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EAN : 9782073003362
576 pages
Gallimard (20/04/2023)
3.83/5   47 notes
Résumé :
"De notre aventure, je ne sais pas ce qui est resté le plus clairement imprimé dans mon esprit: les visages ou les paysages, les pierres que nous avons vues ou les atmosphères que nous avons flairées en chemin. Ce qui est sûr, c'est que ce voyage a été le plus terre à terre et en même temps le plus visionnaire de tous ceux que j'ai faits. Tandis que le poids de mon sac à dos m'ancrait fermement au sol, ma tête vagabondait parmi les nuages, à la manière d'un cerf-vol... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Appia(2016)
Paolo Rumiz
récit, 515p
traduit de l'italien par Béatrice Vierne, 2019
Arthaud




Paolo Rumiz se revendique écrivain-voyageur. Il est reconnu comme le plus grand écrivain-voyageur italien d'aujourd'hui.. Il est né à Trieste, en 1947 ; Trieste ne redevient italienne qu'en 1954. Il a donc fait l'Appia à presque 68ans, le veinard, avant que l'arthrite ne lui enlève ses pieds, avec lesquels il écrit.


J'étais dans une très belle librairie à Saint-Flour, dont le nom fait rêver, La cité du vent, et qui renferme, entre autres trésors, des cartes très rigolotes. Sur une pile, un nom sur un livre m'a accrochée : celui de Paolo Rumiz, dont je ne savais rien. le livre : le phare, voyage immobile. Je me réjouissais de le trouver dans la médiathèque que j'aime, un autre lieu de rêve ; elle ne pouvait m'offrir que ce livre-ci, Appia. Je n'allais pas refuser le cadeau. le livre se compose de trois parties, le récit proprement dit, les remerciements adressés à ses pieds, et les cartes qui livrent l'itinéraire des 612 kilomètres parcourus en 29 étapes, de cette ligne mythique. Si ce n'est pas là une invitation au voyage, à une randonnée sac au dos et sans GPS -les cartes sont là, calligraphie du parcours-en droite ligne ou presque, qui fait traverser l'histoire et les temps, de l'Antiquité à aujourd'hui avec la mafia et les gouvernements viciés,en passant par le fascisme , à la marche , un révélateur de l'humanité, qui rend Rumiz capable de penser et d'écrire, et qui permet de voir de près et de faire des rencontres, en l'occurrence féminines, à croire que l'archéologie militante existe surtout grâce à elles.
La Via Appia est une route rectiligne, descendant vers le Sud, tracée pour les légionnaires dont la fonction n'est pas d e flâner en touristes, qui va de Rome à Capoue du vivant d'Appius Claudius, qui lui a donné son prénom, pas le nom de sa gens, puis étendue jusqu'à Brindisi grâce aux épigones du même Appius. Jusqu'à Capoue, la présence de Rome, la Dominante, l'Vrbs, se fait sentir ; après c'est le Moyen-Age qui marque le territoire.Cette voie existe toujours, les basoli , ces pierres volcaniques de 50 cm/50qui la pavent sont intacts contrairement à l'asphalte qui les recouvre, mais elle n'est pas entretenue, et elle ne compte pour rien quand il s'agit de la vendre à des industriels qui y placent des parkings ou des supermarchés, ou à des particuliers qui y établissent leurs demeures en se servant des ruines des constructions antiques. Or, non seulement c'est la première de toutes les routes antiques, mais encore de toutes celles d'Europe.Garibaldi, qui oeuvre pour la réunification nationale, veut qu'on la préserve. Sinon, le grand homme de la route du Sud, extension du tronçon, c'est Frédéric II de Souabe, XII°, le soleil des Pouilles, qui a rouvert les chemins de transhumance et qui parcourait son pays en nomade, de château en château, qu'il s'était fait construire, sa baraque à lui, son lieu de refuge ;la racine du mot renvoie à Barak, qui veut dire sainteté, et à Barka, la lignée d'Hannibal, et à Barcelone, Mais l'Italie a peur de l'histoire. C'est pour cela qu'elle manque d'orgueil pour le passé auquel elle appartient et qu'elle ne tient aucun compte de ses merveilles, comme si le Colisée lui suffisait. La France, elle, soigne les pavés de Paris-Roubaix.
