L'anesthésique cessa de faire effet et elle s'éveilla en poussant un hurlement. Elle était ligotée sur une chaise, au milieu d'une pièce en bois rappelant l'intérieur d'un chalet. Des agrandissements issus du site d'escort girls couvraient les murs. Une robe de mariée était étendue sur un lit de sangle. Un caméscope trônait sur une table. La terreur la submergea et elle se débattit comme une possédée pour se dégager de ses liens. Les pieds de la chaise raclèrent le plancher, lui crevant les tympans. A bout de forces, elle arrêta de s'agiter et rassembla ses esprits pour faire le bilan de la situation.
Immense, dégingandé, il devait avoir la trentaine. Il avait le crâne rasé, une mine épouvantable et les yeux vitreux d’un junkie. Il portait un bouc, des piercings dans les narines et les lobes des oreilles. Le vent battait son imperméable noir dont les pans flottaient dans son dos, évoquant les ailes éployées d’un corbeau sur le point de s’envoler.
— Ta mère vieillit. Réconcilie-toi avec elle avant qu’il ne soit trop tard.
Élie lui remit le bout de papier sur lequel il avait inscrit son adresse électronique.
— Il ne suffit pas de se cacher derrière un pseudonyme pour garder l’anonymat.
— Le job d’un auteur de polars consiste à faire l’inventaire des horreurs dont l’homme est capable. Heureusement qu’on peut parler de ces choses-là sans les avoir expérimentées.
— Une assurance excessive amène certains individus à mépriser le danger et à commettre des erreurs,
Vous étiez particulièrement hardi, le jour où vous avez affronté deux tireurs à la fois au gymnase Caillaux. Vous les avez désarmés en moins de temps qu’il n’en faut pour lacer ses chaussures.
contempla les photos encadrées qui décoraient la pièce. Deux d’entre elles retinrent son attention. Sur la première, le jeune Élie Sagane se déhanchait comme Elvis, un micro rétro à la main et une guitare acoustique en bandoulière. L’insouciance et la joie de vivre se lisaient sur ses traits. Sur la seconde, le policier marchait sur une plage déserte, le regard perdu dans le vague et les mains dans les poches de son jean retroussé. Nimbé de rouge par le soleil couchant, son visage trahissait une solitude extrême.Quinze ou vingt ans devaient séparer ces deux clichés. Le temps qu’il faut à un homme pour perdre ses illusions.
Pour quel délit ?
— Il a abusé d’une ado il y a huit ans.
Klein eut une moue désabusée.
— J’étais plein d’espoir le jour où Badinter a fait voter l’abolition de la peine de mort.
A ta place , je ne mettrais plus les pieds ici , articula-t-il sur le ton de la provocation .Tu n'est pas en odeur de sainteté auprès de la maîtresse de maison .Le commissaire lui fit face , le dévisageant d'un air compatissant .Je me demande qui est le plus à plaindre: le fils qui traque les rats d'égout ou celui qui n'a pas encore coupé le cordon .