Nos jeunes n’ont pas besoin que leurs enseignantes leur donnent le mauvais exemple, elles sont suffisamment capables d’en trouver seules à l’extérieur. La télévision est une nuisance. Et les parents n’ont aucune autorité sur leurs filles : ils leur laissent regarder des insanités qui leur mettent en tête des idées qui ne sont pas de leur âge.
Jocelyne était jolie, dans le genre poupée décorative qu’elle peaufinait en affectant des attitudes maniérées. En vue de l’offensive, elle avait soigné son apparence plus encore que d’habitude : maquillage de star, coiffure impeccable, décolleté mettant en valeur sa poitrine pigeonnante, jupe moulante. Si elle n’y prenait garde, avec son goût pour le sucré, elle ne tarderait pas à épaissir, mais pour l’heure, elle était très désirable.
La compassion que lui inspirait la malade s’ajoutait à celle qu’elle ressentait pour Jean. Le jeune homme, qui se retranchait derrière le cynisme et la dérision lorsqu’il parlait de lui-même, devenait vulnérable dès qu’il s’agissait de sa sœur. Le lien qui les unissait était d’une force qu’elle pouvait à peine concevoir, mais qui lui donnait le désir de les aider, aussi peu que ce soit.
Elle posa à regret La Chamade, de Françoise Sagan, un roman qui avait fait l’événement à sa parution l’année précédente. Ce monde d’oisiveté, d’argent facile et de voitures de luxe dans lequel vivait Lucile, l’héroïne, la fascinait comme l’observation des mœurs des fourmis captive un entomologiste. Quoique, en l’occurrence, c’était plutôt de cigales qu’il s’agissait.
Nicole ne tarda pas à connaître tous les détails des amours extraconjugales de son employeur, car Jocelyne n’avait qu’une envie : en parler. Il était inconcevable qu’elle se confie à sa mère, que cela scandaliserait, et elle avait cessé d’en faire le récit à sa sœur, laquelle n’accordait aucun crédit aux promesses d’un amant qui était aussi son patron.