Cette fois encore, bluffée par cette aptitude qu'a
Riad Sattouf à se dépouiller de sa vision d'adulte éclairé pour retrouver, avec un naturel confondant, sa psychologie d'enfant à la perception naïve, et non moins anxieuse, des évènements.
Ah ! Riad, Riad... Ado chétif, complexé, introverti, perpétuellement le cul entre deux chaises, se définissant lui-même comme Syro-Breton, et ne sachant trop qui il est ni ce qu'il veut vraiment. Manquant cruellement de confiance en lui, incapable de s'affirmer, il change de goûts et de centres d'intérêt selon les influences du moment. Ses modèles : les cadors du collège, ceux qui sont beaux, musclés, bien coiffés, bien sapés, et dont toutes les filles sont dingues.
Alors, quand à toutes ses préoccupations aussi superficielles les considérons nous, mais ô combien obsédantes pour Riad, se greffe l'enlèvement de son plus jeune frère par son père et leur départ en Syrie, c'est la panique dans sa petite tête.
Il voudrait tant pouvoir faire... mais faire quoi, au juste ? Il ne sait pas.
Il voudrait tant être... mais être qui, en fait ? Il ne le sait pas plus.
Et, c'est dans cette approche et dans un style qui n'appartient qu'à lui que réside le génie de
Riad Sattouf : nous relater une situation tragique par la voix d'un enfant, l'enfant qu'il était lui-même. Sans jugement, sans décryptage politique ni analyse sociétale. Juste la tempête dans un crâne d'enfant ; l'enfant qu'il était.
Quant à ses graphismes, ils sont à la fois épurés et si figuratifs que l'on a aucun effort à faire pour ressentir les ambiances et les personnages.
Un seul petit bémol à cette BD : elle n'a pas de fin. Ou disons plutôt qu'elle se termine en points de suspension avec un "à suivre". Et qu'il nous faudra donc attendre la parution du tome 6 pour savoir comment s'est terminée cette triste affaire.
Et, moi, les histoires qui ne se terminent pas et où je vais devoir poireauter des mois pour en connaître la fin, ça m'énerve.
D'autant que, dans ce tome 5,
Riad Sattouf s'est beaucoup étendu sur sa vie et ses déboires de collégien, avec des situations assez répétitives, il faut bien le dire. Et que, s'il avait été un chouïa plus bref sur ce point, il aurait eu la place pour développer et achever son sujet principal.