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EAN : 9782330181871
336 pages
Actes Sud (23/08/2023)
4.07/5   224 notes
Résumé :
Ce matin-là, Jacques Bonhomme n’est pas dans sa cuisine, pas sur son tracteur, pas auprès de ses vaches. Depuis la veille, le jeune homme est en cavale : il a quitté sa ferme et s’est enfui, pourchassé par les gendarmes comme un criminel. Que s’est-il passé ?
D’autres voix que la sienne – la mère d’un ami, un vieux voisin, une sœur, un fonctionnaire – racontent les épisodes qui ont conduit à sa rébellion. Intelligent, travailleur, engagé pour une approche sai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (80) Voir plus Ajouter une critique
4,07

sur 224 notes
Couverture bien énigmatique qui semble toutefois annoncer un livre bien sombre , et c'est une triste réalité qui va se jouer sous nos yeux , un drame final en 9 jours ....Le personnage principal , un paysan , Jacques Bonhomme , cultivé , travailleur , respectueux de la terre et de la nature ....Hélas, voilà déjà un moment que l'exode rural a frappé les campagnes , que les villages regorgent de panneaux délabrés qui annoncent la sentence : " A vendre " placardée sur des murs " mangés " par le lierre quand ce n'est pas par les ronces .
Quelques fermes résistent ça et là , derniers héritages d'une société rurale à l'agonie . Les paysans y maintiennent la tradition , celle qui a vu ces hommes et femmes robustes " retirer " de la terre et des près la nourriture essentielle chargée de " faire vivre " une population urbaine plus avide de " prix " que de qualité. Concurrence , prix , grandes surfaces , les " petits " sont à l'agonie et la machine économique s'avance , de plus en plus destructrice , de plus en plus jalouse , de plus en plus vorace . Les paysans luttent puis , emportés par le tsunami , certains par l'âge de la retraite , d'autres par l'intermédiaire du fusil ou de la corde ....Échapper à la vie pour fuir la honte de l'échec....
Pour les " survivants " le coup de grâce viendra . Aujourd'hui , demain , dans quelques mois ou quelques années, apporté par des " bureaucrates " armés de textes de loi , de paperasses si complexes que le temps passé à les remplir mange le moindre espace de repos , de liberté , de textes si stupides que toute possibilité de respiration devient vaine . Et quand ça ne suffit pas , il s'ajoutera le mépris, l'irrespect d'incompétents sbires zélés du pouvoir envers ceux qui , encore , s'accrochent désespérément à leur terroir comme à une bouée au milieu d'un océan déchaîné....Et si tout tarde trop , si l'infortuné résiste encore , il reste encore les gendarmes ...
C'est un beau texte dur , âpre, rude que nous offre Corinne Roger, un texte qui nous emballe , qui nous pousse à toujours croire , à espérer avec cet homme que nous allons accompagner pendant neuf jours incroyables , un personnage vu par d'autres , ses voisins , ses amis ou autres , un personnage qui va nous toucher au plus profond de nous mêmes et nous faire pénètrer dans le monde rural le plus noir , celui qui lutte encore et encore et qui luttera jusqu'au moment fatal ...Pour lui ? pour nous ?
Aujourd'hui , temps de pandémie, la vie rurale semble reprendre quelques droits , mais jusqu'à quand ? Jusqu'à ce qu'un coq chante même le dimanche , un peu trop tôt, un peu trop fort , un peu trop longtemps ? ? Jusqu'à ce que les odeurs de lisier agressent les narines de citadins en quête de...de quoi , au fait ? D'un monde rural sans éleveurs ou paysans peut - être ? Patience , ça vient...vite .
Je me répète, ce livre est comme sa couverture , bien sombre . Roman noir de disparitions programmées, roman social , économique, raconté par un style " au scalpel " , sans concession , sans pathos , sans morale ....Deux yeux , une plume , pas moyen d'y échapper, de dire " je ne savais pas " ....Il y avait Gainsbourg et Gainsbarre . Pourquoi pas Bonhomme et Bas - homme ? le Jacques.
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Au volant de sa Volvo, il fuit, semant facilement ses poursuivants. En gars du pays, il connaît bien les petites routes et les pistes forestières. Une fois la voiture cachée, il profite de la nature, du silence. Encore tout étonné de se trouver étendu sur l'herbe, au petit matin naissant. Presque inutile. Plus à s'occuper de tout ce qu'une ferme suppose. Plus de bêtes ni de terre à s'occuper. Que fuit-il exactement ? Les fonctionnaires d'État ? Les gendarmes ? L'asile où on menace de l'interner ? D'un homme plus que jamais dévoué à ses terres et son cheptel à un paysan qui ne se reconnaît plus dans le métier qu'on lui impose, il est devenu aujourd'hui une bête traquée...