Cette randonnée semble être une première. Qui a fait l'Appia à pied, qui l'a appiédée, comme le dit joliment un vieil Italien du Sud, depuis 1745 ? Aussi les randonneurs sont-ils accompagnés de gens, avertis par le bouche à oreille, qui viennent ou les encourager ou les sustenter ou leurs montrer les trésors du coin. Certes, des grilles, des chiens rendus à l'état sauvage, les hauts-fourneaux de l'Ilva à Tarente, au milieu de l'un desquels la Via est emprisonnée, les glissières de sécurité qui l'entravent, les éoliennes, les sordides appas du fric, la presque omniprésence de la corruption, encolèrent Rumiz que la beauté, toujours triomphante, des lieux apaise, beauté qu'il veut faire connaître à tous, histoire aussi de leur faire ouvrir des yeux plus larges, Italiens qui n'ont plus tellement l'habitude de la marche, comme étrangers, et qu'il engage à préserver l'antique.
Rumiz est sensible aux parlers, aux accents, qui disent la diversité de l'Italie et qui, au fur et à mesure qu'on descend vers Brindisi, annoncent la Grèce. La prononciation différente rappelle la présence de Lombards, d'Allemands, d'Arabes, de Byzantins, d'Espagnols, Il rectifie les on-dits de l'histoire : les Samnites connaissaient une civilisation ancienne, grande et raffinée. l aime à revenir à l'origine des mots : ainsi rappelle-t-il la racine commune des mots hostis et hospes, la terre des Osques qui aurait donné naissance au mot obscène en raison de ses attellanes aux termes orduriers, dont Tibère a demandé au Sénat de les abolir. La racine de Rumiz, -rum, pue l'Orient, dit-il, elle sent le gitan. Il se souvient de son grand-père qui, à l'âge de 8 ans, s'est exilé seul en Argentine. Alors bien sûr il est à côté de ceux qui marchent et qui éveillent des soupçons, des migrants, des vaincus.
Il est sensible aux ambiances également. Il sent que Gênes, Nice, sont méridionales en comparaison de Trieste. Il voudrait appeler, comme les Romains, l'Adriatique, mer du Nord, et la Tyrrhénienne, mer du Sud. Il trouve que le Mezzogiorno est le territoire de l'Est plus que du Sud, l'Est étant le paradis, et mettre le cap vers l'Est, c'est aller vers le renouveau.
Il est sensible, tout court. le compagnon et peut-être l'inspirateur de la route, c'est Horace, le pochetron ? En tout cas, le poète savait vivre. Les compagnons de l'Appia aussi, qui savourent des vins du terroir, et mangent à l'italienne, car ce qu'il y a de meilleur chez les Italiens se réfugie dans la nourriture, et particulièrement pour Paolo, dans la pizza aux courgettes frites et au pecorino. La marche éveille tous les sens, on respire, on voit, on touche, on goûte et on entend, hélas, le bruit incessant des voitures à certains endroits, mais aussi le chant des oiseaux et des grillons.Les pieds sentent s'ils sont sur la Via Appia. le soleil est terrible pour les marcheurs qui rêvent de bière. La marche fortifie l'amitié avec le partage des souffrances et le pique-nique, avec saucissons et fromages divers.
Sûr que la Via Appia a des atouts. Rien à voir avec Compostelle, qui est un chemin religieux, un pélerinage, et qui ne se parcourt que dans un sens, et en plus en troupeau. La Via Appia se descend quand on est légionnaire et se remonte quand on est un vaincu. Dans les années 70,, Compostelle n'était rien du tout. L'Appia peut faire mieux. Ceux qui la parcourent, comme Rumiz, sont des anarchistes.
Quand on lit le livre, qui recherche la trace d'une très ancienne route, et qui critique avec de sérieux arguments l'Italie d'aujourd'hui, et une fois qu'il est fermé, on a envie, très envie, de marcher sur l'Appia et de relire Horace. On a aussi envie de manger tous les fromages. Appel entendu, Paolo, on se fera l'Appia.
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Tel le Petit Poucet les écrivains "marcheurs" laissent sur leurs chemins non pas des petits cailloux mais de réelles pépites : on peut légitimement penser récemment à Sylvain Tesson et son  "Sur les chemins noirs ", Jean Christophe Rufin et son "Immortelle Randonnée", entre autres.....

