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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Appia(2016)
Paolo Rumiz
récit, 515p
traduit de l'italien par Béatrice Vierne, 2019
Arthaud




Paolo Rumiz se revendique écrivain-voyageur. Il est reconnu comme le plus grand écrivain-voyageur italien d'aujourd'hui.. Il est né à Trieste, en 1947 ; Trieste ne redevient italienne qu'en 1954. Il a donc fait l'Appia à presque 68ans, le veinard, avant que l'arthrite ne lui enlève ses pieds, avec lesquels il écrit.


J'étais dans une très belle librairie à Saint-Flour, dont le nom fait rêver, La cité du vent, et qui renferme, entre autres trésors, des cartes très rigolotes. Sur une pile, un nom sur un livre m'a accrochée : celui de Paolo Rumiz, dont je ne savais rien. le livre : le phare, voyage immobile. Je me réjouissais de le trouver dans la médiathèque que j'aime, un autre lieu de rêve ; elle ne pouvait m'offrir que ce livre-ci, Appia. Je n'allais pas refuser le cadeau. le livre se compose de trois parties, le récit proprement dit, les remerciements adressés à ses pieds, et les cartes qui livrent l'itinéraire des 612 kilomètres parcourus en 29 étapes, de cette ligne mythique. Si ce n'est pas là une invitation au voyage, à une randonnée sac au dos et sans GPS -les cartes sont là, calligraphie du parcours-en droite ligne ou presque, qui fait traverser l'histoire et les temps, de l'Antiquité à aujourd'hui avec la mafia et les gouvernements viciés,en passant par le fascisme , à la marche , un révélateur de l'humanité, qui rend Rumiz capable de penser et d'écrire, et qui permet de voir de près et de faire des rencontres, en l'occurrence féminines, à croire que l'archéologie militante existe surtout grâce à elles.
La Via Appia est une route rectiligne, descendant vers le Sud, tracée pour les légionnaires dont la fonction n'est pas d e flâner en touristes, qui va de Rome à Capoue du vivant d'Appius Claudius, qui lui a donné son prénom, pas le nom de sa gens, puis étendue jusqu'à Brindisi grâce aux épigones du même Appius. Jusqu'à Capoue, la présence de Rome, la Dominante, l'Vrbs, se fait sentir ; après c'est le Moyen-Age qui marque le territoire.Cette voie existe toujours, les basoli , ces pierres volcaniques de 50 cm/50qui la pavent sont intacts contrairement à l'asphalte qui les recouvre, mais elle n'est pas entretenue, et elle ne compte pour rien quand il s'agit de la vendre à des industriels qui y placent des parkings ou des supermarchés, ou à des particuliers qui y établissent leurs demeures en se servant des ruines des constructions antiques. Or, non seulement c'est la première de toutes les routes antiques, mais encore de toutes celles d'Europe.Garibaldi, qui oeuvre pour la réunification nationale, veut qu'on la préserve. Sinon, le grand homme de la route du Sud, extension du tronçon, c'est Frédéric II de Souabe, XII°, le soleil des Pouilles, qui a rouvert les chemins de transhumance et qui parcourait son pays en nomade, de château en château, qu'il s'était fait construire, sa baraque à lui, son lieu de refuge ;la racine du mot renvoie à Barak, qui veut dire sainteté, et à Barka, la lignée d'Hannibal, et à Barcelone, Mais l'Italie a peur de l'histoire. C'est pour cela qu'elle manque d'orgueil pour le passé auquel elle appartient et qu'elle ne tient aucun compte de ses merveilles, comme si le Colisée lui suffisait. La France, elle, soigne les pavés de Paris-Roubaix.
Cette randonnée semble être une première. Qui a fait l'Appia à pied, qui l'a appiédée, comme le dit joliment un vieil Italien du Sud, depuis 1745 ? Aussi les randonneurs sont-ils accompagnés de gens, avertis par le bouche à oreille, qui viennent ou les encourager ou les sustenter ou leurs montrer les trésors du coin. Certes, des grilles, des chiens rendus à l'état sauvage, les hauts-fourneaux de l'Ilva à Tarente, au milieu de l'un desquels la Via est emprisonnée, les glissières de sécurité qui l'entravent, les éoliennes, les sordides appas du fric, la presque omniprésence de la corruption, encolèrent Rumiz que la beauté, toujours triomphante, des lieux apaise, beauté qu'il veut faire connaître à tous, histoire aussi de leur faire ouvrir des yeux plus larges, Italiens qui n'ont plus tellement l'habitude de la marche, comme étrangers, et qu'il engage à préserver l'antique.
Rumiz est sensible aux parlers, aux accents, qui disent la diversité de l'Italie et qui, au fur et à mesure qu'on descend vers Brindisi, annoncent la Grèce. La prononciation différente rappelle la présence de Lombards, d'Allemands, d'Arabes, de Byzantins, d'Espagnols, Il rectifie les on-dits de l'histoire : les Samnites connaissaient une civilisation ancienne, grande et raffinée. l aime à revenir à l'origine des mots : ainsi rappelle-t-il la racine commune des mots hostis et hospes, la terre des Osques qui aurait donné naissance au mot obscène en raison de ses attellanes aux termes orduriers, dont Tibère a demandé au Sénat de les abolir. La racine de Rumiz, -rum, pue l'Orient, dit-il, elle sent le gitan. Il se souvient de son grand-père qui, à l'âge de 8 ans, s'est exilé seul en Argentine. Alors bien sûr il est à côté de ceux qui marchent et qui éveillent des soupçons, des migrants, des vaincus.