Si les pensées, les émotions et le cheminement de Jacques Bonhomme ne sont que fiction, Corinne Royer s'est tout de même inspirée d'un tragique fait divers dont on a peu parlé. Pourtant, il démontre à lui seul combien le monde paysan va mal. Soumis à de nombreuses directives et règlements, aux contrôles sur le terrain, à de l'administratif pesant... Jacques Bonhomme, à partir d'un simple contrôle, qui va en entraîner bien d'autres, va très vite être pointé du doigt (négligence, fraude allant jusqu'à la maltraitance de ses animaux). Et c'est dans un véritable engrenage que l'homme va s'engouffrer, allant lui faire douter du bien fondé de son métier. de jour comme de nuit, au coeur de la forêt ou à travers les sentiers, l'on suit les pas de Jacques durant ces 9 jours de cavale. Autour de lui, ses voisins, ses amis, sa famille prennent à tour de rôle la parole pour décrire aussi bien l'homme qu'il était que l'incompréhension dans laquelle ils se trouvent. Saisissant et poignant, ce roman dénonce, de son écriture posée et dense, la détresse, le désarroi, la solitude du monde paysan mais aussi la sournoiserie d'un monde capitaliste.
Bouleversant...
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Librairie Caractères- [Issy-les-Moulineaux- Mardi 24 août 2021 ]

Pépite bouleversante …Un immense coup de coeur et au coeur !...
Prise aux tripes par ce roman inspiré d'un fait divers , nous montrant la situation dramatique de certains agriculteurs, poussés au désespoir à cause de la lourdeur et l'avalanche des obligations, réglementations des gouvernements qui poussent à la production de masse, « à la déshumanisation de leurs pratiques et à la négation de leurs savoir-faire ancestraux »

Un jour, Jacques Bonhomme se retrouve privé de son cheptel ; qu'est-ce qu'un éleveur sans ses bêtes ? Il se rebelle, se révolte contre l'aberration et l'injustice de sa situation, et on lui oppose les gendarmes puis des hommes en blanc… pour « l'enfermer », car on le prend pour un fou, car il se révolte contre toute cette bureaucratie !!!

L'impression que ces avalanches d'obligations, de pressions de rendement… asservissent totalement les agriculteurs…et les acculent parfois au pire. Roman qui se déroule en 9 journées, 9 jours de cavale… alternés avec les récits des voisins-amis, de sa soeur, du Vieux Baptiste, sorte de père adoptif de Jacques, et même la voix d'un inspecteur sanitaire, mettant en cause au fil des années la déshumanisation de son travail…

J'ajoute des extraits significatif de notes explicatives de l'auteur , situées à la fin de l'ouvrage : » Ce roman est inspiré de l'histoire de Jérôme Laronze, un agriculteur de Saône-et- Loire abattu par des gendarmes en mai 2017 après trois années de harcèlement administratif et neuf jours de cavale. Il n'avait pas encore trente-sept ans.
En septembre 2017, le gendarme responsable des tirs mortels a été mis en examen(…)
Jacques Bonhomme est le sobriquet attribué au chef de file des paysans révoltés en mai 1358. En réalité, par l'expression « Jacques Bonhomme », les sources de l'époque dénomment l'ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie. Cette dénomination est basée sur l'ancien français « jacques », qui désignait les paysans vêtus d'une veste courte, la jacque »

Je découvre par ce texte la fort belle plume poétique, empreinte de bienveillance et d'empathie de Corinne Royer pour défendre le monde paysan… sans omettre de parler de la solitude , et des suicides trop nombreux des paysans…

un récit bouleversant…que j'ai choisi pour une amie de la campagne bressane, agricultrice à la retraite, avec en doubles pensées, la vie âpre et difficile d'un cousin, septuagénaire, qui se refuse à la retraite et continue de faire marcher dans le Cantal, la ferme héritée de son père…Il me reste toutefois le souvenir très vif de ses récits sur les changements de quotas pour le lait, le lait excédent qu'il était obligé de jeter, la paperasserie continuelle, aberrante, demandée, à tel point que son épouse, en plus de son travail à Aurillac, passait ses jours de congé à mettre tout à jour.

