"Honneur: on ne tire pas sur des Français"
La piste était si tortueuse, si ravinée et, par endroits, si abrupte, que les blessés devaient être portés à dos d'homme. Le médecin-capitaine Pédousseau allait de l'un à l'autre. Il refaisait un pansement, serrait une attelle, faisait déposer les morts. A intervalles réguliers, il se penchait sur le dernier blessé de la colonne, un légionnaire de la 1ère compagnie dont une balle avait fait sauter la boîte crânienne et dont on voyait le cerveau, et faisait arrêter les porteurs. A l'aide d'une seringue, il nettoyait ce cerveau à nu d'un jet de sérum physiologique. Le toubib était las. De fatigue physique, mais bien plus encore de fatigue morale. Dans la soirée, il n'en pouvait plus. Il demanda qu'on le laisse sur place avec les blessés.
A minuit, les rames de camions du G.T. 507 quittèrent Guelma. Elles prirent la route de Gounod qui, malgré sa qualification pompeuse de route nationale 123, n'était qu'une mauvaise route en lacets. Encore mal éveillés, les légionnaires se serraient les uns contre les autres pour avoir moins froid. Tous feux éteints, les camions ressemblaient à de gros cafards noirs et poussifs.