Leïlan : Intégrale, suivi de 'A Chloé'

Comment un amour qui n'avait pas besoin de paroles pour se comprendre pouvait-il être inconcevable ? J'offrais à Erwan la preuve de mon adoration par cet enfant, mais lui, dans ce regard, me donnait tout en son nom : son rang, sa richesse, son statut d'alchimiste, sa vie... Car, dans ses yeux d'or ne s'inscrivait qu'un seul mot : "fuir".

Cavalier émérite, combattant hors pair, cet homme méritait sa légende.

La belle enfant se retournait vers nous pour présenter avec simplicité le pays qu'elle avait quitté depuis longtemps. J'ai alors remarqué ses yeux. Ils étaient bleus comme la nuit avec des paillettes étoilées. Pouvait-il exister un regard pareil en ces Mondes ? Elle était envoyée par les Fées, cela ne faisait plus aucun doute.

Une nuit, loin de la guerre et de ses cris, malgré le froid sur la terrasse, il s'est mis à jouer du corsouflet à la blanche et mystérieuse lune. Enroulée dans un drap, je l'ai rejoint pour l'écouter mais il s'est arrêté.
- Tends une main vers la lune, m'a-t-il doucement demandé.
Docilement, j'ai tendu mes doigts pour atteindre l'astre comme la première fois.
- Tu as la même couleur de peau qu'elle, dit-il en souriant. Et tu l'aime tant. Je crois que je t'ai enfin trouvé un prénom. De la lune : " Sélène " .
Je croyais ne plus pouvoir pleurer. Et pourtant ce mot a touché mon cœur. Les larmes se sont mises à couler sans fin sur mon visage. Il en fut désespéré ; il croyait avoir dit quelque chose de mal, alors qu'il venait de faire de moi un être à part entière. Ses caresses et ses excuses ont accentué mes sanglots et mes bras, couleur de lune, se sont jetés à son coup.
- Je n'ai jamais eu de nom, ai-je hoqueté.

Axel ne savait plus que penser. Après s'être joué de ses peurs, Leïlan se jouait-il de ses rêves ?
La jeune fille ressemblait à une jolie nymphe des bois. Sa tenue légère était la réplique de celle d'une danseuse de Zhol, un pays lointain des royaumes du Sud : une jupe écourtée à plusieurs pans et un petit corsage. Ses cheveux châtain et doré, disciplinés par trois tresses en couronne, coulaient sur ses épaules jusqu'à sa taille. Sa silhouette très élancée était soulignée par des sortes de lianes, vraisemblablement composées de cette même matière qu'Axel avait trouvée sur son chemin. A la différence que celle-ci arborait un vert très clair. Est-ce que cette délicieuse personne était une illusion ?

Les coudes sur les genoux, le visage dans les mains, l'esprit et le cœur bouleversés, Axel aurait voulu comprendre pourquoi il aimait à ce point Victoire alors qu'il la détestait tant ce soir.

En passant sur le corps de la jeune fille, la créature fusionnait avec celles qui s’y trouvaient déjà. Elle était maintenant presque aussi claire que les autres. Ce ne fut que lorsque sa couleur vira complètement que la jeune fille modéra son chant. L’agressive créature replongea lentement dans l’eau, calmée. Elle semblait avoir oublié l’insouciant qui l’avait dérangée. La jeune fille recule alors par petits pas pour sortir de la lagune et ses propres créatures reprirent leur place sur son corps.
Le chant avait pris fin, Axel restait encore sous le choc et le charme de la scène : il avait bien cru que cette créature allait absorber la belle inconnue. Il avait encore la main serrée sur sa dague. L’étendue d’eau était calme. Au jugé, on ne pouvait croire qu’un tel monstre y habitait. Pourtant, il n’avait pas rêvé. Pas cette fois ! Qu’est-ce que c’était ?
Il n’eut pas le temps de poser la question, la jeune fille répondait déjà :
- C’est une amalyse, une plante tueuse en leïlannais. C’est un être excessivement susceptible qui n’aime pas être dérangé. Lorsqu’on la blesse, elle répond par la mort sans pitié.