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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sadin Eric – "La silicolonisation du monde : l'irrésistible expansion du libéralisme numérique" – L'échappée, 2016 (ISBN 978-2-3730901-6-1)
– Format 21x14cm, 293p.

Un livre si important et décisif sur la question qu'il est d'ores et déjà en train de devenir un "classique" incontournable dès que qui que soit aborde le thème de l'invasion des technologies numériques dans la vie quotidienne des gens aujourd'hui. Et ce, bien que son auteur soit tombé dans l'ornière de la parade sur les plateaux de télévision des bobos...

La quatrième de couverture constitue une première présentation quelque peu réductrice mais correcte de l'ouvrage ; par ailleurs, on trouve sur le Web, en libre accès, le texte de l'entretien fleuve que l'auteur a accordé au quotidien "Le Figaro", publié dans son édition du 6 janvier 2017, un texte de six pages qui résume de larges aspects de son ouvrage.

Pour ma part, je me limite donc à quelques remarques, formulées après lecture et re-lecture de ce livre.

- le style, l'écriture, la construction de ce pamphlet relèvent d'une certaine excellence académique incluant un vaste savoir dans lequel l'auteur n'hésite pas à piocher, certains pourront trouver qu'il en étale un peu beaucoup. Par ailleurs, de nombreux propos sont formulés un peu hâtivement, mais reconnaissons que les développer eut exigé un triplement du nombre de pages.

Un certain nombre de lacunes subsistent tout de même.

- Rien par exemple sur l'addiction phénoménale consciemment provoquée et entretenue surtout auprès des adolescent(e)s, qui se trouvent – par leurs propres communications sur les réseaux dits sociaux – mis à nu, poursuivis, harcelés de "propositions" les enfermant encore plus dans leur écran, détruisant leur relation à leur entourage, court-circuitant l'intervention d'adultes au point de l'annihiler. le foyer familial devient un lieu de combat incessant contre cette addiction.
Troublante analogie avec les drogues : aucun gouvernement n'entreprend quoi que ce soit de sérieux contre ce phénomène, bien au contraire..

- Rien non plus sur les caractéristiques essentielles des trois quarts (si ce n'est plus) des contenus sciemment relayés et véhiculés sur ces réseaux, à savoir l'imbécillité la plus crasse, la pornographie la plus salace, la médiocrité la plus abyssale, le tout dissimulé derrière deux arguments : le Web donne accès à tout plein de "bon" savoir (la preuve : Babelio ou Wikipedia, entre autres), et surtout, surtout, la pseudo totale "liberté d'expression" qui se doit d'y régner. Ces deux arguments servent à dissimuler les torrents d'ordures circulant dans ces égouts, servant de support à un véritable harcèlement publicitaire et à une profonde désinformation générale.

- Pas un mot non plus sur le lien historique entre ce point d'arrivée et l'instauration de la télévision grand public dans les années soixante du vingtième siècle, préliminaire indispensable à l'abrutissement généralisé via l'écran. Une imbécillisation massive qui ne pouvait se faire qu'auprès de populations largement urbanisées, dé-responsabilisées, passivisées, disposant chaque jour de nombreuses heures de désoeuvrement après avoir effectué un travail de moins en moins intéressant mais fatiguant, ou avoir vécu une journée de chômage et d'inactivité forcée, tout aussi paralysante.

- Pas une ligne non plus sur l'effarante standardisation que ces techniques et procédés assènent au niveau mondial : le Web, c'est le pendant, le complément, du jean, basket, mac-do, block-buster, tube international, etc.

