu'ils disposaient d'un statut particulier. Ce ne devait pas être un mince privilège de descendre exercer son art dans les profondeurs de la terre-mère. Quand ils remontaient à l'air libre, on devait les regarder avec la crainte et la déférence que l'on voue aux grands sorciers de la médecine.
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Toi aussi, tu interprètes les signes du ciel comme des effets d'annonce. Quand il se fait menaçant, que tu flaires l'averse, tu ramasses précipitamment ton linge ou ton transat, et tu te dépêches de rentrer si tu te promènes. Quand les feuilles se colorent de rouge, tu n'as pas non plus besoin d'un calendrier pour savoir que la mauvaise saison arrive. Alors pour des gens qui passaient tout leur temps dehors, ce genre de choses, c'était le b.a.-ba. La nature, c'était leur encyclopédie à ciel ouvert, un grand livre touffu et foisonnant où tout était consigné de la vie et de la mort. C'était leur bible. Il leur suffisait d'apprendre à lire, à déchiffrer ce qu'ils avaient sous les yeux, à s'interroger sur le moindre changement, un souffle dans l'air, une odeur inhabituelle, un cri rauque dans un hallier, un disque blanc autour de la lune, une nuée poussiéreuse à l'horizon. Ce qui n'avait pas été sans déboires - quelques goûteurs de baies avaient bien sûr fait les frais de cet apprentissage indigeste. Par quoi le reste de la horde avait appris que tous les fruits rouges ne se valaient pas - et du coup à bien les distinguer. Et ainsi pour tout. Ce qui n'avait pas été sans frayeur, non plus. Outre quelques espèces peu amicales, comment n'auraient-ils pas frémi sous les assauts terrifiants de l'orage, ou quand une flèche d'or s'abattant d'un nuage anthracite était en mesure de fendre un arbre et d'embraser un buisson? Comment ne se seraient-ils pas demandé ce qu'ils avaient bien pu faire pour mériter un tel déchaînement du ciel? Et que voulait dire cette arche multicolore apparaissant après la pluie? Le monde était bien plus peuplé qu'aujourd'hui, qui se réduit à un nuage de particules. Derrière chaque phénomène se cachait une puissance occulte. Il y avait de quoi interpréter, de quoi s'en raconter, de quoi mettre au point une fable cohérente qui mette un peu de bon sens à ces comportements étranges de la nature, de donner un nom à ces créatures de l'ombre, leur inventer une histoire, un statut. Mais une fois le récit bien ficelé, qui expliquait le pourquoi du comment et la raison de toute chose, on pouvait s'y fier.
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