Et voici Paolo Rumiz et son livre sobrement intitulé "Appia"
Pour citer Robert McFarlane : " Il existe entre l'écriture et la marche une alliance presque aussi ancienne que la littérature : pas de randonnée sans histoire, pas de chemin qui ne raconte quelque chose. "
Et cela ne date pas d'hier la preuve, en 35 av. J.-C.:
Nous avons quitté Rome, la grande ville, Héliodore et moi ; Héliodore, le plus habile et le plus savant, sans contredit, des rhéteurs de la Grèce. Aricie, à notre première étape, offrait une hospitalité médiocre ; on va, de là, au marché d'Appius, qui est une espèce de halle où foisonne la pire espèce de bateliers, dans les plus horribles tavernes. Nous avons mis deux jours à faire un chemin qu'un voyageur ordinaire eût fait volontiers d'une seule traite. Pour des nonchalants tels que nous, la voie Appienne est la meilleure. Une eau saumâtre eut bientôt découragé la faim que j'avais ; donc je laissai crier mon estomac et mes compagnons dîner à leur bon plaisir, mais sans moi."
(Satires d'Horace - Livre I Satire V)

Tout comme Horace ou comme l'archéologue Antonio Cederna à qui ce livre est dédié, Paolo Rumiz a recherché ce qui reste de la voie Appienne, l'a parcouru et en a parlé, et en a critiqué l'état actuel, en en affronté les vicissitudes, pour nous livrer ce récit d'une riche beauté et les richesses si belles qu'il a rencontrées.

"Un monument unique à sauver religieusement intact, pour son histoire et ses légendes, pour ses ruines et ses arbres, pour la campagne et pour le paysage, pour la vue, la solitude, le silence, pour sa lumière, ses levers et couchers de soleil ".
Les paroles d'Antonio Cederna font revivre la passion qui a conduit Paolo Rumiz, Riccardo Carnovalini, Alessandro Scillitani et Irene Zambon à vivre, pas à pas, l'ancienne voie Appienne, oubliée au cours de siècles, en état de délabrement et d'abandon.

De l'aventure qui a duré 29 jours et 611 kilomètres de marche à l'été 2015, 2327 ans après le début de la construction du Regina Viarum, en est sorti ce livre, dans lequel l'auteur gravé des paroles « narrabondes », mélange de narration et de vagabondage,
Dans les replis de l'histoire, à la recherche de l'itinéraire authentique du regina viarum - la voie Appienne - Paolo Rumiz et ses compagnons de voyage font une descente dans l'Italie la plus profonde. Parmi les entrailles d'un pays qui avec ses mille clochers recèle d'infinies beautés et autant de méfaits : comme il le dit dans cet incipit dédié à Antonio Cederna :