Des vies difficiles, éprouvantes, écrasées par la bureaucratie… Toutefois, ce cousin , ayant exercé des années durant des responsabilités syndicales pour défendre les Agriculteurs ,continue de se battre, car la passion de la terre, de ses bêtes restent sa vie, sa fierté…J'avoue éprouver à son encontre une véritable admiration pour sa ténacité et sa vaillance, envers et contre tout !

Le texte de Corinne Royer nous interpelle tous, nous montre combien le système est à changer, à remettre en cause…car il met en danger la terre, la nature, ceux qui « nous nourrissent », les Agriculteurs, ces hommes vaillants, 7 jours sur 7, au labeur…Cela fait pourtant déjà un très grand nombre d'années que les signaux d'alarme sont en branle !

« Il s'était affranchi des abrutissements générés par des années d'espérance plus ou moins passive, se sevrant sans préavis des promesses de jours meilleurs administrées comme des sédatifs. Il avait dit non. Il avait refusé de se laisser à nouveau endormir par le refrain habituel : les allègements de cotisation, les crédits d'impôts, les aides aux calamités, les primes à l'hectare, les subventions à l'investissement, à la formation, à l'exportation. Il s'était détourné d'un système où il ne trouvait plus sa place - ni lui ni tous ceux animés du seul attachement à la terre et aux bêtes. »(p.16)

Texte exceptionnel par sa force de conviction, et une plume magnifique pour décrire la Terre, les bêtes, la nature, et la vie quotidienne des plus méritantes de « nos » Agriculteurs…à qui on doit « RESPECT » pour leur travail journalier difficile, nous « nourrissant», nous les « citadins » !!!…

Je ne peux résister à transcrire un einième extrait très lumineux , pour conclure cette chronique:
« Nous avons inspiré les peintres et les romanciers. Nous avons façonné l'imaginaire de tous ceux qui, le temps d'un été, ont assisté aux fenaisons et aux vêlages. Nous avons été la fierté d'un peuple et d'une nation. Souvenons-nous des textes de Ramuz: le Paysan, au sens vrai du mot, est l'homme des pouvoirs premiers; il a paru de bonne heure sur la terre et il dure encore. Pourrat, Giono, Thibon ont exalté, chacun à sa manière, l'homme à la bêche. Marcel Arland voyait dans les paysans davantage qu'une classe, la race la plus riche en réserves et en possibilités, celle des hommes les moins artificiels, les plus vrais. » (p. 304)


[*** il me reste dans ma PAL, un autre texte bouleversant à lire depuis des mois, je voulais "nommer" "La Malchimie" de Gisèle Bienne
[Actes Sud, 2019 ]


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Pleine terre, sans surprise, a pour cadre le monde paysan, dont l'existence conditionne la distribution de notre nourriture, fut-elle carné ou végétale. Aux premières loges, en contact direct avec la nature,, et pourtant, ce monde agricole a profondément muté dans les cinquante dernières années, en faisant évoluer les fermes polyvalentes en exploitations spécialisées, noyées sous le poids des contraintes administratives, des contrôles et asservies aux banques dans un cercle vicieux qui brise le lien à la terre.

C'est ce que vit Jacques, seul dans la ferme familiale qu'il a voulu à son tour faire vivre. Un contrôle des services vétérinaires, des veaux étiquetés mais non déclarés, sans intention de se soustraire à cette formalité, et c'est le début d'une spirale infernale qui conduira l'homme a s'enfuir, à se terrer comme un gibier traqué.

