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sur 380 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
«Pero nada pueden bombas donde sobra corazón»

En nous entraînant dans le delta de l'Èbre dans les années 1930 Laurine Roux fait bien davantage que rendre hommage à son grand-père. Son troisième roman nous rappelle, plus que jamais, l'urgence de combattre pour la liberté.

Laurine Roux a pris son rythme de croisière, nous livrant tous les deux ans un roman qui nous permet d'explorer la planète et une large palette d'émotions. Dès ses débuts en 2018 avec Une immense sensation de calme (2018), on découvrait comment survivre dans une région inhospitalière. Deux ans plus tard, et avant le confinement lié à la covid, elle dressait le portrait d'une famille tentant de vivre en autarcie dans le Sanctuaire. Avec ce troisième roman, on part pour la première dans un endroit identifiable, le delta de l'Èbre. C'est dans ce coin d'Espagne que vivent difficilement Toya et ses parents, Juan qui trime dans les rizières et Pilar, cuisinière au sein du vaste domaine d'un marquis et de son épouse tyrannique ainsi que leur fils dont l'activité principale semble être le droit de cuissage. La jeune fille va développer au fil des jours, avec le constat de l'exploitation dont sa famille et tout le bas peuple est victime, une colère qui va se transformer en conscience politique, en nécessité de se révolter.
Avec l'adolescence et avec l'aide de Horacio, l'instituteur, elle va découvrir la lutte des classes. Bientôt nourrie d'exemples que livre José, l'avocat catalan qui va également éclairer son engagement.
Cette vaste fresque historique, qui va des années 1930 à l'instauration de la dictature franquiste, nous permet d'embrasser espoirs et désillusions, de la victoire éphémère des paysans du delta à la sanglante défaite des partisans de la démocratie.
Comme dans ses précédents romans, Laurine Roux fait foin de la théorie pour se concentrer sur ses personnages, leurs émotions et leurs relations dans une écriture qui fait la part belle à la sensualité, aux bruits et aux odeurs. Ici l'amour côtoie la rage, le rire se perd dans les larmes, le bonheur qui étincelle n'est qu'un leurre. C'est dans les terres ingrates du delta de l'Èbre que Toya avance avec une conviction chevillée au corps. C'est aussi là qu'elle retrouvera les victimes des troupes franquistes de la bataille de l'Èbre.
Avec ces républicains – dont faisait partie le grand-père de la romancière – qui se font écraser, on se retrouve soudain en pleine actualité, quand la force brutale et sans discernement des dictateurs tente d'écraser les peuples qui aspirent à la liberté. Quand une moitié du monde entend dicter sa loi à l'autre moitié du monde.


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Il était une fois la révolution.

Au coeur des années 30 dans le delta de l'Ebre, le temps semble s'être arrêté au siècle précédent. La culture du riz dans cette embouchure du sud de la Catalogne a fait la fortune de la puissante Doña Serena, la Marquise, aussi coulante et compréhensive sur son mari et son fils Carlos, que pesante et tyrannique envers les familles de paysans qui cultivent ses terres.

Parmi eux, Juan et Pilar Vásquez Montalbán et leur fille Toya. Juan est aux rizières, Pilar en cuisines au château, tandis que Toya observe ce microcosme malsain et d'un autre âge. Dans le reste de l'Espagne, la guerre civile gronde et aux portes du Domaine, la conspiration ouvrière monte en puissance et tente de s'organiser au sein de la collectivité du Castillo.

Dans L'autre moitié du monde, Laurine Roux prenant appui sur une région qui lui est chère, mêle habilement la grande histoire des luttes de l'éphémère république espagnole avec celle, romancée, d'une vengeance au long terme de la jeune Toya qui mène sa propre révolte : « Certains allègueront que les événements se produisent quand ils sont mûrs. Ce matin, c'était une grenade pleine de jus ; il a suffi d'en effleurer la peau pour qu'elle explose ».

Toujours aussi habile lorsqu'il s'agit de magnifier par le style, la nature et les paysages catalans, elle y ajoute une galerie de portraits aux caractères affirmés et particulièrement touchants, notamment pour les personnages féminins. La musique, par le piano ou l'harmonica, vient régulièrement rythmer ou adoucir le tempo d'une histoire qui, parfois, m'a un peu perdu, mais toujours rattrapé par l'élégance de son écriture.

