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Critique de Laureneb


C'est le premier recueil de Senghor que je lis, je n'ai pas d'appareil critique dans mon édition, que l'on me pardonne si je fais une erreur de compréhension ou de jugement. Mais après tout, la poésie doit moins s'analyser que se ressentir, ce sera mon interprétation personnelle et non une étude scientifique.
Senghor publie ici son premier poème, en 1945, à la sortie de la guerre et de la Libération, lui qui a combattu pour la France et a été fait prisonnier. Il commence par décrire Paris : « je contemple toits et et collines dans la brume ». Mais ce n'est pas n'importe quel Paris, ce Paris lui évoque ses frères morts – le premier poème qui ouvre le recueil s'intitule ainsi de façon révélatrice « In Memoriam », des morts qui sont loin de lui, reposant loin, en terre africaine. Car ce Paris évoque la colonisation : le 2ème poème s'intitule « Porte dorée », là où, en 1931, s'est tenue la grande exposition coloniale au bois de Vincennes. Par une association d'idées et de sons, avec presque une assonance, la Seine lui fait alors penser au Sine, un royaume situé au Sénégal qui existait avant la colonisation dont Senghor est originaire. le recueil de poème devient donc alors un autre « cahier d'un retour au pays natal » pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Aimé Césaire – le quatrième poème est, lui, titré « Lettre à un poète » et dédicacé à Césaire. Il semble ainsi que ce soit Césaire qui le guide sur la voie de la poésie, d'une poésie qui doit justement être le chant de la négritude, concept qu'on pourrait définir comme un retour aux racines, à la culture noire : « Aurais-tu oublié ta noblesse, qui est de chanter / Les Ancêtres, les Princes et les Dieux, qui ne sont fleurs ni gouttes de rosée ? ».
Le poète-narrateur part donc en voyage sur la terre de ses ancêtres. Ce voyage fait appel aux sensations, le son des tamtams qui permettent de chanter et de danser, le goût des festins, l'odeur des arbres et de la terre sèche, et la douceur de la peau d'une femme, la vision de la beauté d'une femme nue – avec le poème très beau et très sensuel « Femme noire ».
Les poèmes changent ensuite il m'a semblé, ils reconstituent par les images tout un paysage, celui de la terre africaine ancestrale pour Senghor, avec ses lianes, ses brousses, sa végétation et ses animaux comme le lion et la gazelle. Mais l'Afrique a été atteinte dans sa chair par « les mains blanches » qui ont asservi les peuples en esclavage, fait s'écrouler des empires, abattu la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer / [Abattu] les forêts d'Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu'on manquait de matière première humaine » (« Neige sur Paris »). Senghor peint le portrait d'une Afrique de la mémoire et de la joie, insistant sur la danse et sur les chants des griots qui transmettent les épopées. Dans l'écriture même, il se rapproche des chants épiques et mémoriaux des griots.
Mais le poète a une identité complexe, partagée, mélangée. Il est « docteur en Sorbonne, bedonnant de diplômes », « pasteur de têtes blondes sur les plaines arides de vos livres ». Il aime Paris et ses toits, ses femmes aussi. Il a été nourri par la poésie classique, faisant référence aux Muses antiques tout comme aux Esprits et aux Ancêtres. Sa poésie semble donc unir, ou en tout cas mêler, ses deux cultures.
Encore une fois, je ne suis pas sûre d'avoir tout compris, d'avoir tout bien exprimé, plusieurs images m'ont semblée plutôt obscures, mais j'ai été frappée par la force de cette écriture.
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