N'ayant terminé ses études de droit, Benjamin Chaparro n'a pu accéder à un poste plus élevé que celui de chef du secrétariat de la 41ème chambre criminelle d'instruction du tribunal de Buenos-Aires. le roman démarre le jour de son départ à la retraite, qu'il redoute car il craint de s'apercevoir que la cessation d'activité est difficile à supporter. Pour conjurer ses pensées mélancoliques, il décide d'écrire un livre sur la première affaire criminelle à laquelle il a été confronté, dans laquelle il a joué un rôle prépondérant, et qui le hante depuis 30 ans.
Le 30 mai 1968, Liliana Colotto, jeune institutrice récemment mariée à Ricardo Morales est violée et assassinée dans son appartement. Deux suspects sont arrêtés puis relâchés après des aveux extorqués, mais l'assassin court toujours.
Les années passent. de loin en loin, Benjamin rencontre Ricardo avec qui il a noué une relation particulière. Cet homme fou amoureux de sa femme, qui jamais ne se remettra de sa tragique disparition rappelle à Benjamin l'amour éperdu et muet qu'il voue à Irène, sans avoir le courage de lui avouer.
Dans ses yeux est un roman d'amour beau et tragique, dont la plus grande partie se déroule durant la dictature militaire en Argentine. Dans ce contexte politique nauséabond où les disparitions abondent, les cadavres s'amoncellent, la corruption est érigée au rang d'un art, Benjamin fait l'expérience de l'intégrité bafouée. Il convient d'obéir à tous ceux qui ont un galon de plus sur leurs manches, d'envoyer paître ceux qui en ont un de moins. Il ne faut surtout pas porter plainte contre un collègue pour tentative d'extorsion d'aveux sous la contrainte car s'il a un beau-père colonel, l'honnêteté peut coûter très cher. Last but not least, une amnistie réservée aux prisonniers politiques peut permettre à des assassins aux accointances fascistes d'être libérés.
Dans ses yeux n'est pas un aride traité politique, mais un roman lent au style de toute beauté, rempli d'humanité, d'amour, de douleurs, de doutes, qui pose une question qui poursuit longtemps le lecteur : un citoyen peut-il se substituer à une justice défaillante ?