" Grande ombre, écoute-nous, protège
ce chemin qui commence à présent
et bénis nos souliers que voici.
Tu as voué ta vie entière à la déesse
mère et reine de toutes les routes
et par l'indignation de tes écrits
tu as défendu son prestige et ses monuments
contre l'arrogance des promoteurs immobiliers,
du clergé, des clans de brigands,
alors accepte maintenant d'être notre
phare, pilote et dieu tutélaire.
Comme nous, tu étais fils des brumes
du Septentrion et toi aussi, comme nous,
tu as souvent cherché les terres du soleil :
maintenant suis-nous à la recherche
de cette voie directrice millénaire.
En ton nom, Antonio, fils des Cederna,
nous parlerons de méfaits et de merveilles
et en ton nom toujours nous tremperons
en égales mesures notre plume vagabonde
dans le noir encrier de la rage
et dans celui du divin enchantement,
refusant les stériles anathèmes.
Protégés par ton regard bienveillant
nous franchirons monts et plaines
pour faire l'inventaire des histoires
et des gens trouvés en chemin
sur cette route antique entre trois mers."

Le groupe a suivi la ligne parfaite de la voie Appienne, défiant les clôtures et les rocades, traversant des parcs archéologiques semi-désertiques et des richesses souvent méprisées. Vingt-neuf jours d'aventures et de rencontres (certaines excellentes !), de dialogues intenses, d'échanges. Dans un balancement d'humeurs dicté par la rue avec ses trésors et ses horreurs, avec son humanité colorée, tantôt généreuse, tantôt bornée et arrogante.

L'Appia c'est aussi des villes. de Rome à Brindisi l'auteur croise de multiples pays où un pays multiple au passé glorieux et à la modernité controversée. Chacun d'eux a son caractère, ses couleurs, une empreinte que le narrateur restitue avec une pointe de mélancolie. Tous sont unis par la marginalité par rapport à Rome, la capitale qui engloutit toutes les ressources (financements, intérêts, recherche). Terracina, Maddaloni, Venosa, Gravina, Oria et bien d'autres. La moitié de l'Italie défile sous les yeux du lecteur, entre statues de Padre Pio et éoliennes, et semble voyager parmi les hommes et les peuples. Pour des étapes qui sont aussi des esquisses du quotidien, un repas partagé et bien mérité, de la réflexion. Entre ces parcs archéologiques à ciel ouvert et ces décharges qui sentent bon la mafia.

C'est un livre de voyage et de découverte.
C'est un livre à travers lequel l'auteur essaie de nous faire prendre conscience à tous que l'Italie n'est pas seulement le Colisée, mais une myriade de coffres précieux dispersés sur tout le territoire.
C'est un livre se se décompose en 3 parties comme les 3 éléments, 3 origines, 3 sources de l'histoire, 3 composantes d'un paysage.
La pierre de Rome à Capua Vetere
Le vent de Capua Vetere à Venosa
Le blé de Venosa à Brindisi
C'est un livre de dénonciation des ravages commis sur le vernis de ces trésors par ceux qui au contraire auraient dû les garder et les protéger. Découvrir l'Appia pouce par pouce, c'est s'immerger dans la profonde réalité de l'Italie
Ce voyage est une gigantesque métaphore de la situation italienne d'aujourd'hui : il appartiendra à chacun de nous de recevoir le message social que Rumiz a introduit dans les pages de ce livre.

Un parcours qui repose exclusivement sur un acte rebelle, celui de marcher :
"Les yeux fermés, j'entends la danse de onze syllabes de notre départ. Il révèle que le nôtre est un travail patient, pour les chirurgiens et les scribes. le contraire de "errance", l'errance sans but des romantiques anglo-saxons. Ils avaient la tête dans les nuages, nous sommes collés au sol".

La recherche de la route est une véritable obsession.
Tout est rendu plus difficile par l'imbrication du monde contemporain qui avec des routes asphaltées, des autoroutes, des voies ferrées, des quartiers en expansion, des industries mais aussi avec des clôtures et des appropriations abusives, autant de "vols" qui ont fait disparaître l'ancienne Voie Appienne sur de très longs tronçons.
Et tout cela rend l'acte de marcher difficile, obligeant Rumiz et ses compagnons à faire de forts détours pour contourner les obstacles insurmontables de la modernité.

