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Citations sur Éloge de l'oisiveté (58)

Surtout, le bonheur et la joie de vivre prendront la place de la fatigue nerveuse, de la lassitude et de la dyspepsie. Il y aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour
conduire à l’épuisement. Comme les gens ne seront pas trop fatigués
dans leur temps libre, ils ne réclameront pas pour seuls amusements
ceux qui sont passifs et insipides. Il y en aura bien 1 % qui consacreront leur temps libre à des activités d’intérêt public, et, comme ils ne
dépendront pas de ces travaux pour gagner leur vie, leur originalité ne
sera pas entravée et ils ne seront pas obligés de se conformer aux critères établis par ce vieux pontifes. Toutefois, ce n’est pas seulement
dans ces pontifes. Toutefois, ce n’est pas seulement dans ces cas ex-
Bertrand Russell, Éloge de l’oisiveté (1932) [2002] 19
exceptionnels que se manifesteront les avantages du loisir. Les hommes
et les femmes ordinaires, ayant la possibilité de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins à la bienveillance qu’à la persécution et à
la suspicion. Le goût pour la guerre disparaîtra, en partie pour la raison susdite, mais aussi parce que celle-ci exigera de tous un travail
long et acharné. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont
le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l’aisance et de
la sécurité, non d’une vie de galérien. Les méthodes de production
modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre
dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous
sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.
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Dans un monde où personne n’est contraint de travailler plus de
quatre heures par jour, tous ceux qu’anime la curiosité scientifique
pourront lui donner libre cours, et tous les peintres pourront peindre
sans pour autant vivre dans la misère en dépit de leur talent. Les jeunes auteurs ne seront pas obligés de se faire de la réclame en écrivant
des livres alimentaires à sensation, en vue d’acquérir l’indépendance
financière que nécessitent les œuvres monumentales qu’ils auront perdu le goût et la capacité de créer quand ils seront enfin libres de s’y
consacrer. Ceux qui, dans leur vie professionnelle, se sont pris
d’intérêt pour telle ou telle phase de l’économie ou du gouvernement,
pourront développer leurs idées sans s’astreindre au détachement qui
est de mise chez les universitaires, dont les travaux en économie paraissent souvent quelque peu décollés de la réalité. Les médecins auront le temps de se tenir au courant des progrès de la médecine, les
enseignants ne devront pas se démener, exaspérés, pour enseigner par
des méthodes routinières des choses qu’ils ont apprises dans leur jeunesse et qui, dans l’intervalle, se sont peut-être révélées fausses.
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La vie universitaire est si différente de la vie dans le monde commun que les hommes qui vivent dans un tel milieu n’ont généralement aucune notion
des problèmes et des préoccupations des hommes et des femmes ordinaires. De plus, leur façon de s’exprimer tend à priver leurs idées de
l’influence qu’elles mériteraient d’avoir auprès du public. Un autre
désavantage tient auprès du public. Un autre désavantage tient au fait
que les universités sont des organisations, et qu’à ce titre, elles risquent de décourager celui dont les recherches empruntent des voies
interdites. Aussi utile qu’elle soit, l’université n’est donc pas en mesure de veiller de façon adéquate aux intérêts de la civilisation dans un
monde où tous ceux qui vivent en dehors de ses murs sont trop pris
par leurs occupations pour s’intéresser à des recherches sans but utilitaire.
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Les danses paysannes,
par exemple, ont disparu, sauf au fond des campagnes, mais les impulsions qui ont commandé à leur développement doivent toujours
exister dans la nature humaine. Les plaisirs des populations urbaines
sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des
matchs de football, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs
énergies actives sont complètement accaparées par le travail ; si ces
populations avaient davantage de loisir, elles recommenceraient à
goûter des plaisirs auxquels elles prenaient jadis une part active.
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Le fait est que l’activité qui consiste à déplacer de la matière, si elle est, jusqu’à un certain point, nécessaire à notre existence, n’est certainement pas l’une des fins de la vie humaine. Si c’était le cas, nous
devrions penser que n’importe quel terrassier est supérieur à Shakespeare. Deux facteurs nous ont induits en erreur à cet égard. L’un, c’est
qu’il faut bien faire en sorte que les pauvres soient contents de leur
sort, ce qui a conduit les riches, durant des millénaires, à prêcher la
dignité du travail, tout en prenant bien soin eux-mêmes de manquer à
ce noble idéal. L’autre est le plaisir nouveau que nous procure la mécanique en nous permettant d’effectuer à la surface de la terre des
transformations d’une étonnante ingéniosité. En fait, aucun de ces
deux facteurs ne saurait motiver celui qui doit travailler. Si vous lui
demandez son opinion sur ce qu’il y a de mieux dans sa vie, il y a peu
de chances qu’il vous réponde : « J’aime le travail manuel parce que
ça donne l’impression d’accomplir la tâche la plus noble de l’homme,
et aussi parce que j’aime penser aux transformations que l’homme est
capable de faire subir à sa planète. C’est vrai que mon corps a besoin
de périodes de repos, où il faut que je m’occupe du mieux que je peux,
mais je ne suis jamais aussi content que quand vient le matin et que je
veux retourner à la besogne qui est la source de mon bonheur. » Je
n’ai jamais entendu d’ouvriers parler de la sorte. Ils considèrent, à juste titre, que le travail est un moyen nécessaire pour gagner sa vie, et
c’est de leurs heures de loisir qu’ils tirent leur bonheur, tel qu’il est.