Et en boucle dans ma tête depuis ma lecture, cet hommage simple mais appuyé aux « fleurs au bord de la route qui gardent vivants les morts ».
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1930, dans l'Espagne des grands propriétaires terriens, des bourgeois et de l'Église toute puissante, l'autre moitié du monde ce sont les paysans miséreux, harassés par le travail, parmi lesquels les parents de Toya, Pilar et Juan. Les hommes sont de mules au champ et les femmes des esclaves au service des riches.
Avec le portrait de Toya une jeune fille indépendante et sauvage Laurine Roux nous conte avec une écriture forte et sensuelle la vie d'une communauté rurale dans le delta de l'Èbre (Catalogne). Des hommes et des femmes maltraités, méprisés voire agressés sexuellement. Mais ils sont profondément attachés à cette terre et solidaires dans le malheur. Voilà pourquoi les hommes s'organisent en syndicat. Déposer les outils, faire grève, collectiviser les terres, il existe une autre Espagne qui a soif de vin, de joie et de liberté, tout renverser, Franco, les bourgeois, la famille catholique la haine s'est accrue, l'Espagne entière s'agite.

C'est en fait les prémices de la guerre civile qui ne fut pas seulement ouvrière et urbaine mais aussi rurale et paysanne. Un récit profondément ancré dans l'Histoire, où l'horreur se mélange à la beauté des paysages et des odeurs des plats savoureux préparés avec peu d'ingrédients. Laurine Roux nous dépeint avec réalisme la toute-puissance de la bourgeoise terrienne qui traite ses employés comme des animaux où le droit de cuissage s'exerce chaque jour.
Un récit poignant avec la succession d'évènements dramatiques qui conduiront à la révolte de ces gens privés de toute humanité dont l'issue sera l'avènement de la dictature du général Franco.

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La lecture de ce roman ne m'a pas procuré le plaisir que j'attendais. le thème et les avis lus ou entendus par-ci par-là ne me laissaient aucun doute, ce livre allait me plaire. Or dès les premières pages, le style indirect m'a déplu. Ensuite je n'ai pas compris pourquoi l'auteur a introduit régulièrement des petites phrases, des mots ou expressions espagnols, cela ne m'a pas gêné en soi mais je n'en ai pas compris la raison. Cela n'ajoute rien à la lecture sauf, pour moi, un côté artificiel. Je suis sévère sans aucun doute car je relève tout ce qui m'a déplu mais cela ne m'a pas empêché, néanmoins, d'en apprécier l'histoire où la vie, la mort, la rage, le combat, la lutte et l'amour donnent un rythme allant crescendo.
On sent bien le souffle de la révolte paysanne monter et avec tous ces personnages haut en couleur une envie de lutte de vengeance auprès d'eux naît et grandi en même temps que la leur.
Ma note moyenne reflète ma difficulté d'adhérer au style. Je regrette l'absence totale de dialogues, et ce choix de style indirect.
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Je préfère les professeures de lettres qui écrivent des romans aux auteures qui font profession de littérature. Les premières semblent guider par un feu intérieur, une vive sincérité, une joie d'écrire incomparable. Laurine Roux en est un brillant exemple.
L'histoire est belle. Sur fond de guerre d'Espagne, dans le delta de l'Èbre, la jeune Toya découvre, avec une même fureur, l'amour et la mort. Dans les rizières, le dos courbé, les paysans rêvent d'un monde qui change, où les privilèges sont abolis et la dignité restaurée. L'espoir devient un combat qui mérite tous les sacrifices.
J'ai aimé le style, un flot interrompu, une coulée de lave qui embrase le récit. C'est animal et sensuel (ex : pages 24, 52, 103, 239), le coeur fait corps avec l'âme.
J'ai aimé les personnages. Toya bien-sûr, qui a tout d'une « badass », impulsive, audacieuse, avec un fort tempérament (« Les filles sans caractère se font manger »). Son amoureux, l'instituteur Horacio, l'alter-ego masculin de l'auteure. Sa mère, Pilar, dont le martyr est un vibrant hommage à la condition féminine.
C'est d'ailleurs une des qualités de ce roman : aborder des thèmes forts (lutte des classes, féminisme, maternité, engagement en Ukraine, racines) par le truchement du récit, mais sans jamais donner de leçons.
Je suis grée à l'auteure de ne pas avoir exécuté de pirouettes narratives (je pense au destin de Luz) et de donner toute sa place à l'imagination du lecteur.
J'ai lu « L'autre moitié du monde » à perdre haleine, emportée par son souffle chaud et puissant. Caliente.
Bilan : 🌹🌹
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Au Château de la Marquise, le quotidien du "petit-peuple" est rude, et l'aristocrate ne fait rien pour faciliter les existences, que ce soit en sa demeure ou dans les rizières. Pilar, sa talentueuse cuisinière, est une des proies du Château où la Marquise et le petit Marquis lui mènent la vie dure. C'est dans cet environnement socialement sombre que Toya, sa fille, évolue parmi les couleurs et odeurs de la nature. La "petite sauvage", comme la surnomme sa mère, ne sait ni lire ni écrire, pourtant, elle a soif d'apprendre à vivre. Avec le temps et les épreuves, elle aura aussi soif de revanche, de liberté et de vengeance...