La dernière partie est la plus intimiste dans laquelle l'auteur remercie....ses pieds.....
" Et de cela, je vous remercie, mes chers pieds. Vous m'avez enseigné que je ne dois pas me contenter de sentiers tarabiscotés, construits pour dribbler les obstacles, les dévastations et les hontes, mais les affronter tous en face pour dénoncer les appropriations illégitimes et les méfaits. La force des chemins, c'est qu'on les fait tout seuls, sans avoir besoin d'autorisations venues d'en haut. Une fois tracés, ils réveillent les lieux qu'ils traversent. Ils les modifient en les améliorant. Ils peuvent même inverser le rapport déplorable qu'ont les Italiens avec leur géographie.
Dans les années 1970, Compostelle n'était rien du tout. Maintenant, il y vient des deux cent mille personnes par an. L'Appia peut faire beaucoup mieux. "

Espérons que l'avenir lui donnera raison......

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Je reviens tout juste d'un périple à pied avec Paolo Rumiz et ses compagnons, sur les traces de la Via Appia, mère de toutes les routes, « posant un pas tous les 64 cm, la foulée même des légions ». de Rome à Brindisi, sur la côte Tyrrhénienne, le fil de la route se perd parfois, comme le pouls d'un moribond, et prend tout à la fois forme de « borne, ruine, champ de blé, route provinciale, fontaine, méthanoduc, sillon de charrette sur la pierre vive, tilleul solitaire, mur de pierre sèche, grève, sentier de montagne, arrêt d'autobus, passage à niveau, peau de serpent ». Plus qu'un guide de voyage, le récit emprunte à la grande Histoire, au présent aussi avec une critique sentie à l'égard du peuple italien et de ses pouvoirs publics qui laissent aller le patrimoine au profit d'un capitalisme anarchique sur lequel l'ombre de la Camorra plane inexorablement. Paolo Rumiz se désole donc de l'incurie régnant autour des recherches archéologiques et de leur mise en valeur, du manque total de perspective patrimoniale et de la désolation économique du Mezzogiorno. « Des terres où la Rome antique survit dans chaque jardin, chaque cave et chaque sous-sol, mais où quiconque étudie les pierres – comme l'État et les lois – est plus redouté que la peste, parce qu'il incarne une entrave au marché des adjudications. »
Un vrai beau récit de voyage, entre pèlerinage et randonnée pédestre, rempli de faits historiques et de rencontres étonnantes, serti dans un paysage d'une indescriptible beauté mais que des franges de laideur viennent parfois ternir. Une envolée virtuelle, soit, mais qui m'a comblée d'images fort dépaysantes en ces temps de confinement.
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Paolo Rumiz, journaliste voyageur qui a chroniqué nombre de ses périples dans La Repubblica, décide à quasi 70 ans de suivre la via Appia, prestigieuse voie romaine de plus de 500 kilomètres qui reliait Rome aux Pouilles, plus particulièrement jusqu'à Brindisi. Cette via n'a quasi jamais été suivie par des voyageurs depuis qu'elle n'est plus utilisée, elle est donc un véritable défi pour ceux qui vont la parcourir, et c'est ce défi qui va être raconté de deux manières différentes dans Appia.