- Je termine par un point essentiel à mes yeux : pour moi, qui ait participé à l'informatisation professionnelle puis personnelle dès les premières vagues, il conviendrait d'insister sur le fait que nous sommes confrontés à deux phénomènes bien distincts : d'une part (dans un premier temps) l'avènement de l'ordinateur individuel, formidable outil de travail décuplant les possibilités de tout un chacun, d'autre part (dans un deuxième temps) la mise en réseau généralisée qui a immédiatement engendré des phénomènes d'espionnage plus ou moins discret des utilisateurs, donc leur mise sous influence.
Cette distinction n'est plus exposée, au contraire, tout est fait pour confondre ces deux dimensions, ce contre quoi il convient (à mon humble avis) de s'élever.

Pour ce qui concerne notre doulce France, la prise de pouvoir par la nomenklatura regroupée autour du Macron n'augure vraiment rien de bon, fascinée qu'elle est par cette idéologie de la "start-up" si bien décrite ici, s'ajoutant à une arrogance phénoménale et un mépris abyssal envers le "petit" peuple.
Le quadrillage généralisé de la population va encore s'accentuer, car nos politicards et commerciaux de tout bord exploitent sans vergogne aucune des phénomènes comme cette pandémie de corona-virus actuellement en cours. La Chine montre le chemin, avec par exemple sa reconnaissance faciale étendue à des millions de personnes, son emprisonnement d'une population entière (les ouïgours), son espionnage systématisé de toute correspondance privée etc. Toute chose dont se vantent déjà les sites commerciaux qui ne visent bien sûr qu'à "mieux vous connaître" pour "mieux vous satisfaire"...

Il me semble que l'auteur aurait pu renoncer à certaines pages de pur baratin (mais bon, il est philosophe et a le goût d'un style littéraire fleuri) pour inclure ces dimensions dans sa réflexion.

Ceci étant, c'est un ouvrage absolument incontournable, qu'il faut lire et faire lire, même si la catastrophe est déjà tellement avancée et consommée qu'il n'est plus permis de douter de la fin de la civilisation qui fut engendrée par l'Europe.
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Après La vie algorithmique (2015) et avant L'intelligence artificielle ou l'enjeu du siècle (2018), voilà La silicolonisation du monde (2016).
Le but de cette « trilogie » est de proposer une réflexion philosophique sur les enjeux de la transformation sociétale qu'induit la «révolution numérique» et notamment le passage de l'informatique dans l'entreprise à l'informatique dans la vie courante, passage qu'on peut schématiquement associer au changement de siècle, avec une accélération depuis 2010.
Les 3 livres sont certainement emmaillés de redites et j'ai eu tendance, en lisant celui-ci après les 2 autres, de le trouver moins intéressant – je pense que c'est à cause de ces redites.
Ceci étant, cette trilogie est passionnante et donne à réfléchir sur la façon dont on fait prendre des vessies pour des lanternes en nous agitant le hochet du merveilleux progrès technologique qui va libérer l'Homme (et sans trop insister sur les milliards en jeu pour certains hommes).
Une trilogie fortement recommandée.
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Pour Éric Sadin, nous assistons à une « silicolonisation du monde ». Devons-nous laisser l'Intelligence Artificielle gérer nos vies, nos villes, notre santé, nos désirs ? L'humain a érigé une instance à nous dire la vérité en toutes choses. Les robots valent mieux que les hommes. Une machine à fabriquer des habitudes. Les algorithmes fonctionnent grâce à notre paresse, notre goût de l'obéissance. Une servitude volontaire tout en douceur qui menace de nous déposséder de ce qui fait notre humanité : nos imperfections, émotions, singularités, erreurs. Autorité, Contrainte, Crainte – les attributs d'un pouvoir divin qui s'exerce alors sur la décision humaine pour la manipuler. le techno-libertarisme favorise une marchandisation de nos comportements, un consumérisme extrême et une technique « inféodée » aux intérêts économiques et au marketing.
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Lorsqu'un livre est terminé, je me pose toujours cette question : cette lecture mérite-t-elle de rester dans ma bibliothèque ou est-elle de passage, vite lue, vite oubliée ? Un livre doit me faire réfléchir, rire, pleurer, etc.

Une bonne réflexion sur le monde numérique.
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