J'aimerais assez me marier en Amérique, mais pas avec un Américain. Où alors je me marie avec un Américain, et nous vivrons en Europe. Villa sur la Riviera, escalier de marbre plongeant dans la mer. Moi, étendue nue sur le marbre...
J'aimerais m'allongerseule sur un escalier de marbre, au bord de la mer, et attendre. Il arriverait un garçon ou plusieurs. J'aurais le choix: les autres, dédaignés par moi, de désepoir se jetteraient dans la mer. Ou bien ils patienteraient jusqu'au lendemain. Quelle vie délicieuse. A quoi me serviraient, sinon, mes magnifiques épaules et mes belles jambes.
C'est vous qui avez fait ça de moi, pourrais-je dire, c'est vous qui êtes responsable de tous, de ce que je suis devenue, pas seulement Papa et Maman. Rudi et Fred, et tout le monde, tout le monde, puisque personne ne se soucie de moi. Un peu de tendresse quand vous êtes jolie, un peu de sollicitude quand vous avez de la fièvre ; ils vous envoient à l'école et vous offrent des leçons de piano et de français, l'été, vous partez en villégiature, pour votre anniversaire, vous recevez des cadeaux et à table ils parlent de n'importe quoi. Mais, de ce qui se passe en moi, de ce qui ronge et s'effraie en moi, vous en êtes vous jamais préoccupés ?
[...] mais ne me laissez pas mourir. Je suis si jeune. Maman aura du chagrin. J'ai encore envie d'escalader tant de montagnes. J'ai encore envie de danser. J'ai aussi envie de me marier un jour. J'ai encore envie de voyager. Demain nous escaladerons le Cimone. Demain sera une journée splendide.