Tout d'abord, tel un classique récit de voyage, Paolo Rumiz nous décrit le cheminement effectué par ses acolytes et lui, de Rome à Brindisi, au plus proche de la via, ce qui n'est pas toujours simple car les vestiges de celle-ci sont parfois inexistants – c'est à grands renforts de recherches préalables que le cheminement pourra se faire sans grandes embûches -, sont recouverts par le bitume des nouvelles routes, font partie de propriétés désormais privées… En effet, l'Italie n'a pas été tendre avec cette voie, ne se préoccupant que bien peu de son intérêt archéologique au fil des siècles, ce qui n'est allé qu'en empirant ces cinquante dernières années selon le journaliste. le cheminement devient alors enquête, autant historique que sociologique, non seulement sur la voie, et la difficulté de la conserver, mais aussi sur l'Italie des années 2000, sur la différence entre la vie romaine, dont viennent nos voyageurs, et la vie des Pouilles, sur l'évolution d'un pays en proie à des questionnements nombreux sur son identité première, celle de la Rome Antique. Cheminement raconté via une plume particulièrement travaillée et passionnante à lire, qui mélange parfaitement moments poétiques, pour raconter certains instants ou lieux du voyage qui le méritent, et moments plus factuels, pour décrire les rencontres au fil du voyage qui ont donné lieu à diverses conversations plus ou moins pertinentes pour Paolo Rumiz. J'avoue que j'aurais aimé connaître l'italien pour pouvoir lire ce récit de voyage sans filtre, même si je pense que la traduction est ici d'une très grande qualité. Cheminement qui s'accompagne également d'une introduction de présentation de la via, tout à fait bienvenue, ainsi que d'un hommage final rendu aux pieds du journaliste qui sont, en toute logique, sa première source d'inspiration, comme il l'indique à plusieurs reprises.

Même voyage, autre façon de le raconter : dans une deuxième partie, le journaliste ne décrit que le chemin suivi, tel un guide, à celui qui voudrait se lancer dans la poursuite de la via Appia. Pas de fioritures ici, de descriptions de lieux, de rencontres, de repas…, uniquement le trajet à prendre. Intéressant en somme pour un futur randonneur, mais finalement aussi intéressant pour le lecteur, qui peut ainsi se rendre compte à quel point un récit de voyage se construit personnellement, au fil du périple, et sera différent pour chacun, ce qui fait tout son sel et son sens.

