Par delà le visible : La réalité du monde physique et la gravité quantique

Parfois, on reproche à la science de prétendre tout expliquer, de savoir répondre à toutes les questions. Ce reproche est curieux, pour un scientifique. En réalité, c'est tout le contraire, comme le sait n'importe quel chercheur dans n'importe quel laboratoire du monde : faire de la science signifie se confronter quotidiennement à ses propres limites, aux innombrables choses qu'on ignore et qu'on ne parvient pas à faire. On est loin de cette prétention de tout expliquer !

… Cette conscience aiguë de notre ignorance est au cœur de la pensée scientifique. C'est grâce à cette conscience des limites de notre savoir que nous en avons appris autant sur le monde. Aujourd'hui, nous ne sommes pas sûrs de ce que nous soupçonnons, comme Socrate ne l'était pas de la sphéricité de la Terre, mais nous sommes en train d'explorer ce qui se trouve au bord de notre savoir.

Le jeu raffiné de l'Arénaire n'est peut-être pas seulement la divulgation d'une audacieuse construction mathématique ou de la virtuosité d'une des plus extraordinaires intelligences de l'Antiquité. C'est aussi un cri d'orgueil de la raison, qui connaît sa propre ignorance, mais n'est pas disposée pour autant à déléguer à d'autres la source du savoir. C'est un modeste mais subtil manifeste contre l'infini, et contre l'obscurantisme.

Certains philosophes des sciences réduisent la science à ses prévisions chiffrées. Selon moi, ils n'ont rien compris à la science : ils confondent les outils avec l'objectif. Les prévisions quantitatives vérifiables servent à examiner les hypothèses. L'objectif de la recherche scientifique n'est pas de faire des prévisions : il est de comprendre comment fonctionne le monde. D'élaborer et de développer une image du monde, une structure conceptuelle pour le penser. Avant d'être technique, la science est visionnaire.

… Jusqu'au bout, la volonté de se confronter et de comprendre davantage. Jusqu'au bout, le doute.
Ce doute continuel, qui est la source profonde de la meilleure des sciences.

Notre culture, qui sépare science et poésie, est stupide, parce qu'elle se rend myope à la complexité et à la beauté du monde, révélées par ces deux disciplines.

… C'est cela, la science. La pensée scientifique explore et redessine le monde, elle nous en donne des images peu à peu meilleures : elle nous apprend à le penser plus efficacement. La science est une exploration continue de formes de pensée. Sa force, c'est sa capacité visionnaire de ruiner des idées préconçues, de révéler de nouveaux territoires du réel et d'élaborer de nouvelles images du monde, plus efficaces.

Le temps n'est qu'un effet de notre négligence à l'égard des micro-états physiques des choses. Le temps est l'information que nous n'avons pas. Le temps est notre ignorance.

L'idée du temps thermique est de renverser cette observation : au lieu d'essayer de comprendre pourquoi le temps produit une dissipation de chaleur, demandons nous pourquoi la dissipation de chaleur produit le temps.

Cette conscience aigue de notre ignorance est au cœur de la pensée scientifique. C'est grâce à cette conscience des limites de notre savoir que nous en avons appris autant sur le monde.