L'histoire est construite à partir d'un fait divers, mais le personnage principal, lui, est fictif, issu de l'imagination créatrice de Corinne Royer. Si j'ai adhéré totalement à ce que met en lumière le roman, cette difficulté gigantesque à maintenir un mode de gestion des fermes à taille humaine, les règlements et normes étant conçus pour répondre aux exigences des méga-exploitations, aberrations écologiques et éthologiques, le personnage central m'a paru peu crédible, trop romanesque, voire romantique pour faire corps avec le sujet du roman.

Il n'en reste que c'est un roman nécessaire pour faire prendre conscience de l'impasse dans laquelle sont pris au piège les paysans du monde entier.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Tout part d'un fait réel, il s'agit de l'affaire Laronze, du nom de cet éleveur bio de Saône et Loire dont Florence Aubenas a retracé l'histoire tragique dans « le Monde ».
Dans le roman, le paysan se nomme Jacques Bonhomme. On ne le trouve plus auprès de ses bêtes, il est en cavale.
En proie aux tracasseries administratives, acculé par les contraintes financières, il finit par perdre pied. Pourtant, il l'aime son métier qu'il tient de son père et de son grand-père. D'ailleurs, il ne sait rien faire d'autre que de s'occuper de ses bêtes, les élever du mieux possible. Ce que ne peut comprendre une administration tatillonne et aveugle qui finit par faire du harcèlement. Comment comprendre ça lorsque vous travaillez la terre ? Vous faites de votre mieux face aux aléas du métier mais, au premier manquement, on a vite fait de vous cataloguer comme dangereux et malsain.
« Ce ne sont pas les cinq mille euros d'amande ni les trois mois de prison avec sursis pour mauvaise gestion d'un troupeau qui l'ont fait basculer. Non, c'est sa conviction intime d'être devenu un mauvais paysan. »

Roman polyphonique où se mêlent d'autres voix comme celle de la soeur de Jacques. Les témoignages alternent avec les sensations intimes, les souvenirs du paysan dont les sentiments oscillent entre colère et abattement.
Très bien documenté ce roman mêle habilement la fiction à la réalité, hélas, dramatique du monde paysan. Au-delà des cultures et des pâturages et de l'effondrement du monde agricole, il s'agit bien d'un dysfonctionnement de notre société que Corinne Royer pointe du doigt. Et si on se posait des questions sur la surconsommation qui entraine la surproduction (ou le contraire ? on ne sait plus très bien) et puis l'atteinte à l'environnement avec ses ressources puisées jusqu'à plus soif et la pollution qui en découle. Oui, il y a de quoi se poser des tas de question avec ce roman poil à gratter.
Corinne Royer a su construire un portrait émouvant, et empathique d'un paysan à la dérive et son écriture limpide, évocatrice, nous emporte
Le roman se termine par une lettre émouvante de Jacques bonhomme adressée à ses frères de terre
« Je m'appelle Jacques bonhomme mais je ne suis pas l'insurgé qu'on présente dans les journaux. Je n'ai insulté ni blessé personne, je n'ai porté atteinte à aucun honneur, à aucune vie. Je ne suis coupable d'aucun autre crime que celui de vouloir vivre en paix, la sainte et foutue paix à laquelle chaque homme aspire et devrait pouvoir accéder sans obstacle. »