Appia est donc un récit de voyage comme je les apprécie, qui devient vite plus qu'un simple récit de voyage, qui plus est remarquablement écrit, pour nous mener non seulement à la recherche de la Rome antique, mais aussi dans une Italie plus actuelle, partagée entre son désir de respecter son passé et son besoin de se réinventer, notamment parce que sclérosée au Sud par la mainmise de la Camorra, qui a étendu son activité au fil des années.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Vitupération et chant d'amour . Hymne aux arts culinaires et oratoires. Exaltation de la marche et du pied comme instruments de la connaissance du monde . Tout cela est dans le récit de cette randonnée au long des 612 km de la Première des routes , L'Appia Antica , par un groupe de passionnés , archéologues , historiens et artistes , bien décidés à la faire revivre dans l'oublieuse mémoire des italiens . Rien là d'un repliement passéiste ,car cette route civilisatrice et coloniale à la fois est un révélateur des grandeurs et des misères de l'Italie d'aujourd'hui . Et le texte est porté par une poésie sensuelle , un humour qui viennent donner chair à l'érudition de l'auteur. A lire pour comprendre et aimer l'Italie passée et présente.
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critiques presse (3)
Telerama
20 juin 2023
L’écrivain et journaliste, né en 1947 à Trieste, où il vit toujours, ne cesse de parcourir l’Europe, tentant de cerner ce que le mot frontière veut dire.
Lire la critique sur le site : Telerama
Actualitte
30 octobre 2019
Un récit magique où toutes les digressions introspectives ou communicatives qu'autorisent la marche et les étapes, sont permises dans une langue ouverte, légère, admirative, sérieuse, outrée, coléreuse parfois, mais passionnée et passionnante.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeMonde
23 septembre 2019
L’écrivain voyageur traverse le sud italien le long de l’antique voie romaine et laisse libre cours, dans « Appia » à ses émerveillements – comme à ses indignations.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Le dicton « tous les chemins mènent à Rome » cache à la fois une agaçante prosopopée, la morgue déplaisante du lieu bien situé et une paresse incommensurable. Car il revient à dire : ce n’est pas moi qui vais vers l’Italie, c’est à l’Italie de s’arranger pour venir jusqu’à moi, le chapeau à la main. [...] Croire que c’est le monde qui doit s’intéresser au Centre n’a guère de rapport avec la Rome antique. Le temps est venu de mettre ce proverbe cul par-dessus tête et de proclamer que « tous les chemins partent de Rome », rien de plus. Ce sera là notre devise, forts de la conviction que, pour corriger les péchés originels de son unification, l’Italie entière devrait être relue à l’envers.
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(l'auteur dialogue avec ses pieds)
Et qu'est-ce que tu croyais ,ricaniez-vous quand je me plaignais d'un passage particulièrement ardu,qu'on allait t'envoyer dans des hôtels et des sentiers bien signalés avec le logo du pèlerin,et peut être aussi le secours de belles cartes géographiques toute prêtes , ou bien te faire déambuler en compagnie de bonnes âmes avec qui débattre du sens de la vie ? Que non , mon cher ami , ce serait trop facile.
Et quand épuisé , je vous mettais devant l'évidence d'une barrière de broussailles épineuses ou d'un mur qui barrait le passage: tu t'en contrefous de tout ça , me murmuriez-vous à l'oreille, trace ta ligne à toi , franchis l'obstacle et passe, aucune importance si les gens te regardent de travers. Aller à pied est un acte subversif et c'est dans cette subversion que résident ton orgueil et ta force.
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L’Appia est le seul chemin d’Europe que l’on peut lire dans les deux sens de la marche. Alors que Compostelle est one way, à sens unique, strictement en direction de l’ouest, la voie romaine raconte deux grandioses histoires parallèles, une pour les laïcs avant tout et l’autre pour ceux qui recherchent le sacré. La route vers Brindisi appartient aux légions, celle qui se dirige vers Rome est à Pierre et à Paul, la voie du christianisme débarquant en Occident. Deux visions du monde différentes et complémentaires, qui sur l’Appia mettent pour ainsi dire face à face deux races antagonistes de voyageurs.
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Celles des tombes établissent un rapport spécial entre le défunt et le passant : « Étranger, j’ai peu à dire : arrête-toi et lis. Ceci est le sépulcre, pas très beau, d’une femme qui fut belle. Ses parents l’appelèrent Claudia. Elle aima son mari de tout son cœur. Elle mit au monde deux fils : elle laisse l’un d’eux sur la terre, elle a déposé l’autre dessous. Aimable dans ses paroles, honnête dans son comportement, elle garda la maison et fila la laine. J’ai fini, passe donc ton chemin. »
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Leur voyage – notre voyage – s’est achevé à la date du 13 août 2015, deux mille trois cent vingt-sept ans tout juste après le commencement des travaux de construction, après six cent douze kilomètres, vingt-neuf jours de route et près d’un million de pas.
Cette marche nous a incités à retracer le parcours intégral de la mère de toutes les routes, oubliée pendant des siècles de délabrement, d’incurie et d’ignorance.
L’Appia.
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Auteur d'une douzaine de livres traduits dans le monde entier, éditorialiste à La Repubblica, Paolo Rumiz est avant tout un écrivain voyageur. Reporter de guerre, investigateur de zones frontalières et de lieux oubliés, il a parcouru des itinéraires merveilleux, inconnus du tourisme de masse. Dans son dernier ouvrage, le Fil sans fin, il poursuit son errance en suivant les disciples de Benoît de Nursie, le saint patron de l'Europe : de l'Atlantique aux rives du Danube, un voyage spirituel à travers l'Europe des monastères, à la redécouverte de nos valeurs fondatrices.
Plus d'informations sur le festival
À lire – Paolo Rumiz, le fil sans fin, voyage jusqu'aux racines de l'Europe, trad. par Béatrice Vierne, Arthaud, 2022.
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