Le courage est au-dessus de mes forces.
(Page 219)
"La formule du bonheur n'est pas dans les chiffres."
, j'entends la voix de mon père, ce n'est pas une hallucination, je connais les hallucinations même si parfois je ne saisis pas bien la différence entre rêve et réalité, les hallucinations sont rarement heureuses, ce sont des instants effrayants qui me laissent anéanti.
Réflexion d'Eduard Einstein, fils aliéné d'Albert... (p.286)
En prenant congé, Evelyn (soeur d'Eduard) m'a longuement étreint entre ses bras et m'a embrassé Personne ne s'était comporté ainsi depuis l'année où maman avait quitté ce monde. Si c'était à refaire, je recommencerais. La douceur est une sensation très agréable. J'imagine qu'on ne se lasse pas.
J’ai rencontré les psychiatres. Ce sont des ignorants prétentieux. Ils croient avoir la science infuse. Moi, j’ai la science confuse. P 101
"Seule la vie vécue pour les autres est digne d'être vécue."
"Le progrès c'est de moins percevoir la douleur de l'existence."
Une moitié de mon cerveau s'adresse à l'autre partie. Elle parle un langage que je ne comprends pas, que je n'ai pas appris.
- C'est peut-être de l'hébreu.
- Peut-être, puisque je ne comprends pas l'hébreu. Et à ce moment-là, tout se déchaine dans mon crâne. Une partie de mon corps prend le relais, et l'autre ne m'appartient plus.
- Je sais, Einstein. Tu es ici pour que cela cesse.
- Mais cela se poursuit.
- Tu n'as pas l'impression de moins souffrir qu'avant? Ou bien tout ce que nous faisons pour toi est-il vain? Il faut le dire, Eduard, si tu te montres ingrat à ce point.
- Il est vrai que je ressens moins les choses qu'avant.
- Cela veut dire que tu es sur la bonne voie, Eduard. Le progrès c'est de moins percevoir la douleur de l'existence. De se montrer insensible aux turbulences. Quinze années passées ici ont fait de toi un autre homme, tu sais. Moi-même j'ai pu le constater.
- J'ai beaucoup grossi.
- On se moque du poids.
- Je parle plus lentement, et parfois, j'ai du mal à exprimer clairement ma pensée.
- Les gens ne séjournent pas au Burghölzli pour penser, Eduard.
- Ceux qui sont là depuis trente ans ne s'expriment presque plus.
- Sont-ils vraiment à plaindre? Ne te sens-tu pas plus en sécurité dans notre monde, que dehors? De nombreuses personnes t'envient, tu sais?
La vie m’a appris que rien n’était définitif. Pourtant je crois savoir que je n’aurai jamais d’enfants. C’est sans doute la meilleure façon d’éviter d’être père.
[Evelyn Einstein, adoptée à sa naissance par Hans-Albert, le frère d'Eduard, est venue rendre visite à son oncle à Zurich]
La fille de mon frère se nomme Evelyn Einstein. Je lui fais remarquer qu'elle avait les mêmes initiales que moi. Elle a tenu à préciser qu'elle n'était pas du même sang que moi, car c'était une enfant adoptée. Je l'ai réconfortée en lui rappelant que, d'expérience, les liens du sang n'étaient pas mieux. [...]
Evelyn Einstein était très perturbée par son nom et son héritage. J'ai expliqué qu'il ne fallait pas. S'appeler Einstein nécessite un apprentissage, qu'on naisse avec ou pas. Cela peut prendre plusieurs décennies, voire une vie entière. J'ignore si, dans mon cas, je mourrai guéri.