Toya, fille de Pilar et Juan, n'est qu'une enfant au début du roman. Luz est déjà une jeune fille lorsqu'elle entre dans l'histoire, une cinquantaine d'année plus tard (à la moitié du livre). Elle oscille entre révolution et botanique dans un pays où "Franco n'est pas De Gaulle"...

"Les anguilles cherchent toujours à retourner là où elles sont nées." Tout est dit ici... et Laurine Roux va nous expliquer pourquoi dans ces 250 pages.

J'ai eu des difficultés à entrer dans l'histoire. Il m'a manqué des références de dates et de lieux pour m'impliquer rapidement. On se demande "où et quand" on est avant que des indices ne surviennent. J'ai failli abandonner, heureusement que je n'avais rien d'autre sous la main avant la cinquantième page, car je serai passée à côté d'une belle découverte.
J'ai ressenti peu d'attachement à Toya ou aux autres personnages avant la macabre découverte d'Alejandra (p43), puis l'entrée de la musique dans la vie de Toya (magistralement bien d-écrit !). Et je me suis vraiment complètement impliquée après la mort tragique d'un personnage secondaire fondamental, fondateur des actes et personnalités d'autres personnages, bien plus véhéments et tranchés... J'ai fini par rencontrer une foule de personnages mystérieux, sauvages, cruels, détachés, courageux, aussi emportés qu'emportant : très humains, donc...

Laurine Roux nous propose un roman historique, social, politique, engagé dans le passé et vers l'avenir, magistralement bien écrit. La tension monte progressivement sans que les horreurs ne soient clairement nommées. Les personnages se déploient au fil des pages.
L'autrice explore les rapports inégaux entre le peuple et l'aristocratie mourante ; les paysans et gens de "peu de biens" qui se réveillent doucement après avoir tant courbé l'échine dans les rizières ; et enfin, l'avilissement des femmes pauvres et leurs combats pour s'en sortir.

Le style de Laurine Roux est impeccable, implacable. le vocabulaire précis, l'écriture travaillée, maîtrisée font de "L'autre moitié du monde" un roman exigeant pour une lecture intelligente et émotionnellement forte.

Nota : je trouve que la quatrième de couverture de la version poche ne correspond pas vraiment au contenu... j'ai été assez désarçonnée par cette présentation qui ne met pas en avant les qualités de l'histoire et du style à mon sens...
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"Face à la fenêtre, face aux bassins qui se chauffent aux lueurs d'automne, elle remâche les paroles de Toya. les époques se tressent, les destinées aussi, et tout afflue ici, dans le delta.(p249)"

Espagne – Vallée de L'Ebre – Troisième roman de Laurine Roux et troisième lecture pour moi de cette autrice. Après Une immense sensation de calme, le Sanctuaire elle change totalement d'orientation, passant de la dystopie à un récit avec pour toile de fond l'histoire, celle de l'Espagne dans les années 1930, au moment où monte dans une moitié de la société un sentiment de colère et d'injustice face à ceux qui ont et possèdent tout : pouvoir, argent et même parfois droit sur les corps, droit de vie et de mort sur ceux qu'ils exploitent.