On dira que, bien qu’il soit agréable d’avoir un peu de loisir, s’ils
ne devaient travailler que quatre heures par jour, les gens ne sauraient
pas comment remplir leurs journées. Si cela est vrai dans le monde
actuel, notre civilisation est bien en faute ; à une époque antérieure, ce
n’aurait pas été le cas. Autrefois, les gens étaient capables d’une gaieté et d’un esprit ludique qui ont été plus ou moins inhibés par le culte
de l’efficacité. L’homme moderne pense que toute activité doit servir
à autre chose, qu’aucune activité ne doit être une fin en soi. Les gens
sérieux, par exemple, condamnent continuellement l’habitude d’aller
au cinéma, et nous disent que c’est une habitude qui pousse les jeunes
Bertrand Russell, Éloge de l’oisiveté (1932) [2002] 16
au crime. Par contre, tout le travail que demande la production cinématographique est responsable, parce qu’il génère des bénéfices financiers. L’idée que les activités désirables sont celles qui engendrent
des profits a tout mis à l’envers. Le boucher, qui vous fournit en viande, et le boulanger, qui vous fournit en pain, sont dignes d’estime parce qu’ils gagnent de l’argent ; mais vous, quand vous savourez la
nourriture qu’ils vous ont fournie, vous n’êtes que frivole, à moins
que vous ne mangiez dans l’unique but de reprendre des forces avant
de vous remettre au travail. De façon générale, on estime que gagner
de l’argent, c’est bien, mais que le dépenser, c’est mal. Quelle absurdité, si l’on songe qu’il y a toujours deux parties dans une transaction :
autant soutenir que les clés, c’est bien, mais les trous de serrure, non.
Si la production de biens a quelque mérite, celui-ci ne saurait résider
que dans l’avantage qu’il peut y avoir à les consommer. Dans notre
société, l’individu travaille pour le profit, mais la finalité sociale de
son travail réside dans la consommation de ce qu’il produit. C’est ce
divorce entre les fins individuelles et les fins sociales de la production
qui empêche les gens de penser clairement dans un monde où c’est le
profit qui motive l’industrie. Nous pensons trop à la production, pas
assez à la consommation. De ce fait, nous attachons trop peu
d’importance au plaisir et au bonheur simple, et nous ne jugeons pas
la production en fonction du plaisir qu’elle procure au consommateur.
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Mais que va-t-il se passer lorsqu’on
aura atteint le point où il serait possible que tout le monde vive à l’aise
sans trop travailler ?
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Examinons un instant cette morale du travail de façon franche et
dénuée de superstition. Chaque être humain consomme nécessairement au cours de son existence une certaine part de ce qui est produit
par le travail humain. Si l’on suppose, comme il est légitime, que le
travail est dans l’ensemble désagréable, il est injuste qu’un individu
consomme davantage qu’il ne produit. Bien entendu, il peut fournir
des services plutôt que des biens de consommation, comme un médecin, par exemple ; mais il faut qu’il fournisse quelque chose en échange du gîte et du couvert. En ce sens, il faut admettre que le travail est
un devoir, mais en ce sens seulement.
Je n’insisterai pas sur le fait que dans toutes les sociétés modernes,
mis à part l’U.R.S.S., beaucoup de gens échappent même à ce minimum de travail, je veux parler de ceux qui reçoivent de l’argent par
héritage ou par mariage. Je pense qu’il est beaucoup moins nuisible de
permettre à ces gens-là de vivre oisifs que de condamner ceux qui travaillent à se crever à la tâche ou à crever de faim.
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If, at the
end of the war, the scientific organization, which had been created in order to liberate men for fighting and munition work, had been preserved, and the hours of the week had been cut down to four, all would have been well. Instead of that the old chaos was restored, those whose work was demanded were made to work long hours, and the rest were left to starve as unemployed. Why?
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