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Critique de fanfanouche24


Librairie Caractères- [Issy-les-Moulineaux- Mardi 24 août 2021 ]

Pépite bouleversante …Un immense coup de coeur et au coeur !...
Prise aux tripes par ce roman inspiré d'un fait divers , nous montrant la situation dramatique de certains agriculteurs, poussés au désespoir à cause de la lourdeur et l'avalanche des obligations, réglementations des gouvernements qui poussent à la production de masse, « à la déshumanisation de leurs pratiques et à la négation de leurs savoir-faire ancestraux »

Un jour, Jacques Bonhomme se retrouve privé de son cheptel ; qu'est-ce qu'un éleveur sans ses bêtes ? Il se rebelle, se révolte contre l'aberration et l'injustice de sa situation, et on lui oppose les gendarmes puis des hommes en blanc… pour « l'enfermer », car on le prend pour un fou, car il se révolte contre toute cette bureaucratie !!!

L'impression que ces avalanches d'obligations, de pressions de rendement… asservissent totalement les agriculteurs…et les acculent parfois au pire. Roman qui se déroule en 9 journées, 9 jours de cavale… alternés avec les récits des voisins-amis, de sa soeur, du Vieux Baptiste, sorte de père adoptif de Jacques, et même la voix d'un inspecteur sanitaire, mettant en cause au fil des années la déshumanisation de son travail…

J'ajoute des extraits significatif de notes explicatives de l'auteur , situées à la fin de l'ouvrage : » Ce roman est inspiré de l'histoire de Jérôme Laronze, un agriculteur de Saône-et- Loire abattu par des gendarmes en mai 2017 après trois années de harcèlement administratif et neuf jours de cavale. Il n'avait pas encore trente-sept ans.
En septembre 2017, le gendarme responsable des tirs mortels a été mis en examen(…)
Jacques Bonhomme est le sobriquet attribué au chef de file des paysans révoltés en mai 1358. En réalité, par l'expression « Jacques Bonhomme », les sources de l'époque dénomment l'ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie. Cette dénomination est basée sur l'ancien français « jacques », qui désignait les paysans vêtus d'une veste courte, la jacque »

Je découvre par ce texte la fort belle plume poétique, empreinte de bienveillance et d'empathie de Corinne Royer pour défendre le monde paysan… sans omettre de parler de la solitude , et des suicides trop nombreux des paysans…

un récit bouleversant…que j'ai choisi pour une amie de la campagne bressane, agricultrice à la retraite, avec en doubles pensées, la vie âpre et difficile d'un cousin, septuagénaire, qui se refuse à la retraite et continue de faire marcher dans le Cantal, la ferme héritée de son père…Il me reste toutefois le souvenir très vif de ses récits sur les changements de quotas pour le lait, le lait excédent qu'il était obligé de jeter, la paperasserie continuelle, aberrante, demandée, à tel point que son épouse, en plus de son travail à Aurillac, passait ses jours de congé à mettre tout à jour.

Des vies difficiles, éprouvantes, écrasées par la bureaucratie… Toutefois, ce cousin , ayant exercé des années durant des responsabilités syndicales pour défendre les Agriculteurs ,continue de se battre, car la passion de la terre, de ses bêtes restent sa vie, sa fierté…J'avoue éprouver à son encontre une véritable admiration pour sa ténacité et sa vaillance, envers et contre tout !

Le texte de Corinne Royer nous interpelle tous, nous montre combien le système est à changer, à remettre en cause…car il met en danger la terre, la nature, ceux qui « nous nourrissent », les Agriculteurs, ces hommes vaillants, 7 jours sur 7, au labeur…Cela fait pourtant déjà un très grand nombre d'années que les signaux d'alarme sont en branle !

« Il s'était affranchi des abrutissements générés par des années d'espérance plus ou moins passive, se sevrant sans préavis des promesses de jours meilleurs administrées comme des sédatifs. Il avait dit non. Il avait refusé de se laisser à nouveau endormir par le refrain habituel : les allègements de cotisation, les crédits d'impôts, les aides aux calamités, les primes à l'hectare, les subventions à l'investissement, à la formation, à l'exportation. Il s'était détourné d'un système où il ne trouvait plus sa place - ni lui ni tous ceux animés du seul attachement à la terre et aux bêtes. »(p.16)

Texte exceptionnel par sa force de conviction, et une plume magnifique pour décrire la Terre, les bêtes, la nature, et la vie quotidienne des plus méritantes de « nos » Agriculteurs…à qui on doit « RESPECT » pour leur travail journalier difficile, nous « nourrissant», nous les « citadins » !!!…

Je ne peux résister à transcrire un einième extrait très lumineux , pour conclure cette chronique:
« Nous avons inspiré les peintres et les romanciers. Nous avons façonné l'imaginaire de tous ceux qui, le temps d'un été, ont assisté aux fenaisons et aux vêlages. Nous avons été la fierté d'un peuple et d'une nation. Souvenons-nous des textes de Ramuz: le Paysan, au sens vrai du mot, est l'homme des pouvoirs premiers; il a paru de bonne heure sur la terre et il dure encore. Pourrat, Giono, Thibon ont exalté, chacun à sa manière, l'homme à la bêche. Marcel Arland voyait dans les paysans davantage qu'une classe, la race la plus riche en réserves et en possibilités, celle des hommes les moins artificiels, les plus vrais. » (p. 304)


[*** il me reste dans ma PAL, un autre texte bouleversant à lire depuis des mois, je voulais "nommer" "La Malchimie" de Gisèle Bienne
[Actes Sud, 2019 ]


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