Josiane est embourbée dans le tumulte de ses sentiments lorsque la sonnerie retentit. Réveil en bout de souffle et téléphone tonitruant, ce tintamarre achève de rendre la commissaire de piètre humeur. D’un mouvement brusque, elle se redresse pour stopper l’alarme irritante et répondre à celui qui la dérange de si bon matin. Si c’est Will… Mauvaise pioche, c’est Paul Holo, son adjoint, qui ose l’importuner au lit.
— J’espère que tu as une bonne raison pour me tirer ainsi du sommeil. Je t’écoute, Polo.
— Le corps d’un homme inanimé a été retrouvé au bois de Boulogne, Madame. Apparemment, un joggeur. La Scientifique est en route.
— Bon, j’arrive. Envoie-moi la localisation exacte. On se rejoint sur place.
La perspective d’une nouvelle enquête à résoudre est la seule thérapie capable d’anesthésier la contrariété de la commissaire qui prend vite le pas sur la femme aux déboires amoureux. Rejet intempestif de la couette sous laquelle les deux pelotes noires disparaissent. Saut du lit. Douche rapidement expédiée. Et départ sur les chapeaux de roues.
— À ce soir, les poisons ! Vos croquettes sont servies.
La mère de Tony, vexée, entreprend de défendre obstinément son rejeton. Elle monte rapidement sur ses grands chevaux, dans un élan « canassonique » suivi immédiatement par son amazone de belle-sœur qui ne démord pas de ses convictions. Le ton, déjà très haut perché, grimpe, grimpe, grimpe, dans une chevauchée verbale fantastique. C’est le bon moment pour s’éclipser, en concluent les trois détectives. Discrètement, ils préfèrent quitter la scène des joutes assassines. Celles-ci pourraient bien passer du statut de querelle orale à celui d’empoignade vigoureuse. Autant ne pas être témoin de cette rixe féminine transalpine et rester sur un meilleur souvenir des « reines du macaroni ».
— Donc, vous recyclez du marc de café déjà recyclé ?
— Tu as « toutout » compris, mon gars. Je « rerecycle ». Si ça n’est pas « éécolo », ça !
Un clin d’œil malicieux encourage Anis à s’informer davantage.
— Que peut-on bien faire avec ces déchets ?
— Bien plus d’utilisations que tu ne penses. Moi, je m’en sers simplement pour alimenter le compost de notre ferme urbaine. C’est un bon matériau. Les vers de terre sont comme nous. Ils adorent la caféine. Ça leur donne la pêche !
C’est alors qu’un puissant et long coup de klaxon met un terme à la réaction de plus en plus énervée de Chris. Sur le parking, un énorme camion venu charger des marchandises de l’entreprise voisine, signale sa présence et surtout son incapacité de manœuvre. En cause, une superbe MG décapotée, à la carrosserie impeccable d’un torride rouge brillant. Le chauffeur du poids lourd, aussi écarlate que le cabriolet mal garé et source de ses tracas, descend de sa cabine, prêt à en découdre. Elvis se précipite.
— Cette sublime voiture est à moi, mon ami. Inutile de me proposer de la déplacer même si, je le vois bien, vous en mourez d’envie. Je vais le faire moi-même pour vous être agréable. Un peu plus loin, à l’ombre, elle sera très bien. Merci de me donner ainsi l’occasion de prendre un bon bol d’air frais. Vous tombez à pic.