Pour le faire, l'autrice nous immerge au sein d'un couple : Juan et Pilar, parents de Toya, âgée d'une douzaine d'années en début de récit. Lui travaille dans les rizières, elle comme cuisinière au château de la Marquise Dona Serena, son époux étant souvent par monts et par vaux et de son fils Carlos, propriétaires non seulement des sols mais également des humains dont ils jouissent sans vergogne. C'est autour de Toya que gravite le récit, une enfant souvent livrée à elle-même, illettrée, qui va apprendre non seulement comment le monde se divise, s'unit mais également s'affronte, comment les mots et les notes de musique peuvent adoucir les douleurs et les nommer, comment les humains peuvent être capables du pire comme du meilleur.

J'ai trouvé les personnages et en particulier celui de Pilar (la mère) très représentatif d'un peuple, dans sa douleur, ses silences, sa honte et dans son incapacité à dénoncer, le tout dans une écriture presque haletante, urgente tant l'oppression comprimait les coeurs et les corps, tant la colère montait l'autrice mêlant à la fois l'amour de la terre, du lieu, du Delta qui coule dans les veines tel le sang, les sens avec les odeurs, les touchers mais aussi la rage, la vengeance et la manière d'y parvenir. Afin de nous offrir une respiration face à tant de misère, de brutalités, Laurine Roux nous offre « une parenthèse » qui se déroule dans l'après, bien après, où d'autres luttes et affrontements sont menés par Luz et Pedro permettant ainsi de connaître le devenir de ses personnages.

Même si j'ai pris beaucoup de plaisir à ce roman et j'avoue même l'avoir dévoré tant l'histoire (la petite) de cette famille sur fond de l'Histoire (la grande, celle du pays où frémissent les premiers signes qui conduiront à la guerre civile et comme souvent aux massacres humains dont la terre et les mémoires ont longuement porté les traces) une fois le livre refermé et avec un peu de recul j'ai quelques petites remarques telles que : les portraits un peu trop poussés dans la caricature, presque à l'excès, des possédants même si je ne conteste nullement qu'il en fut souvent ainsi, le lien entre Toya et Horacio l'instituteur prévisible quant à son déroulement et son issue. Vous allez trouver que je cherche le petit « hic » mais je n'aime pas retrouver dans « x » romans les mêmes clés, le même tronc commun et tellement usité, même si je conçois que nous sommes dans le romanesque historique et que ceux-ci servent à relater l'Histoire, celle d'un pays et d'une époque.

Alors malgré ces quelques bémols ressentis je ne bouderai pas mon plaisir à vous avouer que j'ai beaucoup aimé cette lecture, vraiment beaucoup, j'ai suivi le destin inéluctable des différents personnages, revu des images inscrites dans ma mémoire après avoir vu certains documentaires sur cette guerre interne, les espoirs portés par toute une partie d'un peuple, de celui de l'autre moitié du monde, pour changer le rapport de force afin de retrouver dignité, justice et respect et comment les espoirs furent anéantis dans le sang et l'exode. Et puis il y a l'écriture très imagée et rythmée de Laurine Roux, riche en détails symboliques qui illustre parfaitement le contexte des êtres, de l'histoire, des sentiments, des sensations.

"Pourtant, ça aurait pu continuer comme ça pendant des siècles. Personne ne dira le contraire. Alors, qu'est-ce qui les a poussés à cesser le travail ce jour-là ? (…) Allez savoir pourquoi, cette fois-ci c'est différent… Certains allègueront que les événements se produisent quand ils sont mûrs. Ce matin, c'était une grenade pleine à craquer de jus : il a suffi d'en effleurer la peau pour qu'elle explose. (p113)"

J'ai beaucoup aimé et trouvé très réussi le passage entre l'imaginaire de ses deux précédents ouvrages à celui d'un contexte historique et celui-ci confirme à la fois une plume mais également une écrivaine capable de naviguer dans diverses zones avec succès.
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1930. Dans le delta de l'Ebre, les paysans catalans triment sous la main de fer des propriétaires terriens, en dépit des espoirs portés par la seconde République espagnole.
A 12 ans la jeune Toya observe, comprend, se révolte devant ces inégalités flagrantes que subissent ses parents métayers, le labeur sans fin de son père, la tristesse sans fond de sa mère, cuisinière au château.

La colère couve, la révolte s'organise, la guerre civile pointe son nez …le funeste destin de l'Espagne détruit son peuple.

