Ce n'est pas original. J'ai découvert les polars sud-africains à travers les romans de
Deon Meyer. Ce fut une révélation et depuis, si je ne rate aucune parution de cet auteur planétaire, je ne manque pas non plus de m'offrir les productions de ses concitoyens. Ainsi après Roger Smith,
Mike Nicol,
Karin Brynard, je me suis attaqué à cet opus de
Michele Rowe.
Comme ses collègues,
Michele Rowe trouve son inspiration dans les dégats qu'a pu faire l'Apartheid pendant des décennies. Rien n'a été oublié, rien n'a été définitivement éradiqué. Il faudra certainement encore de très nombreuses années avant que l'égalité entre race blanche et noire ne s'équilibre. Avant que les quartiers résidentiels blancs sécurisés ne s'ouvrent à tout un chacun. Avant que les townships ne s'estompent des paysages. Avant que les Afrikaners tout puissants ne laissent des parts de leurs immenses richesses et abandonnent ne serait-ce qu'une infime partie de leur omnipotence à la race honnie. Car la haine est toujours dans les coeurs des uns et des autres et la violence toujours présente.
A partir de ces constats,
Michele Rowe a construit un thriller puissant où plusieurs affaires s'entrecroisent, s'interpénètrent même. A la faveur d'une d'une heure mondiale sans électricité, dans un quartier de nantis cloisonné et protégé, trois personnes disparaissent : une mère et son bébé et une adolescente. Où doit-on chercher ? Quel est le mobile ? Qui est responsable ? le bébé est retrouvé dans un fourré à l'article de la mort. Pour le reste, Persy Jonas, une policière métisse qui est la véritable héroïne du roman, Marge Labuschagne, une psychothérapeute vont, chacune de leur côté, tenter de dérouler l'écheveau dans un monde et une région pourtant admirable, où tout se heurte ou se mêle, gangs des townships, drogue, alcool, policiers ripoux, promoteurs véreux, politiciens corrompus, dans une atmosphère de discrimination latente. L'enfer dans un décor de paradis.
Bien sûr, la vérité finira par éclater grâce aux actions (enfin) conjuguées de Percy, en recherche aussi de bien-être, en perte d'un amour interdit, et de Marge la fouineuse. Si la fin surprend dans une certaine mesure car elle peut paraître quelque peu inachevée, on se prend à ce jeu de pistes plein de questions sans réelles réponses. J'aurai tout de même un reproche à faire à l'éditeur. A mon humble avis, il aurait été préférable, plutôt que de placer en fin d'ouvrage un glossaire des expressions Zoulou, Xhosa ou Afrikaner, d'indiquer en début un glossaire des personnages car on si perd parfois un peu entre les acteurs primaires, secondaires, aléatoires, entre les bons et les méchants. Mais cela n'enlève rien à l'intérêt de ce livre et d'un sujet qui, dans ce pays, est malheureusement inépuisable.