Curieusement, ce tome 27 est un des plus réus...des moins ratés depuis la reprise de la franchise B&M par les uns et les autres.
Dufaux arrive à redresser la barre après un décevant "L'Onde Septimus" abscons à la fin bâclée. "Le cri du Moloch" reprend l'histoire là où s'achevait la précédente. L'auteur parvient à condenser de manière à-peu-près correcte en un diptyque, un récit envisagé initialement en 3 volumes.
Mais le problème reste entier avec ces reprises : c'est parfois bien, mais jamais mieux.
D'abord parce que personne ne peut recréer le climat nostalgique et l'innocence qui s'attachent aux albums originaux et magnifient les souvenirs. On lit les aventures de Blake & Mortimer pour redevenir enfant ou plus jeune. C'est de la BD à vocation régressive.
Ensuite parce que le cahier des charges est lourd. Il faut rappeler Jacobs et sa précision de traits, son découpage serré, ses récitatifs nombreux, l'absence de gags, évoquer les thèmes de combat du bien contre le mal, des savants fous, ressusciter Olrik en permanence…
Enfin, parce que vouloir perpétuer ces personnages dans leur jus, est une impasse.
Jacobs plaçait ses histoires à l'époque où il les dessinait (entre 1946 et 1971) et donc où elles étaient lues. de ce fait, ses projections de science-fiction étaient acceptables. Aujourd'hui, les repreneurs ont conservé l'époque "jacobsienne" en tant que décor des aventures, mais greffent sur les histoires, des représentations de science-fiction qui elles, ont comparativement beaucoup plus et moins bien vieilli. le vaisseau du futur et son occupant présentés dans cet album n'auraient pas choqué du temps de Jacobs car correspondant à peu-près à une anticipation crédible il y a 40 ans. Mais ils jurent aujourd'hui. En clair, on se projette facilement dans le passé des personnages, mais pas dans leur vision du futur.
Pour sortir de ce piège (diabolique ?), pourquoi ne pas conserver les personnages, leurs principales caractéristiques et moderniser le tout, par exemple en s'inspirant de ce qu'a réussi la série Sherlock ?
Une fois ces remarques faites, que dire de ce tome 27 ?
Le scénario de Dufaux sauve à peu-près les meubles en arrivant à rabouter les fils du volume précédent qui se terminait par la destruction d'un engin spatial baptisé Orpheus et celle de la santé mentale d'Olrik. Mais un autre vaisseau existe et son pilote est détenu par des scientifiques, qui comme le veut le genre, vont le laisser s'échapper ! le Moloch (curieuse appellation d'ailleurs, je cherche en vain l'aspect sacrificiel et rien ne se transforme de sale en beau), passe alors son temps à appeler ses copains de l'espace en taguant les murs de Londres de formules ésotériques.
Pour sauver la planète, Londres et les studios d'Abbey Road, Philip Mortimer va réveiller le Guinea Pigg d'un célèbre : "Par Horus demeure !" et utiliser Olrik pour sauver le monde. Une première.
Le récit est donc beaucoup moins brouillon que celui de "L'Onde Septimus" et il faut reconnaître qu'en allégeant les fameux récitatifs Jacobsiens, Dufaux offre un confort de lecture amélioré.
A noter aussi l'irruption de "vrais" personnages historiques : Elisabeth II et
Churchill. Inhabituel, mais guère génant. En revanche, l'allusion à Oswald Mosley est assez incongrue et ne débouche sur rien. Sans doute une idée initiale non aboutie.
Au niveau du dessin, puisqu'Aubin a quitté ce navire, c'est le couple
Christian Cailleaux (personnages) et Étienne Schréder (découpage et décors) qui s'y est collé, le temps d'une grossesse.
Ce court délai de 9 mois explique sans doute quelques imperfections (cette pauvre Lady Rowena en prend encore plein la figure !), mais si on relit attentivement tous les albums de la franchise, il y en a quand même peu -voire aucun-qui atteignent le sans-faute. Même ceux de
Ted Benoit.
Donc, plutôt conseillé à tous ceux qui regrettent un peu d'avoir acheté "L'Onde Septimus" et à ceux qui l'ont appréciée.
Par contre le nouveau lecteur ne pourra pas commencer directement par celui-ci et je trouve que la couverture pourrait préciser qu'il s'agit d'une suite histoire de ne prendre personne en traitre...
Ne reste plus qu'à attendre les prochaines livraisons des scénarios insipides de Sente et peut-être, un baroud final de la part de van Hamme.