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Critique de Arimbo


Encore un livre formidable lu en ce début d'année, j'ai de la chance.

Cette fois, il est de Françoise Sagan, une romancière que j'aime énormément, dont les romans, au ton souvent impertinent et caustique, cachent derrière leur ironie, leur désinvolture, une vision cruelle, impitoyable de la vie et des gens.

Ici, en forme d'autobiographie, Sagan a choisi dans ses souvenirs
ce qu'il y avait de meilleur, et c'est d'une acuité merveilleuse, c'est souvent drôle, et souvent incroyablement émouvant.

Ainsi en est il de ces rencontres magiques avec Billie Holiday, qu'elle alla écouter toutes les nuits, pendant 15 nuits de suite, dans le Connecticut, avec Michel Magne (le grand compositeur de musique contemporaine, mais aussi de musiques de films, vous savez, celle des Tontons flingueurs, c'est lui).
Il y a aussi les émouvants rendez-vous avec Tennessee Williams, accompagné de Carson Mac Cullers déjà très malade, et la gentillesse magnifique dont il fit preuve à son égard lorsqu'elle adapta son « Sweet Bird of Youth ». Mais aussi l'histoire de sa fin misérable.
Parait encore devant nous Orson Wells dont elle raconte avec humour leurs différentes rencontres, dont elle a vu et revu tous les films, et dont elle analyse avec admiration le génie, et avec tendresse l'incapacité à gérer son argent et sa carrière.
Elle fait un portrait absolument saisissant de Rudolph Noureev, dont elle nous fait partager son ressenti sur ce qui anime ce prodigieux danseur.
Il y a enfin, et c'est pour moi le chapitre le plus émouvant intitulé Lettre d'amour à Jean-Paul Sartre, le récit des déjeuners qu'elle fit avec le grand homme, durant les derniers mois de sa vie, alors qu'il était presqu'aveugle et très diminué physiquement, mais sûrement pas intellectuellement. Elle nous fait partager son admiration pour cet esprit flamboyant et cet homme d'une grande gentillesse.

Se mêlant à ses portraits de femmes et d'hommes admirés et aimés, d'autres chapitres jubilatoires sont consacrés aux deux grands défauts de l'auteure, son addiction au jeu et sa passion pour la vitesse. Elle raconte ainsi avec une bonne dose d'autodérision sa vie dans les casinos, et ce n'est pas triste.
Dans le même registre, un chapitre drôle et piquant, qui appuie là où ça fait mal, sur l'évolution de Saint-Tropez. L'évolution des gens, moeurs, commerces, pratiques, Sagan raconte tout cela depuis le début des années 50, ça fait rire et grincer des dents.

Enfin, deux chapitres fort différents sont dédiés au « métier » de l'auteure. Celui sur le Théâtre raconte avec beaucoup d'ironie et toujours son merveilleux sens de l'autodérision, l'histoire de ses créations théâtrales, de ses succès et de ses bides. Elle y livre aussi la façon dont elle aborde l'écriture des pièces et, là encore, son admiration pour les comédiennes et les comédiens, on y trouve des pointures, Philippe Noiret, Claude Rich, excusez du peu.
Le dernier chapitre du livre, intitulé Lectures est passionnant. Parmi les quatre livres qui l'ont « foudroyée », comme elle l'écrit, j'ai eu la surprise d'apprendre que parmi les oeuvres qui ont définitivement décidé de sa vocation, se trouve celle que je place au sommet de toute la littérature poétique, Les Illuminations d'Arthur Rimbaud, et puis La recherche du Temps perdu de Proust débutée par la lecture d'Albertine disparue.
Et je ne résiste pas à vous citer quelques lignes formidables de l'avant-dernière page du livre:
« Je découvris aussi en lisant Proust, en découvrant cette superbe folie d'écrire, cette passion incontrôlable et toujours contrôlée, je découvris qu'écrire n'est pas un vain mot, que ce n'était pas facile, et que, contrairement à l'idée qui flottait déjà à l'époque, il n'y avait pas plus de vrais écrivains que de vrais peintres et de vrais musiciens. Je découvris que le don d'écrire était un cadeau du sort, fait à très peu de gens, et que les pauvres nigauds qui voulaient en faire une carrière ou un passe-temps n'étaient que de misérables sacrilèges. Qu'écrire demande un talent précis et précieux et rare…….La littérature ..fait de ceux qui osent la toucher, même du bout des doigts, des infirmes impuissants et amers- et ne leur accorde rien- sinon parfois, par cruauté un succès provisoire qui les ravage à vie. »
Et toute la fin du chapitre est un hommage vibrant à la littérature et se termine par ceci, qui est aussi, je pense, notre Credo de lectrices et lecteurs:
« Et il fallut que je laisse vivre quelqu'un à ma place, que je le lise, bref, pour que mon existence propre me fût, enfin, parfaitement sensible. »

Pour terminer, j'ajoute que ce beau livre est aussi un bijou d'écriture.
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