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critiques presse (2)
LaCroix
27 septembre 2021
Corinne Royer raconte l’étranglement administratif des exploitants agricoles et fait le portrait poignant d’un homme qui reste debout pour l’honneur des campagnes.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Culturebox
03 septembre 2021
Avec la force de la littérature, Corinne Royer nous invite à regarder en face la situation tragique de certains agriculteurs aujourd'hui, et plus largement à réfléchir à notre rapport d'êtres humains au monde que nous habitons.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (107) Voir plus Ajouter une citation
Il regarda autour de lui, s'étonna de tant de beauté. Les mélèzes levaient vers le ciel leurs troncs gris dont l'écorce, sur la partie la plus haute, se teintait de reflets brunâtres. Ils étaient couverts des chatons qui pendaient au-dessus des branches, nombreux et jaunes pour les mâles, d'un rouge très vif pour les femelles. La lumière dansait sur le vert clair des aiguilles, créant des scintillements comme des milliers d'yeux minuscules qui jouaient à disparaître sous les feuillages pour venir à nouveau s'attrouper aux extrémités des ramures. Un soupir émerveillé se forma sur ses lèvres et il pria pour qu'un tel ordonnancement ne soit jamais perturbé par la convoitise des hommes qui toujours s'entêtent à détruire ce qu'il y a de plus beau.
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Chaque fois qu'il s'était projeté dans l'avenir, c'était avec ses terres et son bétail. Pour le reste, jamais il ne s'était senti envieux. Ni de ceux qui s'échinent à l'usine pour des rêves aussi étroits qu'une véranda et une berline métallisée, ni de ceux qui se pavanent dans des bureaux climatisés et règlent la marche du monde en se faisant croire qu'il tourne rond. Il n'était prêt à payer ni le prix de la soumission ni celui de l'arrogance. Ce qu'il obtenait, c'est la terre qui consentait à le lui donner, et seul le prix qu'elle réclamait lui convenait, celui de la sueur et de la patience chevillée au corps.
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Il a parlé. Il a laissé sortir tout ce fatras qui l'encombrait. Au fur et à mesure qu'il racontait, sa voix s'éclaircissait. À la fin, ça coulait tout seul, comme les choses quand elles viennent de cet endroit qu'on appelle le fond de l'âme. Je crois qu'on nomme ça mélancolie. Il m'en a parlé, de la mélancolie. Il m'a demandé si je savais ce que c'était. J'ai répondu que je voyais à peu près mais que je ne saurais pas le décrire avec des mots. Alors il a dit, T'as déjà vu une éclipse ? Eh bien c'est ça la mélancolie, c'est la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière, la mélancolie, c'est la nuit en plein jour. C'est pas de moi, il a ajouté, c'est dans un livre, La Folle Allure, ça s'appelle.
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On l’avait jugé indigne de garder son troupeau, on avait été suspicieux quant à l’origine de ses bêtes, on avait douté de tout : de ses méthodes, de ses facultés à prendre soin d’un cheptel, de sa capacité à respecter des règles. Alors, il en parlerait de ces fameuses règles, des normes de qualité, des précautions environnementales, du bien-être animal, des conditions sanitaires. Il dirait le gazage des cochons dans les fosses à CO², les autorisations données à la ferme des mille vaches, l’horreur de l’élevage intensif avec son lot exponentiel de vaccins et d’antibiotiques, la multiplication des épidémies favorisées par l’absence d’aération et la standardisation des espèces, les expériences conduites sur les vaches à hublot, les poussins mâles entassés sur des tapis roulants puis broyés vivants dans un mixeur, les veaux volontairement anémiés pour obtenir une viande plus blanche. Et comment Nestlé, pour fabriquer sa purée Mousline bio dans la Somme, allait chercher ses pommes de terre en Allemagne sans se soucier de l’empreinte carbone. C’était donc ça, les pratiques de l’agriculture moderne auxquelles on lui demandait de se conformer, les règles à respecter ?
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Il expliquerait qu'il ne se rendrait pas tant que sa voix n'aurait pas été entendue , tant que la mesure ne serait pas prise de l'aberration d'un système qui éliminait les paysans aussi sûrement que des mouches sur un piège électrique, grillait tout sans distinction - le présent et l'avenir. Il faudrait bien que cesse cette odeur de roussi qui gagnait les campagnes. Il faudrait en finir avec cette administration qui allumait des feux chez les petits éleveurs, leur reprochait aussitôt de ne pas savoir les circonscrire alors que d'imminentes catastrophes couvaient en toute impunité chez ceux que ce même système avait décidé de placer sous son aile - parce qu' ils pesaient sur les emplois, qu'ils faisaient vivre les banques, les coopératives, les fabricants de glyphosate, les poids lourds de l'agro-industrie, les géants de la grande distribution. (P.65)
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Vidéo de Corinne Royer
Quitter le monde rural, n'est-ce pas à la fois démissionner de nos racines et de notre avenir? Que fait-on de l'héritage que nos ancêtres ont protégé tant de siècles au prix de leurs vies? Éric Fottorino "Mohican" (Gallimard), Corinne Royer "Pleine terre" (Actes Sud) et Guillaume Sire "Les Contreforts" (Calmann-Lévy). Animée par Karine Papillaud, journaliste
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