Il est sensible aux ambiances également. Il sent que Gênes, Nice, sont méridionales en comparaison de Trieste. Il voudrait appeler, comme les Romains, l'Adriatique, mer du Nord, et la Tyrrhénienne, mer du Sud. Il trouve que le Mezzogiorno est le territoire de l'Est plus que du Sud, l'Est étant le paradis, et mettre le cap vers l'Est, c'est aller vers le renouveau.
Il est sensible, tout court. le compagnon et peut-être l'inspirateur de la route, c'est Horace, le pochetron ? En tout cas, le poète savait vivre. Les compagnons de l'Appia aussi, qui savourent des vins du terroir, et mangent à l'italienne, car ce qu'il y a de meilleur chez les Italiens se réfugie dans la nourriture, et particulièrement pour Paolo, dans la pizza aux courgettes frites et au pecorino. La marche éveille tous les sens, on respire, on voit, on touche, on goûte et on entend, hélas, le bruit incessant des voitures à certains endroits, mais aussi le chant des oiseaux et des grillons.Les pieds sentent s'ils sont sur la Via Appia. le soleil est terrible pour les marcheurs qui rêvent de bière. La marche fortifie l'amitié avec le partage des souffrances et le pique-nique, avec saucissons et fromages divers.
Sûr que la Via Appia a des atouts. Rien à voir avec Compostelle, qui est un chemin religieux, un pélerinage, et qui ne se parcourt que dans un sens, et en plus en troupeau. La Via Appia se descend quand on est légionnaire et se remonte quand on est un vaincu. Dans les années 70,, Compostelle n'était rien du tout. L'Appia peut faire mieux. Ceux qui la parcourent, comme Rumiz, sont des anarchistes.
Quand on lit le livre, qui recherche la trace d'une très ancienne route, et qui critique avec de sérieux arguments l'Italie d'aujourd'hui, et une fois qu'il est fermé, on a envie, très envie, de marcher sur l'Appia et de relire Horace. On a aussi envie de manger tous les fromages. Appel entendu, Paolo, on se fera l'Appia.
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Paolo Rumiz, né en 1947 à Trieste, est un journaliste et écrivain voyageur italien. Envoyé spécial au journal Il Piccolo de Trieste, puis à la rédaction de la Repubblica, il couvre en 1986 les événements de la zone balkanique. Pendant la dissolution de la Yougoslavie, il suit en première ligne le conflit de la Croatie puis celui de Bosnie-Herzégovine. En novembre 2001 il est à Islamabad puis à Kaboul, pour couvrir l'attaque des Etats-Unis en Afghanistan. En tant qu'écrivain voyageur, Paolo Rumiz a parcouru de nombreux pays, notamment le long des frontières de la communauté européenne.
Appia (2019) qui vient d'être réédité en poche est un récit du voyage effectué en 2015 pour parcourir dans son intégralité la fameuse via Appia, une voie romaine de près de 600 km de longueur, partant de Rome, longeant la côte tyrrhénienne, traversant les terres de la Campanie et de la Basilicate pour terminer dans les Pouilles. Construite en 312 av. J.-C. à l'initiative d'Appius Claudius Caecus, elle joignait à l'origine Rome à Capoue, puis fut prolongée jusqu'à Brindisi, comme le résume Wikipédia.
Pourquoi cette randonnée de vingt-neuf jours ? Parce que Paolo Ramuz n'est pas qu'un écrivain baladeur, c'est un homme animé d'une forte conscience politique et sociale et cette route concentre tout ce qui l'agace et l'énerve dans cette Italie d'aujourd'hui et même ce monde moderne. Il s'indigne du sort réservé à cette voie qui fût un magnifique ouvrage reliant Rome au sud du pays, une formidable trace du talent des hommes pour l'imaginer en prévision des conséquences économiques qui en découleraient et de l'incroyable somme d'efforts pour la construire. Or, aujourd'hui, plus personne ne s'en souvient, la route elle-même a quasiment disparu par la faillite des institutions et des politiques, la spéculation immobilière, le béton qui recouvre tout… Alors ce voyage sera « une reconquête des espaces perdus, un manifeste destiné à revendiquer une Italie accessible » car « en tant qu'Italien, je souffre mille morts en voyant à quel point on répudie le passé dans mon pays ».
Rumiz partira avec trois autres compagnons ayant chacun une spécialité (pro de la randonnée, grand connaisseur des cartes etc.) et au fil des étapes, d'autres les rejoindront temporairement. Avec cet écrivain, l'excursion est toujours très cultivée (Horace…), l'Histoire fournit mille détails pointus, la géographie n'en manque pas non plus, de Rome à Brindisi les paysages évoluent et tout du long, si tous ceux qu'ils croisent s'étonnent de les voir à pied et se méfient souvent, de belles rencontres scandent le parcours émaillé de nourritures simples mais goutues (« le problème des Pouilles, c'est qu'elles vous rassasient déjà avec les noms de leurs bons petits plats, tant ils sont évocateurs ». Loin des grandes villes l'Italie est un autre pays, le barbier du village est une pièce centrale tout comme le bistro. Plus au sud, la Camorra n'a plus le rôle social qu'elle entretenait jadis.
Excellent bouquin, un récit cultivé et un cri d'indignation pour Paolo Rumiz, un bien beau voyage pour le lecteur.
Les cents dernières pages du livre abandonnent la littérature et reprennent l'ensemble du trajet sous la forme de fiches signalétiques de chacune des vingt-neuf étapes (communes traversées, longueur, altitude etc.) pour faciliter le travail de ceux qui voudraient se lancer dans la même aventure.
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Je voulais randonner, ( je ne peux pas en ce moment) mais peut-être plus simplement. Beaucoup d'explications m'ont semblé envahissantes et je n'arrive à cheminer sur cette voie Appia.
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