Laurine Roux, récompensée à juste titre par le prix Orange pour ce très beau roman, immerge le lecteur dans un monde rural âpre et violent, par une plume magnifique, chaleureuse et sensuelle pour évoquer en contre-champ la faute, la flore, la chaleur, les odeurs et la beauté du delta catalan. .

Avec talent, elle fait résonner la dramaturgie de la Grande Histoire à hauteur des petites gens, et particulièrement des femmes, en première ligne pour subir outrages et pertes irrémédiables.

Une bien belle lecture.

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Laurine Roux vient de recevoir le Prix Orange et tant le souffle narratif de son roman L'autre moitié du monde que son écriture le justifient selon moi.

Toya est une gamine sauvage dont la mère est au service de Marquise, une propriétaire terrienne qui règne d'une main de fer sur les rizières du Delta de l'Ebre en Espagne. Nous sommes dans les années 30 et les paysans s'insurgent peu à peu contre leurs conditions de travail. Un drame touchant la famille de Toya va précipiter leur révolte.

Si vous aimez quand la Grande et la petite histoires se marient et se répondent, si vous voulez plonger dans l'Espagne entre révolution et franquisme et comprendre comment encore une fois politique et économie sont liées, si vous voulez vivre avec des personnages puissants qui vous arracheront des larmes par leur destin, alors n'hésitez pas à lire ce roman
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L'Espagne des années 30 dans le delta de l'Ebre semble encore soumise à la loi féodale. Pour Toya, gamine qui grandit librement en "petite sauvageonne" dans ce décor de rizières et de marais, c'est une vie d'injustice qui se dessine entre sa mère, cuisinière au service de la Marquise, la propriétaire des terres, et de son fils qui croit que tout lui appartient, les propriétés comme les hommes, et son père qui s'épuise à travailler la terre. Mais le monde commence à changer, les revendications montent et la révolution n'est pas loin. Ceux qui n'ont rien vont se rebeller mais ils en paieront le prix.

Laurine Roux, par son écriture vivante, vibrante, mêlant images, métaphores et descriptions frappantes, nous plonge immédiatement dans ce monde lointain. Sa plume mêle descriptions de la nature, le delta de l'Ebre, un paysage d'eaux et de rizières, les oiseaux, les marais, une nature encore sauvage, celle qui finalement protège Toya et lui offre d'abord une enfance heureuse loin des turpitudes des hommes, et récit abrupt de cet autre monde, celui d'une domination absolue des puissants sur ceux qui n'ont rien. Abominables personnages de la Marquise et de son fils, vivant dans le luxe dans leur magnifique propriété et refusant la moindre miette à leurs employés et leurs paysans. On est plongés dans la pauvreté, la vie rude des paysans sans terres et surtout l'injustice, omniprésente, la complicité du clergé et de la classe dominante qui s'emploient à maintenir les pauvres à leur service.

L'autre moitié du monde est un roman qui claque, qui frappe. Les événements s'enchaînent, ils sont souvent dramatiques et c'est une magnifique description des prémices de la guerre civile espagnole, de ce qui a déclenché la révolte et la soif de justice des républicains et déjà, en filigrane, de la répression qui se dessine dès le début du roman. On sait déjà que ça finira mal et l'auteure a l'art de nous bouleverser. Ses personnages sont attachants, la petite Toya devenue grande est un magnifique portrait de femme et on voudrait qu'elle s'en sorte, que la lutte pour plus de justice porte ses fruits et lui permette de vivre dans un monde meilleur. Mais ce sont déjà les avions des fascistes qui pointent leur nez et le lecteur sait que tout ça finira mal.

L'écriture de Laurine Roux est puissante, pleine de descriptions et d'images, nous faisant partager sensations et vies des personnages mais j'ai parfois eu l'impression d'un trop plein, d'un roman qui filait à 100 à l'heure sans jamais laisser de respiration au lecteur. Certes c'est très réussi puisque l'histoire s'enchaîne sans temps mort et que j'ai lu ce livre en quelques jours, happée par le récit, mais j'ai aussi trouvé que c'était finalement parfois aux dépens de l'émotion et au prix de quelques répétitions ou d'un peu trop d'emphase. Malgré ce petit bémol cela reste une belle lecture, un récit très original sur un thème pourtant déjà beaucoup vu et surtout un roman très émouvant. Mention spéciale pour les deux premières pages et tous ces morts que l'on devine et dont on saura plus en refermant le roman, un très beau récit pour ne pas oublier.
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